Le ribose est un sucre qui permet la fabrication de l'ARN et l'ADN. On ne l'avait encore jamais découvert dans des météorites et c'est maintenant chose faite. Cela renforce l'idée que les briques de la Vie sont originairement venues de l'espace, permettant ensuite son apparition sur Terre.


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    L'invention du spectromètre de masse par Francis Aston en 1919 (qui trie et identifie les ions en fonction de leur masse et de leur charge électrique), qui s'appuyait sur des réalisations précédentes de Wilhelm Wien et J.J. Thomson, a permis aux géologuesgéologues et aux géophysiciens de plonger dans les entrailles des roches pour en déduire leurs compositions et leurs âges. Les chimistes leur emboîtèrent le pas et se lancèrent dans la détection de molécules organiques de sorte qu'à partir de 1958, la spectrométrie de masse commença à repérer des acides aminésacides aminés et même des peptidespeptides.

    À la croisée de ces disciplines, on trouve la cosmochimie qui étudie en particulier les météorites et leurs relations avec les comètescomètes, les astéroïdesastéroïdes et le milieu interstellaire. La cosmochimie est une des disciplines utilisées par les exobiologistes pour comprendre l'origine de la Vie sur Terre et tenter d'évaluer les probabilités de son apparition ailleurs dans le cosmoscosmos observable. Une équipe internationale de chercheurs vient d'ailleurs de publier un article dans Proceedings of the National Academy of Sciences qui fera date à cet égard puisqu'ils y annoncent la toute première détection dans des météorites d'un sucresucre et surtout pas n'importe quel sucre puisqu'il s'agit du riboseribose, un des ingrédients de base pour la constitution de l'acide ribonucléiqueacide ribonucléique (ARN) et même de l'ADN, des molécules fondamentales du vivant.

    Ceci est un modèle de la structure moléculaire du ribose avec un fragment de la météorite de Murchison. La ribose et d'autres sucres ont été trouvés dans cette météorite. © Yoshihiro Furukawa
    Ceci est un modèle de la structure moléculaire du ribose avec un fragment de la météorite de Murchison. La ribose et d'autres sucres ont été trouvés dans cette météorite. © Yoshihiro Furukawa

    Des chondrites riches en molécules organiques prébiotiques

    La découverte a été faite en analysant des échantillons en poudre au moyen d'une technique de spectrométrie de masse par chromatographie en phase gazeusechromatographie en phase gazeuse. Deux météorites ont été l'objet de ces analyses, NWA 801 (CR) et Murchison (CM). Deux autres sucres biologiquement importants ont aussi été identifiés pour la première fois dans des météorites. L'arabinose ou sucre de pectinepectine (les pectines sont présentes en grande quantité dans les parois végétales de nombreux fruits et légumes) et le xylose (sucre de boisbois ou sucre de bouleau).

    La météorite de Murchison fait l'objet de l'attention des exobiologistes depuis longtemps. Tombée près de la petite ville de Murchison en Australie en 1969, cette chondritechondrite carbonée a livré aux cosmochimistes au cours des années plus de 70 acides aminés. Ils y ont ainsi découvert, sous forme de traces, l'alaninealanine, la glycineglycine, la valinevaline, la leucineleucine, l'isoleucineisoleucine, la prolineproline, l'acide aspartiqueacide aspartique et l'acide glutamiqueacide glutamique, toutes présentes dans les protéinesprotéines de la vie telle qu'on la connaît sur Terre.

    Des purinespurines et des pyrimidines y ont également été trouvées. Or, ces molécules sont les bases de l'ADN et de l'ARN qui constituent le matériel génétiquematériel génétique de tous les êtres vivants sur la Planète bleue.

    Un échantillon de la météorite NWA 801 de type CR. Les météorites du groupe CR portent le nom de leur spécimen type, qui est tombé en Italie en 1824 à Renazzo. Il n’existe qu’une quinzaine de chondrites CR connues. La principale différence avec les chondrites CM est qu'elles contiennent jusqu'à 10 % de métal réduit sous forme de nickel-fer et de sulfure de fer. © Jon Taylor, CC by-sa 2.0
    Un échantillon de la météorite NWA 801 de type CR. Les météorites du groupe CR portent le nom de leur spécimen type, qui est tombé en Italie en 1824 à Renazzo. Il n’existe qu’une quinzaine de chondrites CR connues. La principale différence avec les chondrites CM est qu'elles contiennent jusqu'à 10 % de métal réduit sous forme de nickel-fer et de sulfure de fer. © Jon Taylor, CC by-sa 2.0

