Deux semaines après la fin de la COP26 à Glasgow, tenue sous la menace d'une augmentation de la température globale de 2,7 °C d'ici à 2100, romans, films et jeux vidéo s'emparent de cette problématique sous l'égide d'un genre : l'écofiction. Futura et l'astrophysicien Roland Lehoucq, chercheur au Commissariat de l'énergie atomique (CEA) vous proposent de faire un tour d'horizon de ces œuvres abordant frontalement ces thématiques, plus que jamais d'actualité.


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    Si on ne peut pas prévoir le futur, certains tentent tout de même de l'apercevoir, mettant à profit leurs idées créatives. Auteurs, scénaristes, réalisateurs ou dessinateurs..., de nombreux artisans de l'imaginaire se sont essayés à esquisser ce qu'il pourrait advenir de l'humanité au cours des années et des siècles à venir par le biais de la science-fiction. Depuis la naissance de ce genre, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, avec les romans d'écrivains comme Jules Verne (20.000 lieues sous les mers, De la Terre à la Lune...)) ou H.G. Wells (La Guerre des Mondes, La Machine à Explorer le Temps...), la science-fiction s'est diversifiée en des dizaines de ramifications et sous-genres. Parmi eux, les premières histoires écologiques voient le jour entre les années 1930 et 1950, abordant ainsi de nouveaux sujets avec des romans tels que Demain Les ChiensChiens de Clifford Simak ou Que la Terre demeure de George Stewart. Avec l'augmentation de la menace induite par le réchauffement climatique et l'impact de l'activité humaine sur ce phénomène, l'écofiction est devenu un type de romans à part entière, et trouve une résonance particulière dans la science-fiction.

    Les champs de panneaux photovoltaïques visibles dans la séquence d'ouverture de <em>Blade Runner 2049</em>, de Denis Villeneuve (2017). © Warner Bros., Thunder Road Pictures
    Les champs de panneaux photovoltaïques visibles dans la séquence d'ouverture de Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve (2017). © Warner Bros., Thunder Road Pictures

    L'impact de l'être humain dans les écofictions

    Une histoire de science-fiction fonctionne lorsque l'on peut s'identifier à ce qu'elle raconte. Les écofictions n'échappent pas à la règle et certaines s'ancrent même dans une réalité relativement proche de la nôtre. La limite des ressources naturelles exploitables, ou l'impact de l'Homme sur l'environnement, hante les écrits de science-fiction abordant l'écologieécologie. Dans ces récits, l'histoire de l'humanité est intriquée à l'histoire naturelle, dans lesquels les intérêts d'une civilisation ne sont pas les seuls à être légitimes. L'être humain en tant qu'espèceespèce est souvent représenté dans une dynamique de surconsommation ou de destruction, inconscient de la menace qu'il fait peser sur les écosystèmesécosystèmes, rappelant ainsi à sa responsabilité. Certains protagonistes comprennent parfois cette limite imposée par la Nature : dans le film Interstellar, le personnage principal déclame en parlant de la Terre que « ce monde est un trésor, mais il nous pousse vers la sortie ».

    Dans cette interview fascinante, Roland Lehoucq nous parle de science-fiction, d'écofiction, et de ce que leurs auteurs peuvent amener au monde de la science. © Futura

    Dans la majeure partie des œuvres traitant du rapport de l'Homme à la nature, celle-ci se voit dévastée et défigurée. Dans la saga Blade Runner, les champs ont laissé place à des plaines grisâtres de panneaux solaires ou des cités verticales dans lesquelles la lumière du Soleil ne perce pas, tandis que dans la série de jeux vidéojeux vidéo Fallout, une guerre nucléaire a détruit les États-Unis (et probablement le reste du monde), ne laissant qu'une terre infertile et hostile à la vie. Certains auteurs adoptent ce postulat encore plus brutalement, comme Cormac MacCarthy dans son roman La Route, adapté au cinéma par John Hillcoat, dans lequel un père et son fils parcourent des terres noircies et désolées, sans que l'on ne sache ce qui a provoqué un tel cataclysme. Dans les œuvres susnommées, le constat est nihiliste : rien ne viendra sauver une humanité à la dérive ayant sacrifié ce qu'elle avait de plus précieux.

