Io, la lune volcanique de Jupiter, est l'un des astres les plus intéressants du Système solaire. En utilisant de récentes données de la mission Juno de la Nasa autour de Jupiter, des planétologues pensent avoir découvert que l'on s'est trompé en ce qui concerne l'alimentation en magma des volcans de Io, résolvant, selon les propres mots d'un communiqué de la Nasa, un mystère vieux de 44 ans sur les origines souterraines des caractéristiques géologiques les plus révélatrices de la lune.


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    Les éruptions volcaniqueséruptions volcaniques, qui se produisent aussi bien à Hawaï qu'avec l'Anak Krakatau en Indonésie, nous rappellent à quel point les volcansvolcans sont spectaculaires. Et pourtant, les éruptions sur Terre ne sont rien par rapport à celles qui se produisent fréquemment à la surface d'IoIo, la lune principale la plus proche de JupiterJupiter. Rappelons que sur Io, il existe par exemple un lac de lavelave d'environ 200 kilomètres de diamètre où des vaguesvagues de lave géantes agitent périodiquement sa surface.

    L'activité volcanique de cette lune qui abrite environ 400 volcans n'a été découverte qu'en 1979 par Linda Morabito, alors ingénieur au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa en Californie du Sud et membre de l'équipe utilisant la sonde spatiale Voyager 1Voyager 1. Un communiqué de la Nasa revient, à l'occasion d'une publication d'un article dans la revue Nature, sur une problématique discutée depuis des dizaines d'années et tout récemment encore lors de la réunion annuelleannuelle de l'American Geophysical Union.

    Quelles sources pour les panaches de magma de Io ?

    Scott Bolton, chercheur principal de la mission JunoJuno autour de Jupiter au Southwest Research Institute de San Antonio, y déclare : « Depuis la découverte de Morabito, les planétologues se demandent comment les volcans étaient alimentés par la lave sous la surface. Y avait-il un océan peu profond de magmamagma chauffé au blanc alimentant les volcans, ou leur source était-elle plus localisée ? Nous savions que les données des deux survolssurvols très proches de Juno pourraient nous donner des indications sur le fonctionnement réel de cette lune torturée ».

    La sonde spatiale Juno a donc effectué des survols extrêmement proches d'Io en décembre 2023 et février 2024, s'approchant à environ 1 500 kilomètres de sa surface, ce qui a permis comme jamais de mesurer le champ de gravitation combiné de Io et de Jupiter sur son satellite volcanique.


    Brian Cox nous parle de Io et du lac de lave de la caldeira du volcan Loki, dont le diamètre dépasse les 200 kilomètres. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © BBC Earth

    Les planétologues savent que ce sont les variations du champ de gravitation, subies par Io lors de l'accomplissent de chacun de ses orbites elliptiques périodiques de 42,5 heures, qui malaxent la lune y créant une libération de chaleurchaleur à partir de l'énergieénergie gravitationnelle des forces de maréeforces de marée.

    En effet, comme le rappelle Bolton, il se génère donc « une énergie immense, qui fait littéralement fondre des parties de l'intérieur d'Io. Si Io possède un océan de magma global, nous savions que la signature de sa déformation due aux marées serait bien plus importante qu'un intérieur plus rigide et essentiellement solidesolide. Ainsi, en fonction des résultats de l'étude du champ de gravitégravité d'Io par Juno, nous serions en mesure de dire si un océan de magma global se cachait sous sa surface ».

    Un océan de magma global souterrain ?

    Le communiqué de la Nasa explique justement que les chercheurs ont trouvé une déformation due aux marées, compatible avec le fait qu'Io ne possède pas d'océan de magma global peu profond, ce qui contredit un résultat plus ancien.

    Si tel est bien le cas, alors selon Ryan Park, collègue et co-auteur de l'article de Nature avec Bolton : « La découverte de Juno selon laquelle les forces de marée ne créent pas toujours des océans de magma globaux nous incite à repenser ce que nous savons de l'intérieur d'Io. Cela a des implications pour notre compréhension d'autres lunes, comme EnceladeEncelade et Europe, et même des exoplanètes et des super-Terressuper-Terres. Nos nouvelles découvertes offrent l'occasion de repenser ce que nous savons sur la formation et l'évolution des planètes ».