    C'est d'ailleurs ce à quoi fait allusion dans un communiqué de la NasaNasa Yoshihiro Furukawa de l'université de Tohoku, au Japon, l'auteur principal de l'étude publiée dans PNAS quand il explique que : « D'autres éléments importants de la vie ont déjà été découverts dans des météorites, notamment des acides aminés (composants de protéines) et des bases nucléiquesbases nucléiques (composants de l'ADN et de l'ARN), mais les sucres ont été un élément manquant parmi les principaux éléments constitutifs de la vie. Cette recherche fournit la première preuve directe de l'existence du ribose dans l'espace et de la livraison de ce sucre sur Terre. Ce sucre extraterrestre aurait pu contribuer à la formation de l'ARN sur la Terre prébiotiqueprébiotique, ce qui pourrait éventuellement être à l'origine de la vie. »

    « Il est remarquable qu'une molécule aussi fragile que le ribose puisse être détectée dans un matériaumatériau aussi ancien », a déclaré de son côté, toujours dans le même communiqué, JasonJason Dworkin au Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center de la Nasa à Greenbelt, dans le Maryland et coauteur de l'étude réalisée. Pour ce chercheur : « Ces résultats aideront à orienter nos analyses des échantillons des astéroïdes primitifs RyuguRyugu et Bennu, qui seront rapportés sur Terre par la sonde Hayabusa-2 de l'Agence japonaise d'exploration aérospatiale et par la sonde Osirix-REx de la Nasa ».


    « La géochimie et la cosmochimie, c'est l'étude des éléments chimiques pour comprendre l'histoire de la Terre et des planètes...». Entretiens avec Manuel Moreira, professeur à l'Université Paris Diderot, et des membres de l'équipe. © Chaîne IPGP

    Un monde à ARN ?

    Derrière ces réflexions il y a toujours la même idée, à savoir que les briques de la Vie auraient pu être apportées sur Terre il y a 4,5 milliards d'années par les météorites et les comètes où une chimiechimie prébiotique active, prolongeant celle ayant donné les molécules organiques détectées dans les nuagesnuages du milieu interstellaire où naissent les étoilesétoiles, aurait préparé celle ayant donné la Vie.

    De façon intéressante, il n'a pas été possible de découvrir du 2-désoxyribosedésoxyribose dans les météorites, le sucre impliqué dans la formation de l'ADN. Cela apporte donc du crédit à l'hypothèse du monde à ARN (RNA World, en anglais) qui veut que la molécule d'ARN soit apparue la première sur Terre, présidant aux toutes premières étapes de la Vie.

    Les cosmochimistes veulent maintenant déterminer si les sucres présents dans les météorites ont une chiralitéchiralité particulière. Il existe à cet égard la fameuse énigme de la chiralité pour les molécules du vivant sur Terre. Plusieurs scénarios ont été envisagés pour l'expliquer et l'étude des météorites pourrait apporter des clés pour les départager.


    Les comètes peuvent fabriquer un sucre de l'ADN

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 08/04/2016

    À défaut de pouvoir examiner des centaines de vraies comètes, des scientifiques en fabriquent en laboratoire pour étudier ce qu'elles ont dans le ventre. Une équipe, qui avait déjà découvert des « briques moléculaires » dans une comète artificielle, vient de détecter du ribose, constituant clé de l'ARN et de l'ADN. « Un argument supplémentaire à la théorie des comètes comme source de molécules organiques qui ont rendu la vie possible sur Terre. »

    Comment la vie est-elle apparue sur Terre ? Nombreux sont les scientifiques à mener l'enquête pour tenter de reconstituer ce qui a pu se passer, il y a environ 4 milliards d'années, juste avant que les premières formes de vie ne colonisent ce monde. Parmi les scénarios envisagés, celui de la panspermie, du moins à l'échelle moléculaire, retient l'attention des chercheurs.

    L'idée est que les ingrédients de base de la chimie de la vie, c'est-à-dire les molécules organiques, comme les acides aminés, les sucres et autres hydrocarbureshydrocarbures, proviennent de matièrematière extraterrestre, apportée par des comètes, des astéroïdes ou encore des poussières (les micrométéorites représentent aujourd'hui 10.000 tonnes par an). Ces corps furent légion à pilonner les jeunes planètes en ces temps troublés du jeune Système solaireSystème solaire. Un bombardement massif tardif soupçonné aussi, d'ailleurs, d'avoir apporté une partie de l'eau de nos océans et celle que l'on boit aujourd'hui (l'origine de l'eau terrestre est toujours discutée).

