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Les datations
La question de la datation d'un gisementgisement préhistorique est bien sûr toujours importante. Les informations fournies par la faunefaune semblaient nous donner un âge assez élevé, très probablement au-delà de la limite d'application des datations par le carbone 14 (environ 40 000 ans). C'est pourquoi nous avons fait appel à Jean-Jacques Bahain, un collègue du Département de Préhistoire du Muséum National d'Histoire NaturelleMuséum National d'Histoire Naturelle. Il est spécialiste d'une méthode de datation appelée RPE/U-Th combinée (RPE pour Résonnance ParamagnétiqueParamagnétique Électronique, U-Th pour Uranium-Thorium), qui trouve typiquement son application dans ce type de site. Sans entrer dans le détail de la méthode utilisée, il faut juste savoir qu'elle permet de dater directement des dents contenues dans les sédimentssédiments (en les détruisant malheureusement). Pour ce faire, il est nécessaire de connaître la radioactivité que reçoit un objet pris dans le sédiment. Dans ce but, on utilise des petits tubes appelés dosimètres qui sont enfoncés à plusieurs endroits du sédiment, si possible non loin des dents qui ont été choisies pour être datées. Ces dosimètres restent un an dans le site. Ils sont ensuite « mesurés » et donnent ainsi la quantité annuelleannuelle de radiations reçues au sein du sédiment, qui participera à calibrer l'âge obtenu par cette méthode. Ce n'est qu'après avoir récupéré les dosimètres, et après avoir fait de nombreuses « manip' » et bien des calculs qu'un âge pourra être proposé. Il faut du temps pour mesurer le temps.
Photo 20 : Sur une fouille, il n'y a pas que la pratique. La visite de collègues est souvent l'aubaine d'un exposé théorique sur leur domaine de recherche. Ici, Pierre Deschamp (à droite) expose les principes généraux des méthodes de datation.
© François Marchal
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Il est toujours préférable de pouvoir réaliser plusieurs types de datations reposant sur des principes différents. Quand les dates obtenues concordent, c'est un argument fort pour considérer qu'elles traduisent bien l'âge réel du sédiment. Or, sur un des carrés, très haut dans la stratigraphie, nous avons trouvé un petit lambeau de plancher stalagmitiqueplancher stalagmitique. Un plancher stalagmitique est une formation carbonatée qui se développe dans les grottes, tout comme les stalagmitesstalagmites et les stalactitesstalactites. A la différence de ces dernières, et comme son nom l'indique, il s'étale plutôt à l'horizontal et chapeaute localement le sédiment présent. Un plancher est donc plus récent que ce qu'il recouvre. Et c'est ce qui fait son intérêt car ce type de matériaumatériau carbonaté peut fournir une bonne source de datation. Comme notre petit plancher était placé très haut dans la stratigraphie, si l'on pouvait le dater, on saurait que notre remplissage était plus vieux que l'âge obtenu pour le plancher. Nous avons fait appel pour cela à Pierre Deschamp, du CEREGE (Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences en Environnement) UMR 6635 . Pierre utilise une méthode nouvelle et très « pointue », appelée TIMS (pour Thermo Ionization by Mass Spectrometry) permettant de travailler sur des échantillons très réduits de calcitecalcite. C'est une méthode qui est donc tout particulièrement adaptée à la datation de plancher stalagmitique. Il vint donc nous rendre une petite visite sur le terrain (Photo 20) et préleva un petit morceau de notre plancher. L'âge qu'il obtint pour ce plancher était de 250 000 ans. Comme ce plancher couvrait quasiment toute la stratigraphie du remplissage, et notamment tous les niveaux contenant la faune, cela voulait dire que soit toute notre faune était plus ancienne que 250 000 ans, soit ce plancher n'était pas dans sa position de formation et avait été remanié, soit un problème inconnu faisait que la datation obtenue ne traduisait pas l'âge réel du plancher.
Photo 21 : Casse-tête classique d'archéologie préhistorique. La petite structure tabulaire au bout de la flèche est un plancher stalagmitique. C'est un dépôt carbonaté se prêtant bien à différentes méthodes de datation. Si celui que nous voyons est en position primaire, il s'est déposé sur toute la colonne de sédiments que nous voyons sous lui, soit l'essentiel de notre remplissage. Si l'on obtient un âge pour ce plancher stalagmitique, nous saurons donc que tout ce qui est en dessous de lui est plus vieux que l'âge obtenu. Malheureusement, et malgré les apparences, il semble que ce plancher ne soit pas en position primaire.
© François Marchal
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Que croire ? La faune ou les datations ? Nous nous trouvions là devant un dilemme de terrain classique en préhistoire. L'expérience montre que la faune, à défaut d'être précise, est fiable. La nôtre ne pouvait pas avoir plus de 250 000 ans. La microfaune notamment, qui évolue vite et est donc un bon marqueur chronologique, était « moderne », c'est-à-dire constituée uniquement d'espècesespèces existant encore de nos jours, ce qui nous plaçait dans le dernier cycle glaciaire, soit plutôt à moins de 100 000 ans. De son côté, Pierre avait confiance en ses datations et avait des arguments géochimiques en ce sens. Pour lui le plancher avait probablement bien un âge d'environ 250 000 ans. Le plus probable était donc que malheureusement pour nous, ce plancher n'était pas en place, et qu'il correspondait à un héritage sédimentaire de quelque chose de plus ancien, malgré les apparences. Cela illustre bien l'importance d'un examen très minutieux des structures sur le terrain. Nous avions d'ailleurs été très avisés de suspendre la fouille du F12, car cela nous a permis de conserver le plancher. Aiguillonnés par les résultats de Pierre, nous avons repris nos examens sur le terrain et avons constaté qu'il était effectivement très probable que ce plancher n'était pas en place (Photo 21). Par ailleurs, les résultats obtenus par Jean-Jacques directement sur les dents de cheval provenant du remplissage même donnèrent un âge d'environ 60 000 ans, parfaitement compatible avec la faune rencontrée.