    Cette visite animée de Io, la lune de Jupiter, basée sur des données collectées par la mission Juno de la Nasa, montre des panaches volcaniques, une vue de la lave à la surface et la structure interne de la lune. © Nasa, JPL-Caltech, SwRI, Koji Kuramura, Gerald Eichstädt

    L'activité volcanique est aussi étudiée depuis la Terre, notamment par l'astronomeastronome Franck Marchis. Il serait bien sûr intéressant de disposer d'une sonde en orbite autour de Io mais, tout comme dans le cas d'Europe (théâtre des aventures des héros du roman d'Arthur Clarke, « 2010 : Odyssée deux »), le niveau des radiations est si élevé qu'il est risqué pour une telle sonde d'y rester bien longtemps. Des survols rapprochés courts sont toutefois possibles, comme l'a prouvé en 2000 la défunte sonde de la Nasa « GalileoGalileo », à qui l'on doit aussi des prises de vue extraordinaires de la surface et de l'activité d'Io entre 1995 et 2003. En 1999, il y eut notamment une éruption fissurale impressionnante de 25 kilomètres de long avec des fontaines de lave s'élevant à quelques kilomètres de hauteur. Ce phénomène s'est produit dans la patera Tvashtar, une sorte de caldeiracaldeira volcanique qui porteporte le nom du dieu hindou des forgerons.

    Cette séquence de cinq images montre un panache géant jaillissant du volcan Tvashtar d’Io, s’étendant à 330 kilomètres au-dessus de la surface de la lune ardente. Elle a été capturée sur une période de huit minutes par la mission New Horizons de la Nasa, alors que le vaisseau spatial survolait Jupiter en 2007. © Nasa, Johns Hopkins APL, SwRI

    Le saviez-vous ?

    Rappelons que c'est très peu de temps avant l'arrivée d'une des sondes Voyager aux abords des lunes de Jupiter que les planétologues Stan Peale, Patrick Cassen et R. T. Reynolds avaient publié en 1979 dans Science un article où ils affirmaient qu'en raison des forces de marée résultant de l'influence de Jupiter, Ganymède et Europe, beaucoup de chaleur devait être produite à l'intérieur de Io.

    Cette chaleur provenant de la dissipation de l'énergie mise en jeu dans les déformations de la lune de Jupiter, elle devait engendrer un volcanisme important. De fait, quelques jours après cette publication, en mars 1979, Linda Morabito, alors ingénieur de navigation dans l'équipe de la mission Voyager 1, remarqua un curieux détail sur des photographies prises par la sonde. Tenace, elle décida de s’y intéresser de plus près, de sorte que grâce à son travail, il est plus tard apparu comme la manifestation d’un panache volcanique soufré de 300 kilomètres de hauteur.

    Rappelons également que l’on a déjà repéré plus de 150 volcans actifs sur Io et, selon ce décompte, on peut estimer qu'il en existe au moins 400. Ainsi, Rosaly Lopes, célèbre planétologue et volcanologue de la Nasa à qui l'on doit plusieurs livres sur les volcans, dont un préfacé par Arthur Clarke lui-même, a découvert 71 volcans actifs, de 1996 à 2001 lors de la mission Galileo.

    Techniquement Io, Europe et Ganymède sont dans une configuration orbitale connue sous le nom de résonance de Laplace du nom de l'astronome et mathématicien français qui l'a découvert. Cela signifie que pour chaque orbite de Ganymède (la plus éloignée des trois de Jupiter), Europe accomplit exactement deux orbites et Io en accomplit exactement quatre. Dans cette configuration, les lunes s’attirent gravitationnellement de telle manière qu’elles sont forcées de suivre des orbites elliptiques plutôt que rondes. De telles orbites permettent à la gravité de Jupiter de réchauffer l'intérieur des lunes, provoquant le volcanisme d'Io et chauffant également l'océan liquide sous la banquise de glace d'Europe.

    Une vue d'artiste de la mission IVO survolant Io dans un futur indéterminé. © JHU-APL, <em>University of Arizona</em>
    Une vue d'artiste de la mission IVO survolant Io dans un futur indéterminé. © JHU-APL, University of Arizona

    Il est probable que tous les passionnés de volcans et d'éruptions volcaniques rêvent de contempler en direct ce genre d'éruptions sur Io. 

    Remarquablement, il y a quelques années, la Nasa a commencé à réfléchir à une mission appelée Io Volcano Observer (IVO) proposée par l'université de l'Arizona. Le projet a été proposé à plusieurs reprises, mais n'a pour le moment jamais encore été retenu. Une telle mission nous permettrait toutefois de mieux comprendre le volcanismevolcanisme actif de Io, sa structure interne et les mécanismes de chauffage provoqués par les forces de marée et leurs implications pour les processus volcaniques sur d'autres planètes y compris des planètes extrasolairesplanètes extrasolaires.