    Un large éventail de matière organique a été identifié au sein de la nébuleuse d’Orion – fameuse région de formation d’étoiles à environ 1.400 années-lumière de la Terre – sondée par les télescopes spatiaux Herschel et Spitzer : formaldéhyde, méthanol, diméthyle éther, cyanure d’hydrogène, oxyde de soufre, dioxyde de soufre, eau. Ces molécules peuvent être à l'origine d'une chimie menant à des composés plus complexes, comme les alcools, les sucres ou les acides aminés. © Esa, Hexos, HIFI Consortium
    Un large éventail de matière organique a été identifié au sein de la nébuleuse d’Orion – fameuse région de formation d’étoiles à environ 1.400 années-lumière de la Terre – sondée par les télescopes spatiaux Herschel et Spitzer : formaldéhyde, méthanol, diméthyle éther, cyanure d’hydrogène, oxyde de soufre, dioxyde de soufre, eau. Ces molécules peuvent être à l'origine d'une chimie menant à des composés plus complexes, comme les alcools, les sucres ou les acides aminés. © Esa, Hexos, HIFI Consortium

    Les comètes portent les ingrédients du Système solaire primitif

    C'est pour ces raisons, entre autres, que les chercheurs ont très à cœur de rendre visite aux noyaux cométaires. Agrégats de glaces et de poussières, ces corps sombres qui croisent, pour la plupart (elles sont des dizaines de milliards), dans les régions les plus reculées du Système solaire, sont considérés comme de véritables fossilesfossiles. En effet, ils ont en quelque sorte échantillonné et conservé la matière de la nébuleuse primitive au centre de laquelle se sont développés le SoleilSoleil et ses planètes. Quoi de mieux donc que de pouvoir se rendre sur place pour renifler les molécules organiques ? Six missions ont déjà tenté l'aventure, non sans difficultés. La dernière en date, RosettaRosetta (toujours en cours), est un très beau succès en dépit des péripéties de son atterrisseur Philae. Certes, il n'a pas pu faire tout ce qu'il aurait voulu (comme forer le sol et travailler durant des semaines), mais il a dérobé, en presque trois jours, de précieuses informations sur le sol.

    En attendant d'autres Rosetta (dont le nom fait référence à la fameuse pierre de RosetteRosette), des missions coûteuses qui peuvent être très longues, plusieurs laboratoires s'essaient à la cuisine cosmochimique : fabriquer des minicomètes comparables à celles que l'on connaît, pour étudier ce qu'il peut s'y produire, selon les conditions auxquelles elles sont soumises.

    Le ribose, un sucre à cinq atomes de carbone, se forme dans le manteau de glace des grains de poussière, à partir de molécules précurseures simples (eau, méthanol et ammoniac) et sous l’effet de radiations intenses. © Cornelia Meinert (CNRS), Andy Christie (Slimfilms.com)
    Le ribose, un sucre à cinq atomes de carbone, se forme dans le manteau de glace des grains de poussière, à partir de molécules précurseures simples (eau, méthanol et ammoniac) et sous l’effet de radiations intenses. © Cornelia Meinert (CNRS), Andy Christie (Slimfilms.com)

    Tous les ingrédients prébiotiques sont réunis

    Dans un article qui vient de paraître dans la revue Science, une équipe internationale raconte comment le ribose, sucre à la base de l'ARN (c'est le « R » de cet acronyme, donc le « ribo » d'acide ribonucléique) et de l'ADN (acide désoxyribonucléiqueacide désoxyribonucléique), est apparu au sein d'un exemple artificiel créé dans des conditions réalistes. Jamais cette molécule n'a été détectée dans une véritable comète ou un astéroïde, mais l'expérience montre que c'est possible.

    Pour faire une microcomète factice, les chercheurs de l'Institut d'astrophysiqueastrophysique spatiale ont réuni dans une chambre à vide à - 200 °C les ingrédients suivants : de l'eau (H2O), du méthanol (CH3OH) et de l'ammoniacammoniac (NH3), pour simuler la formation de grains de poussières enrobés de glaces. Ensuite, cette matière première a été irradiée d'ultravioletsultraviolets (UV), à l'image de ce que l'on peut observer, ailleurs, dans des « nébuleusesnébuleuses où se forment ces grains ». Et enfin, le périple autour du Soleil a été reproduit en modifiant la température de l'environnement.

    « Sa composition a ensuite été analysée à l'Institut de chimie de Nice grâce à l'optimisation d'une technique très sensible et très précise (la chromatographie multidimensionnelle en phase gazeuse, couplée à la spectrométrie de masse à temps de vol) », explique le CNRS dans son communiqué de presse. Résultat : « Plusieurs sucres ont été détectés, parmi lesquels le ribose. Leur diversité et leurs abondances relatives suggèrent qu'ils ont été formés à partir de formaldéhydeformaldéhyde ». Or, le formaldéhyde (CH2O), créé à partir de méthanol et d'eau, et aussi plusieurs macromoléculesmacromolécules sont observés dans les nébuleuses où de nouvelles étoiles sont en train de naître, comme celles d'Orion.

    « [...] Cette découverte complète la liste des "briques moléculaires" de la vie qui peuvent être formées dans la glace interstellaire. Elle apporte un argument supplémentaire à la théorie des comètes comme source de molécules organiques qui ont rendu la vie possible sur Terre... et peut-être ailleurs dans l'UniversUnivers », conclut le CNRS.