    L'univers dévasté du film <em>La Route</em>, de John Hillcoat (2009). © Dimension Films, Metropolitan Filmexports
    L'univers dévasté du film La Route, de John Hillcoat (2009). © Dimension Films, Metropolitan Filmexports

    L'importance des ressources vitales est un sujet qui n'est pas nécessairement concentré à l'activité humaine sur Terre. L'un des romans écologiques les plus décisifs de ces 50 dernières années n'est autre que Dune, de Frank Herbert, récemment porté à l'écran par Denis Villeneuve. Par le biais de son histoire dense et complexe, Herbert nous parle directement de l'importance du lien entre les écosystèmes et les modes de vie, notamment par le biais de l'arc narratif des Fremen. De même, la terrible et austère Arrakis pourrait devenir une véritable oasis par le biais de la terraformation, souhaitée par les autochtones. Mais les intérêts cupides de diverses factions ne mènent qu'à des conflits axés autour de la fameuse épice gériatrique, permettant le voyage interstellaire. D'autres œuvres littéraires abordent les problèmes écologiques sous un autre angle. Tous à Zanzibar, de John Brunner, met en place un monde surpeuplé dans lequel les habitants de New York vivent avec des distributeurs d'oxygène à cause de la pollution, tandis que l'eugénisme se pratique à l'échelle mondiale. Du même auteur, Le Troupeau aveugle nous fait basculer dans une réalité dans laquelle la pollution de la mer Méditerranée est telle que des pluies acidesacides tombent régulièrement sur la côte est des États-Unis, tandis que l'espérance de vieespérance de vie décroît à travers le monde due au manque de nourriture et à la résistancerésistance des microbesmicrobes aux traitements.

    Ces constats fatalistes placent donc les humains au cœur d'une réflexion actuelle : la civilisation peut-elle sauver la nature dans l'objectif de se sauver elle-même ? 

    Comment sauver l'humanité d'elle-même ?

    Rares sont les écofictions dans lesquelles l'humanité n'a pas provoqué ou aggravé un problème climatique à l'extrême, créant ainsi un retournement des forces, la nature prenant le dessus et devenant de fait une menace. On trouve plusieurs exemples dans ce domaine, dont le roman Annihilation de Jeff Vandermeer adapté en film par Netflix, dans lequel une équipe de biologistes est envoyée dans une zone où un pan de nature altéré et monstrueux finit par attaquer les scientifiques, dans un esprit rappelant les écrits de H.P. Lovecraft. Ici, la Nature est personnifiée et vengeresse, agissant avec brutalité à l'encontre des intrus pénétrant dans la zone X.

    La station Cooper, dans laquelle a émigré une partie de l'humanité dans le film <em>Interstellar</em>, de Christopher Nolan (2014). © Paramount, Warner Bros
    La station Cooper, dans laquelle a émigré une partie de l'humanité dans le film Interstellar, de Christopher Nolan (2014). © Paramount, Warner Bros

    Que resterait-il à l'humanité si elle détruisait la nature ? Certains scénarios décident d'exiler les Hommes, ne laissant derrière eux qu'une planète invivable. C'est le cas dans le film d'animation de Pixar, Wall-E, ou un petit robotrobot abandonné sur Terre parcourt des plaines asséchées. Dans Elysium, de Neil Bloomkamp, ce sont les pauvres et les marginaux qui sont laissés à leur sort sur une planète détruite, tandis que les riches se sont réfugiées sur une station orbitaleorbitale. La série The Expanse inverse quant à elle ce paradigme : les ouvriers et classes populaires sont installés dans la ceinture d'astéroïdesceinture d'astéroïdes située entre Mars et JupiterJupiter, une faction militaire et ploutocrate a pris le contrôle de la Planète rouge tandis que les dignitaires de l'ONU et autres institutions sont restés sur Terre. L'écofiction se dote alors d'une double casquette : elle parle d'écologie mais fait aussi la part belle aux discours sur la lutte des classes, le désastre écologique portant alors un discours social.

    Le <em>Pale Blue Dot</em> ayant inspiré le discours de Carl Sagan : la Terre photographiée par Voyager 1 en 1990 alors que la sonde se situait à 6,4 milliards de kilomètres. © Nasa, JPL-Caltech
    Le Pale Blue Dot ayant inspiré le discours de Carl Sagan : la Terre photographiée par Voyager 1 en 1990 alors que la sonde se situait à 6,4 milliards de kilomètres. © Nasa, JPL-Caltech

    Si les écofictions permettent de mettre en exergue les problèmes auxquels font et feront face les humains, dans un exercice presque cathartiquecathartique, il est cependant difficile de transposer des solutions miracles à notre réalité. Il y a peu de chances qu'un trou de ver nous fasse voyager vers une autre galaxiegalaxie, de même qu'il est impossible de maîtriser l'hypervitesse pour visiter les forêts d'Endor. Comme le disait Carl Sagan dans un discours de 1994 intitulé The Pale Blue Dot : « rien n'indique que quelque chose viendra d'ailleurs pour nous sauver de nous-même [...], pour l'instant la Terre est tout ce que nous avons. »

     

     

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