Beaucoup de géantes gazeuses jeunes de type Jupiter chaudes possèdent transitoirement des orbites très elliptiques. On ne comprenait pas l'origine de ces orbites, seulement comment et pourquoi elles se circularisaient. L'énigme semble maintenant résolue grâce au travail de trois astrophysiciens français de l'Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap) à Toulouse.


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    Lorsque Newton a posé les bases de la mécanique céleste en découvrant sa loi de la gravitation et en co-découvrant indépendamment de Leibnitz le calcul différentiel et intégral avec des fonctions de la variable réelle, il a été conduit à démontrer que le champ de gravitation d'une sphère, que l'on pouvait considérer comme parfaite et homogène, était équivalent à celui généré par toute la masse de la sphère réduite en son centre.

    La réalité n'est pas aussi simple et les siècles qui vont suivre vont conduire des mathématiciensmathématiciens comme Laplace, PoissonPoisson et Riemann à développer ce que l'on appelle la théorie du potentiel pour calculer les champs de gravitation de corps ni sphérique ni homogène. La Terre est ellipsoïde de révolution, Saturne possède des anneaux et les galaxies sont également des objets aux formes complexes. Les difficultés mathématiques rencontrées, qui ont conduit à développer la théorie des fonctions analytiques de la variable complexe, sont heureusement compensées par une grande variété de phénomènes nouveaux existant en mécanique céleste en conséquence des équations.

    Aujourd'hui, les astrophysiciensastrophysiciens héritiers des travaux des mathématiciens du XVIIIe et XIXe siècles transposent également les outils qu'ils ont découverts pour comprendre le Système du monde (c'est-à-dire le Système solaireSystème solaire dans le langage de leur époque comme on peut s'en rendre compte en lisant les écrits de Laplace et Auguste ComteAuguste Comte) à l'investigation de celui des exoplanètesexoplanètes et de leur naissance dans des disques protoplanétairesdisques protoplanétaires, enhardis par leurs succès dans la cosmogonie et la mécanique du Système solaire.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat


    Ils disposent en plus pour cela de moyens de calculs numériquesnumériques bien supérieurs à ceux de leurs devanciers il y a plus d'un siècle grâce aux développements des ordinateursordinateurs. Cela a permis à des chercheurs français de l'Institut de recherche en astrophysiqueastrophysique et planétologie (Irap) d'apporter une solution à l'une des énigmes concernant les caractéristiques des jeunes Jupiter chaudes découvertes depuis maintenant 25 ans dans le monde des exoplanètes, comme ils l'expliquent dans un article en accès libre sur arXiv.

    Des interactions gravitationnelles disque/planètes

    Les campagnes de détections des exoplanètes ont en effet permis de découvrir que la grande majorité des exoplanètes géantes jeunes (les planètes 100 fois plus lourdes que la Terre comme l'explique un communiqué du CNRS) ont des excentricitésexcentricités orbitalesorbitales importantes. Précisons, cela veut dire qu'elles se trouvent sur des orbitesorbites elliptiques allongées. Des interactions entre corps célestes peuvent conduire des orbites à se circulariser ou au contraire à devenir très elliptiques au point que le corps peut être éjecté de son système d'origine pour devenir un objet interstellaireobjet interstellaire comme ‘Oumuamua.

    Mais dans le cas des exoplanètes géantes jeunes, on n'arrivait pas vraiment à rendre compte du fait qu'elles soient si souvent observées initialement sur ces orbites si elliptiques, même si l'on comprenait très bien pourquoi les perturbations gravitationnelles entre planètes les conduisaient à se circulariser. Ce n'est d'ailleurs pas le cas des orbites de JupiterJupiter et de SaturneSaturne qui sont quasi circulaires et donc d'excentricité presque nulle.

    Une vue d'artiste de jeunes Jupiter chaudes plongées dans le champ de gravitation de leur soleil mais aussi du disque protoplanétaire où elles sont nées avant de migrer. Les interactions entre ce disque et les exoplanètes seraient responsables de leurs orbites très elliptiques. © Nasa
    Une vue d'artiste de jeunes Jupiter chaudes plongées dans le champ de gravitation de leur soleil mais aussi du disque protoplanétaire où elles sont nées avant de migrer. Les interactions entre ce disque et les exoplanètes seraient responsables de leurs orbites très elliptiques. © Nasa

    Les chercheurs pensent maintenant qu'ils savent pourquoi. Les observations concernant les disques protoplanétaires montrent en effet, et cela se comprend dans les modèles de l'évolution de ces disques, que les géantes qui naissent dans un disque plein y creusent des cavités ou qu'elles apparaissent dans la partie interne du disque. Clairement, le bilan des forces de gravitégravité calculé à partir de la théorie du potentiel change car il apparaît un déséquilibre entre les forces d'attraction exercées par les parties du disque encore pleines de matièrematière et celles qui en sont fortement appauvries sur les géantes gazeusesgéantes gazeuses.

    Les simulations numériquessimulations numériques montrent alors qu'en quelques dizaines de milliers d'années tout au plus ces forces étirent les orbites de ces exoplanètes et les conduisent à ressembler à celles que l'on observe dans la Voie lactéeVoie lactée.