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Les sépulturessépultures comme les habitats attestent, dans le domaine celtique, depuis l'Autriche (Hallstatt et Haflein) jusque dans la vallée du Rhône et les Pyrénées (Le Pègue, Mailhac, Ensérune) un développement économique intense, une forte natalité, donc une population nombreuse mais très inégalement aisée, des contacts avec l'étranger étroits. Les découvertes extraordinaires de la région de Stuttgart (Hochdorl) et de Bourgogne (Vix) en sont la preuve.
Plaque de ceinture « des cavaliers » (Ohlungen, fin VIe s. av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
- Origine : Ohlungen
- Date : fin VIe s. av. J.-C.
À côté du décor géométrique courant au début de la civilisation celtique : cercles oculés, losanges, triangles, chevronschevrons, chevalets, svatiskas, on remarque surtout un personnage schématisé, aux bras écartés, montant un cheval dont la crinière et la queue sont particulièrement développées. Ce même motif apparaît aussi bien en Autriche que dans la vallée du Rhône, et on peut évoquer, à son sujet, la présence et la puissance de cette aristocratie de cavaliers, qui caractérise la société celtique entre le VIIIe et le Ve s. av. J.-C.
Les Celtes importent en grande quantité l'huile et le vin, en échange de bétail, de peaux, d'esclaves.
Leurs « princes » contrôlent les voies de passage, et l'on rencontre souvent les places fortes d'où les caravanes passaient traditionnellement : le Britzgyberg, près d'Illfurth, contrôle le passage situé au confluent de la Largue et de l'Ill, Vieux-Brisach jalonne une voie qui relie la vallée du Haut-Danube à la trouée de Belfort puis à la vallée du Rhône - on y a trouvé récemment de la céramiquecéramique d'imitation ionienne, qui elle-même reprend des modèles connus dans la vallée du Rhône, au Pègue (Drôme) notamment -, Vix était peut-être une étape sur la route de l'étain.
Ailleurs, comme en Autriche ou dans le Jura, le sel enrichit ceux qui le font extraire et le commercialisent. N'oublions pas qu'à l'époque, la conservation des aliments en particulier justifiait une consommation annuelleannuelle par personne d'une trentaine de kilogrammes.
- Origine : Koenigsbruck (forêt de Haguenau)
- Date : fin VIe s. av. J. C.
- Longueur 54 cm
Ces plaques de bronze ont été retrouvées au niveau de l'abdomenabdomen des défunts et étaient fixées par des rivets sur une ceinture de cuir qui se fermait à l'aide d'un crochet fixé à la plaque.
Le travail de la tôle de bronze apparaît primitivement en Illyrie puis en Italie du nord d'où il se répand sur la rive droite du Danube et entre Vosges et Forêt-Noire. Les artisans décorent ces plaques au repoussé, à l'aide d'un jeu de poinçonspoinçons qui leur permet de représenter soit les motifs géométriques traditionnels, soit des figurations animales et humaines. Il est certain que ces motifs ont une signification culturelle et religieuse.
De riches sépultures dans l'Alsace celtique
En Alsace, la richesse des sépultures est quasi générale. On la reconnaît à des fibules très travaillées, ornées d'ambre et de corailcorail, très fines, servant à attacher des vêtements de linlin eux-mêmes somptueux, à des ceintures de cuir que recouvre une plaque de bronze finement ornée au repoussé, à des anneaux de jambe, des bracelets, des torques auxquels pendent des amulettes.
- Origine : forêt de Haguenau
- Date : seconde moitié du VIe s. av. J.-C.
- Diamètre du collier : 22,2 cm
Un des bijoux les plus courants chez les Celtes est le collier, ou torque, ici décoré de trois serpents. Ce motif, caractéristique de la forêt de Haguenau, constitue vraisemblablement une production originale de cette région, d'où il aurait essaimé ensuite dans le reste du domaine celtique. Souvent, la grossièreté de la surface de ces colliers était dissimulée par un habillage de tissu ou des lanières de cuir : c'est pourquoi on a voulu y voir un symbole prophylactique plutôt qu'un bijou de pur ornement ou le signe distinctif d'un personnage de rang particulier. La fibule du bas imite la reptation du serpent et a été fabriquée d'après des modèles courants en Italie du nord.
