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L’astéroïde géocroiseur (25143) Itokawa est doté d'une forme étrange, semblable à celle d'une cacahuète, comme le montre cette image prise en 2005 par la sonde japonaise Hayabusa. En mesurant pendant plus de dix ans les variations de luminosité d’Itokawa au cours de sa rotation, il a été possible de détecter une lente dérive de sa vitesse de rotation. Remarquablement, on peut déduire de la forme de l’objet et de cette variation de vitesse des estimations sur sa densité. © Jaxa
Les astéroïdes sont dans l'air du temps. Il est vrai que l'on peut lire dans leur mémoire l'histoire de la formation du Système solaire et les relier à l'origine et au destin de l'humanité. Ils ont contribué à apporter l'eau des océans et les molécules prébiotiquesprébiotiques nécessaires à l'apparition de la vie. En provoquant la quasi-extinction des dinosauresdinosaures, ils ont laissé le champ libre aux mammifèresmammifères dans la biosphèrebiosphère.
Mais comme le rappelle la météorite de Tcheliabinsk, ils font aussi peser une menace sur les populations humaines. D'autres, tel Peter Diamandis, n'ont pas une vision aussi pessimiste des géocroiseurs, car ils pensent qu'ils contribueront à une ère d'abondance pour l'Homme quand il exploitera les astéroïdes.
Vue d'artiste du périple de l'astéroïde Itokawa autour du Soleil. Sa rotation est affectée par la pression de la lumière qu'il reçoit et qu'il émet. © Eso, SpaceLibrary, YouTube
Pour toutes ces raisons, on cherche à mieux connaître les astéroïdesastéroïdes. Parmi les paramètres à déterminer pour les exploiter et surtout les dévier ou les détruire en cas de menace (par exemple avec des explosions nucléaires ou des rayons laser), on trouve ceux caractérisant leur structure interne. En utilisant des images collectées entre 2001 et 2013 avec le New Technology TelescopeNew Technology Telescope (NTT) de l'Eso qui équipe l'observatoire de La Silla au Chili, une équipe internationale d'astronomesastronomes vient d'estimer pour la première fois cette structure dans le cas de l'astéroïde (25143) Itokawa.
L'anatomie d'Itokawa, un astéroïde de type S
Ce petit corps céleste est célèbre depuis que la sonde japonaise Hayabusa nous en a livré des images rapprochées en 2005. Équipée d'un moteur ionique, la sonde est revenue sur Terre après s'être posée deux fois à la surface de l'astéroïde, dont elle a réussi à ramener quelques d'échantillons du sol (environ 1.500 grains d'une taille généralement inférieurs à dix micromètresmicromètres). Pour la première fois, il a été possible d'analyser en laboratoire de la matièrematière prélevée directement sur un astéroïde, alors qu'il fallait jusque-là se contenter d'étudier les météoritesmétéorites. Dans le cas d'Itokawa, une liaison claire entre sa composition et celle des chondriteschondrites ordinaires a été confirmée.
Créé à partie des images prises par la sonde Hayabusa, ce dessin illustre la composition inhomogène de l'astéroïde Itokawa. Deux zones de densité différente ont été indiquées en fausses couleurs. © Eso, Jaxa
Dans leur article à paraître dans la revue Astronomy & Astrophysics, les chercheurs expliquent qu'ils sont arrivés à déterminer des variations de densité dans la composition d'Itokawa. Elle varie de 1,75 à 2,85 grammes par centimètre cube, et révèle deux zones distinctes qui constituent Itokawa. Comme le laissait supposer la forme en cacahuètecacahuète de l'astéroïde, il semble désormais encore plus probable qu'il résulte de la fusionfusion de deux petits corps célestes. Comment les chercheurs sont-ils parvenus à cette conclusion sans avoir à leur disposition des carottescarottes de l'intérieur d'Itokawa ?
Une clé pour l'exploitation des astéroïdes
La réponse : l'effet Yarkovskyeffet Yarkovsky-O'Keefe-Radzievskii-Paddack (YORP). Rappelons que cet effet se produit lorsque la lumièrelumière solaire est absorbée puis réémise par la surface d'un objet qu'elle chauffe. Le rayonnement thermiquerayonnement thermique possède lui aussi une certaine quantité de mouvementquantité de mouvement, et il exerce donc des forces sur l'objet. Dans le cas d'un astéroïde de forme très irrégulière, la lumière n'est pas émise uniformément. Il en résulte qu'un faible couple s'exerce alors sur le corps et modifie sa vitesse de rotationvitesse de rotation. L'effet est faible : dans le cas d'Itokawa, il conduit à une variation de la période de rotationpériode de rotation de 0,045 seconde par an. Cela a pourtant suffi aux chercheurs pour confirmer l'existence de deux zones de densités distinctes aux extrémités de l'astéroïde. On s'en doutait déjà d'après les mesures gravimétriques effectuées avec HayabusaHayabusa.
Selon l'un des auteurs de cette découverte, l'astronome Stephen Lowry, « c'est la toute première fois que nous avons été en mesure d'explorer l'intérieur d'un astéroïde. Nous avons découvert toute la complexité de la structure interne d'Itokawa. Cette découverte constitue une étape importante dans notre compréhension des corps rocheux du Système solaire ». Et le chercheur ajoute que « découvrir que les astéroïdes sont caractérisés par des intérieurs inhomogènes est lourd de conséquences -- pour les modèles de formation des astéroïdes binairesbinaires notamment. Cette découverte pourrait également permettre de réduire le risque de collision d'astéroïde avec la Terre, ou d'envisager de possibles expéditions futures sur ces corps rocheux ».