Quand la pluie manque sur un département, il est nécessaire de trouver une solution alternative. C'est exactement l'objectif de l'Aqua Domitia, un adducteur d'eau brute enterré qui permet d'acheminer l'eau du Rhône vers des territoires qui souffrent régulièrement de sécheresse : l'Hérault et l'Aude. Avec la sécheresse qui gagne tout le pourtour méditerranéen, le réseau n'a pas été pensé pour couvrir une zone plus vaste, et son doublement est maintenant envisagé, jusqu'à Perpignan dans les Pyrénées-Orientales.


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    Cet acheminementacheminement d'eau a pour but d'éviter les risques majeurs liés au déficit de précipitations dans ces départements : les coupures d'eau prolongées, les restrictions sévères d'utilisation de l'eau en cas de sécheresse ou encore le déclin de l'agriculture régionale. L'eau du Rhône est donc puisée à Fourques, dans le Gard, puis transférée via un adducteuradducteur qui s'étend jusqu'au Minervois, dans les environs de Narbonne. Le réseau mesure 140 kilomètres et s'étend donc du Gard à l'Aude.

    Pour quels usages exactement ? Le site de la réalisation précise que « sa distribution se répartit entre eau potable (40 %), irrigation agricole (40 %) et "volumesvolumes de substitution" (20 %), qui permettent de puiser moins dans des environnements vulnérables ».

    Les Pyrénées-Orientales ont besoin d'un apport d'eau supplémentaire

    Jusqu'à récemment, les responsables estimaient que « selon les différentes études menées à ce jour, et dans l'attente des résultats des études sur les volumes prélevables, les ressources en eau locales paraissent en mesure de répondre aux besoins en eau du département des Pyrénées-Orientales à moyen terme (2030-2040) ». Mais, avec la forte croissance démographique du Languedoc-Roussillon et la sécheresse extrême des Pyrénées Orientales, les ressources locales en eau ne suffisent plus. Les autorités locales sont donc en train de questionner l'intérêt d'agrandir l'AquaAqua Domitia.

    Le département des Pyrénées-Orientales souffre en effet d'un manque de précipitations depuis plus de 2 ans, et les quelques pluies tombées en mars n'ont pas réussi à combler le déficit. En avril 2024, alors que les nappes phréatiques de l'Hérault présentent des niveaux proches de la moyenne, ceux de l'Aude et des Pyrénées Orientales sont encore « dans le rouge », c'est-à-dire à un niveau très bas. 

    « Tout le monde veut l'eau du Rhône », mais tout dépend du volume prélevé

    Malgré l'opposition d'associations écologistes, le débat sur la prolongation de l'Aqua Domitia est relancé. Mais cette extension nécessite une profonde réflexion, comme nous le confie l'hydrologue Emma Haziza : « Tout le monde veut l'eau du Rhône pour irriguer tout le pourtour méditerranéen, mais il faut intégrer la chute drastique du débitdébit du Rhône depuis quelques années, la diminution de l'enneigement à l'amont, sur les Alpes suisses. À cela, il faut rajouter toutes les sociétés de canaux qui permettent l'irrigation des vignobles. Cette eau sert à tout le monde. Il y a tellement d'acteurs et tellement d'enjeux, c'est très compliqué ».

    Interrogé à ce sujet, Jean-François Blanchet, directeur général du Groupe BRL, le groupe qui prélève l'eau du Rhône, répond : « Nous prélevons 15 à 20 m3 par seconde pour une autorisation de prélèvement de 75 m3 par seconde, donc on utilise le quart de ce qui est autorisé. Le volume prélevé est de 150 millions m3 par an pour un écoulement total du Rhône dans la mer de 54 milliards m3 par an. Notre prélèvement, c'est 0,3 % de l'eau qui s'écoule dans la mer. Même avec un nouveau projet, l'impact sera limité, même si le volume d'eau du Rhône diminue ».

    L'idée, selon BRL, n'est pas de vider le Rhône pour permettre de consommer toujours plus : « C'est un projet climato-compatible qui s'inscrit dans un ensemble d'actions : limiter les pertes et les fuites, et faire en sorte que les usagers aient la meilleure efficacité hydrique, c'est-à-dire la plus faible consommation d'eau possible pour un besoin. Il faut quitter la culture de l'abondance ».

    Le trajet actuel de l'Aqua Domitia, des environs de Montpellier à Narbonne. © Réseau hydraulique régional
    Le trajet actuel de l'Aqua Domitia, des environs de Montpellier à Narbonne. © Réseau hydraulique régional

    L'exceptionnel devient la norme, il faut donc changer d'approche

    Fin mars dernier, le ministre Christophe Béchu a annoncé qu'il allait se pencher sur la question, avec la mise en place d'une étude sur la nécessité et l'impact environnemental. De son côté, le préfet de la Région Occitanie estime que « face aux besoins accrus en eau, la Région souhaite relancer une réflexion sur l'extension du réseau hydraulique régional, Aqua Domitia, jusqu'aux Pyrénées-Orientales, qui devra s'articuler avec d'autres projets hydrauliques locaux et de transformation des usages ». Le directeur général de BRL l'assure, « il s'agit d'une approche de long terme : nous allons passer dune culture de la gestion de crise d'une sécheresse exceptionnelle,  à une culture de gestion adaptée au changement climatiquechangement climatique, car l'exceptionnel devient normal ».