L'analyse de quatorze Néandertaliens retrouvés en Sibérie permet d'étudier de façon inédite la structure génétique au sein de l'un de leurs groupes et de montrer, une fois de plus, que nous avons beaucoup de points communs avec nos cousins.


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    L'Homme de NéandertalNéandertal est le plus proche cousin de l'Homme moderne. Il est donc évident que ses coutumes artistiques, de culte, de chasse et d'organisation sociale constituent des éléments cruciaux pour la compréhension de nos origines. Or, la structuration des populations de Néandertal repose en partie sur des analyses génomiquesgénomiques qui, jusqu'à récemment, n'avaient été possibles que sur 19 individus, principalement des femmes, éloignées génétiquement, géographiquement (Europe et Asie) et temporellement (entre 400.000 et 50.000 ans avant aujourd'hui).

    Récemment, des chercheurs de l'Institut Max Planck ont analysé le génomegénome de quatorze nouveaux Néandertaliens dont les restes dentaires et osseux ont été retrouvés dans deux grottes au niveau de l'Altaï, en Sibérie. La grotte de Chagyrskaya contenait les restes de sept hommes et cinq femmes et celle de Okladnikov, ceux d'un homme et d'une femme. Ces deux grottes sont situées à 50 et 130 km de la grotte de Denisova, connue pour avoir été notamment occupée par des Néandertaliens et des Dénisoviens entre 270.000 et 50.000 ans avant notre ère.

    Vue d'artiste d'un homme de Néandertal et de sa fille. © Tom Björklund
    Vue d'artiste d'un homme de Néandertal et de sa fille. © Tom Björklund

    Des migrateurs avec l'esprit de famille

    La datation des restes de ces quatorze nouveaux Néandertaliens a montré qu'ils ont occupé ces grottes sibériennes durant une centaine d'années, entre 59.000 et 49.000 ans. L'analyse du génome de ces individus a permis d'identifier que le groupe dans la grotte de Chagyrskaya comportait un père et sa fille. Les séquences génétiquesgénétiques extraites des restes des sept hommes retrouvés dans cette même grotte indiquent par ailleurs qu'ils étaient de proches parents. Cette donnée suggère donc que les hommes adultes restaient dans leur famille d'origine, comme c'est le cas dans de nombreuses sociétés actuelles.

    Cette donnée suggère donc que les hommes adultes restaient dans leur famille d'origine, comme c'est le cas dans de nombreuses sociétés actuelles

    L'analyse du génome a de plus montré que le groupe de Néandertaliens de l'Altaï était phylogénétiquement plus proche des Néandertaliens récents retrouvés en Espagne que des Dénisoviens, cette population avait donc vraisemblablement migré depuis l'Europe jusqu'en Sibérie. Les chercheurs ont aussi mis en évidence le fait que le génome mitochondrial, qui n'est transmis que par la mère, était relativement varié parmi les quatorze Néandertaliens.

    Deux hypothèses pourraient expliquer cette diversité du génome mitochondrial. Il se pourrait que moins d'hommes que de femmes aient contribué à engendrer la génération étudiée ou que les femmes changeaient plus souvent de groupe que les hommes. Selon le travail du Docteur Lauritz Skov présenté au cours du ninth International Symposium on Biomolecular Archaeology, la seconde hypothèse est à privilégier. Les modélisationsmodélisations indiquent en effet qu'il est peu probable qu'un petit groupe constitué majoritairement de femmes ait migré depuis l'Europe jusqu'en Sibérie. Néandertal vivait certes en petits groupes, de 30 à 110 individus adultes, mais il est plus vraisemblable que les jeunes femmes quittaient leur famille d'origine pour aller vivre dans le groupe de leur conjoint, comme c'est le cas dans de nombreuses sociétés actuelles.

    Il est certain que l'analyse du génome de ces quatorze Néandertaliens ne révèle pas leur organisation sociale entre 59.000 et 49.000 ans, cependant elle fournit des indices quant à leur histoire à large échelle spatio-temporelle. La faible diversité génétique des Néandertaliens dans leur aire de répartition la plus orientale préfigure en effet sa disparition, entre 5.000 et 10.000 ans plus tard.