La robotique actuelle serait dans la situation de la micro-informatique des années 1980 et de l’Internet des années 1990 : c’est le credo de Bruno Bonnell, président de la société Robopolis mais aussi du syndicat Syrobo, lequel organise à Lyon, du 23 au 25 mars, la première édition d’Innorobo, salon professionnel de la robotique.
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L'invasion des robots a-t-elle commencé ? Oui, semble-t-il. Dans le milieu professionnel, ils ont déjà investi les usines tandis qu'ils s'immiscent dans le milieu médical. Les scientifiques les ont adoptés pour explorer l'océan et les militaires ne comptent plus leurs drones, qui donnent envie aux forces de police, imaginant une vidéosurveillance aéroportée, déjà testée aux États-Unis et qui en inquiète plus d'un...
C'est sans doute à la maison que les prochains mois ou prochaines années connaîtront une évolution spectaculaire, avec des robots joueurs, compagnons, connectés... Nous avons demandé son avis à Bruno Bonnell (qui fonda Infogrames et Infonie), actuellement président de la société Robopolis, distributeurs de robots (par exemple l'aspirateuraspirateur Roomba, de iRobot), et président de Syrobo, le syndicat français des professionnels de la robotique.
Windoro, ici en démonstration au CES 2011, nettoie les surfaces vitrées. © LuckyNDJ/YouTubeYouTube
Futura-Sciences : Que regroupe-t-on sous le vocable robotique ?
Bruno Bonnell : On peut distinguer la robotique industrielle manufacturière (celle des automates) de la robotique de service. D'après l'International Federation of Robotics, on vend aujourd'hui 100.000 automates industriels par an, avec une croissance annuelleannuelle faible, de l'ordre de 5 %. Les robots de service s'utilisent en milieu professionnel. Ce sont alors des assistants, par exemple dans le secteur médical. Ils peuvent être affectés à la surveillance ou au nettoyage. On dénombre à peu près 100.000 machines installées. La robotique de service comprend aussi le domaine du robot personnel.
Ces robots domestiques ne sont-ils pas une partie négligeable ?
Bruno Bonnell : Pas du tout ! Aspirateurs ou lavelave-vitresvitres, compagnons, jouets, robots éducatifs représentent aujourd'hui une réalité : il y a 11 millions de robots personnels dans le monde, dont 5,6 millions de robots purement domestiques. Et la croissance du marché est forte : on estime qu'elle va doubler d'ici à 2013. En 2020, ce secteur devrait représenter 100 milliards de dollars, soit une multiplication par 30 en dix ans !
Pourtant, les robots domestiques, aujourd’hui, ne font pas grand-chose…
Bruno Bonnell : Rappelez-vous du ZX81, cet ordinateur britannique bon marché du début des années 1980. Il ne fonctionnait pas vraiment mais il préfigurait les ordinateurs d'aujourd'hui. Les robots actuels ne sont pas très efficaces mais ils montrent la voie.
On peut vraiment comparer la robotique des années 2010 avec la micro-informatique des années 1980 ou l'Internet des années 1990. Cela va aller vite. C'est une affaire de cinq ou six ans. À cet horizon, tout le monde aura un robot... Rappelez-vous : en 2002, le Wi-FiWi-Fi n'existait pas.
Quels sont les progrès récents qui permettent ces avancées ?
Bruno Bonnell : Ils sont multiples. Il y a des progrès en synthèse vocalesynthèse vocale et en intelligence artificielle (voyez le succès du Watson d'IBMIBM au jeu télévisé Jeopardy, c'est un événement considérable !). Les robots actuels ont gagné la connectivité, ce qui permet par exemple le déport d'une partie du traitement de l'information dans un ordinateur distant. Il faut aujourd'hui croiser tous ces progrès.
« Il faut penser autrement »
Une entreprise doit donc cumuler les compétences pour faire de la robotique ?
Bruno Bonnell : Oui. Il faut effectivement des compétences multiples, qui se trouvent parfois dans plusieurs entreprises. Prenez Windoro, un robot laveur de vitre. Il a été imaginé par une société du textile, spécialiste des microfibres. Elle s'est adressée à une entreprise de mécanique pour réaliser l'appareil. C'est ce genre de synergiesynergie que nous voulons activer au salon Innorobo.
Vous parlez de la robotique comme d’un métier nouveau.
Bruno Bonnell : Pour fabriquer des robots, il faut penser autrement ! Il ne faut pas se contenter d'automatiser une tâche. On doit utiliser les spécificités des robots, en tirer profit, imaginer des solutions nouvelles. Les robots nettoyeurs de pipes-lines, par exemple, n'utilisent pas de brosses, comme le ferait un Homme. Ils soufflent...
Quelles entreprises émergent-elles aujourd’hui ou vont-elles émerger ? Des petites ? Des grandes ?
Bruno Bonnell : De grandes entreprises s'y intéressent. EDF et la SNCF sont partenaires du salon Innorobo et MicrosoftMicrosoft s'y trouve aussi. Mais je crois que nous allons assister à une floraison de start-upstart-up de la robotique, comme ce qui s'est passé pour l'informatique ou Internet. De nombreuses sociétés se créent aujourd'hui et elles embauchent. Il faut s'attendre à voir émerger un GoogleGoogle ou un FacebookFacebook de la robotique.
Côté enseignement, quelle est la situation ? Enseigne-t-on la robotique ?
Bruno Bonnell : Il y a clairement un déficit d'ingénieurs roboticiens en France. Mais il manque peu de choses. Il suffirait que les écoles d'ingénieurs s'y mettent, comme le fait l'ENSEEIHT de Toulouse. Je pense que la robotique est comme un deuxième souffle pour les sciences de l'ingénieur, les sciences tout court et la technologie.