La fibule sert à la fois d'agrafe de vêtement et de bijou. Deux épingles à tête formée de deux hémisphères accolés en tôle de bronze et une à tête de corail attestent le soin donné à la chevelure. D'autres objets, présentés sur les photos suivantes, peuvent faire partie de cette parure type.
La forêt de Haguenau, avec les cantons de Schirrhein, Maegstub, Ohlungen, Kœnigsbruck, Fischerhubel, Donauberg, Weitbach est la région la plus célèbre, mais des nécropoles tumulaires non moins riches ont été fouillées en forêt de Brumath et à Nordhouse, dans le Bas-Rhin.
L'essentiel à retenir de ces trouvailles, c'est d'une part le niveau égal de tous ces ensembles, aucun n'atteint l'exubérance d'autres régions, mais aucun non plus n'est pauvre ; c'est d'autre part l'imitation par les artisans de motifs décoratifs d'Italie du nord dans la fabrication des plaques de ceinture, l'utilisation dans la technique de fabrication des fibules du ressort multispire en bronze traversé par un axe de fer, technique originaire d'Espagne, l'emploi de l'ambre balte et du corail méditerranéen.
- Origine : Nordhouse
- Date : fin du VIe s., début Ve s. av. J.-C.
- Longueur de la grande épingle : 17 cm
La tête de la grosse épingle est formée de 65 lamelles de corail assemblées. On remarque que le corail blanchit au cours des siècles. Originaire des îles d'Hyères, Lipari ou du littoral de l'Étrurie et de Naples, le corail sert à orner de nombreux bijoux en France de l'Est, en Suisse et en Allemagne du Sud où il a été importé à la fois par la voie rhodanienne et celle des cols alpestres. Il connaît un grand succès chez les Celtes et son rôle apotropaïque chez eux est souligné par Pline.
Aux riches tombes s'opposent des ensembles modestes
À cette société égalitaire du nord de l'Alsace s'oppose celle du centre et du sud de notre province, plus au contact du monde celtique. Là, il est certain que des princes vivent dans l'opulence, servis par une population beaucoup plus modeste, vraisemblablement composée en grande partie d'esclaves. Aux riches tombes de Gûndlingen, d'Ihringen, de Schlatt en Bade, de la région de Colmar et d'Ensisheim s'opposent par exemple les ensembles modestes de Feldkirch-Hartheim au sud de Vieux-Brisach. Dans la vallée de l'Ergolz, au sud-est de Bâle, l'oppidum du Burgenrain (commune de Sissach) est manifestement la demeure du prince, tandis qu'une population très nombreuse et très pauvre se massemasse le long de la rivière.
Les relations avec le midi méditerranéen se développent encore, cette fois-ci uniquement par l'intermédiaire de Marseille et de la voie rhodanienne. Les contacts se manifestent non seulement par l'importation de céramiques attiques à figures noires et d'amphores vinaires marseillaises des environs de -520, découvertes au Britzgyberg près d'Illfurth, mais aussi dans la rénovationrénovation architecturale sur des modèles grecs : il faut citer à ce propos l'exemple de La Heuneburg, sur le Haut-Danube, où fut édifié un rempart en briques crues, si fragile d'ailleurs qu'il dut être rapidement remplacé par des moellons.
Jamais un Celte n'aurait construit un tel rempart sous un climatclimat si différent de celui de la Grèce. En Alsace, le « murmur païen » du Mont Sainte Odile, avec sa technique d'assemblage des pierres par mortaises en « queue-d'arondearonde » et son appareil à « crochets » dans les parties les plus anciennes et les mieux conservées, témoigne d'un architectearchitecte ou d'une influence hellénique.