Vous avez peut-être déjà entendu quelqu’un vous crier « règle des cinq secondes ! » après que vous avez fait tomber votre tartine au sol, côté confiture évidemment, sinon ce n’est pas marrant. Selon cette règle, si vous attendez moins de cinq secondes avant de ramasser ladite tartine, vous pourrez la manger sans risquer d’avaler des tas de parasites et de vous rendre malade. Bon, on en pense quoi de cette règle ?


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    Découvrez le podcast à l’origine de cette retranscription dans Science ou Fiction. © Futura

     

    Avant tout, d'où vient cette croyance ? Eh bien comme d'habitude, ça remonte à loin.

    Les origines de la croyance

    C'est un certain Gengis Khan, fondateur de l'empire mongol qui a introduit en premier cette croyance dans les années 1200. Son nom vous dit quelque chose ? C'est normal, je vous ai parlé de son petit-fils dans l'épisode sur Marco Polo, Kubilaï Khan. C'est lui qui avait employé les services de l'explorateur en Chine. Mais bref, peu importe, revenons à Gengis. D'après le scientifique Paul Dawson, l'empereur mongol aurait inventé la « règle de Khan », une sorte de code de bonne conduite pour ses généraux durant les banquets. D'après cette règle, si de la nourriture tombait par terre, elle pouvait y rester aussi longtemps que l'empereur le permettait avant d'être ramassée et mangée. L'argument étant que les aliments préparés pour Khan étaient tellement parfaits qu'ils pouvaient être consommés peu importe les circonstances. Ouais, pas très scientifique tout ça.

    Un certain nombre de siècles plus tard, c'est la cheffe cuisinière Julia Child qui remet cette croyance au goût du jour dans son émissionémission culinaire The French Chef. Au cours d'un épisode diffusé dans les années 1960, elle fait maladroitement tomber une galette de pomme de terrepomme de terre qu'elle replace immédiatement dans sa poêle en s'exclamant avec sa voix exubérante : « Vous pouvez toujours la ramasser si vous êtes seuls dans votre cuisine. Qui va vous voir ? » Alors certes, son nom ne vous dit peut-être rien, mais Julia Child était une vraie star en son temps, alors ce ne serait pas surprenant qu'une croyance se soit répandue affirmant que les aliments récupérés rapidement après avoir été par terre sont encore consommables. Sauf que ! Eh bien elle n'est pas vraiment tombée au sol, notre galette, mais sur la gazinière immaculée de Julia Child ! Eh oui ! Mais si l'on en croit les historienshistoriens, ça aurait suffi pour que l'histoire se diffuse et perdure dans le temps. Après, ce n'est ni de la cheffe ni de Khan que viennent les fameuses cinq secondes. Ça c'est un peu plus flou, on ne sait pas vraiment d'où vient ce décompte, mais on peut quand même se demander s'il mérite qu'on y accorde du crédit.

    Faire « sauter une crêpe », c'est amusant mais attention à ne pas la retrouver au sol. © JustLife, Adobe Stock
    Faire « sauter une crêpe », c'est amusant mais attention à ne pas la retrouver au sol. © JustLife, Adobe Stock

    Une étude pour comprendre

    Et ça tombe bien parce que, justement, des chercheurs américains se sont posé cette question et ont décidé de mener quelques expériences afin d'éclaircir ce mystère. L'expérience est assez simple et n'a nécessité que peu de matériel : quatre aliments (ici de la pastèquepastèque, du pain non beurré, et du pain beurré et des bonbons oursons en gélatine). Ils ont fait tomber ces denrées sur quatre surfaces différentes, à savoir : du boisbois, un tapis, du carrelagecarrelage et de l'acier inoxydableacier inoxydable. Chaque surface était pour sa part recouverte d'une bonne couche de bactéries qu'on appelle Enterobacter aerogene, ni plus ni moins que les cousines de la salmonelle. Alors attends, je modère tout de même parce que, c'est vrai que quand on entend salmonelle, on peut vite prendre peur et penser à une affreuse intoxication, comme ça peut être le cas si vous mangez un aliment qui est contaminé par cette bactérie.

    Ici, cependant, pas de panique : le but des chercheurs n'était déjà pas de manger, ou de faire manger les aliments infectés, et en plus, notre Enterobacter aerogene est en fait une cousine non pathogène de la salmonelle. C'est vrai que j'avais oublié de le préciser. Chaque aliment a été testé sur chaque surface pendant quatre délais différents : moins d'une seconde, cinq secondes, 30 secondes et 300 secondes. Ce qui nous mène à un total de 128 scénarios en croisant toutes les possibilités ! Mais attendez, ce n'est pas tout car, pour être sûrs de leurs résultats, les chercheurs ont reproduit cette expérience vingt fois, soit 2 560 mesures à se farcir. Un travail de longue haleine ! Oui mais, vous savez, en science on ne peut pas tirer des conclusions avec une seule observation ! Au moins, là, on est sûrs d'avoir une réponse plutôt fiable à notre question. Et comme vous pouviez peut-être vous y attendre, un aliment, quel qu'il soit, sera contaminé s'il tombe au sol et qu'il atterrit sur des pathogènes. Et d'ailleurs, le niveau de contamination ne dépend pas que du temps, mais de plusieurs autres paramètres. Donc, la règle des cinq secondes, euh...

    Il n'est pas uniquement question de la durée

    Ben, en effet, la duréedurée pendant laquelle un aliment reste au sol importe peu manifestement, puisque de toute façon, quoi qu'il arrive il y aura contamination. Et évidemment, plus votre sol est infesté de bactéries, plus votre délicieux met ayant fini par terre a de chance d'être infecté. En plus de ça, la matièrematière du sol est assez déterminante. J'étais plutôt surprise en apprenant ça, mais il semblerait qu'il soit moins risqué de faire tomber sa tartine de confiture sur de la moquettemoquette ou sur un tapis plutôt que sur du bois comme du parquetparquet par exemple, ou bien sur du carrelage ! Je vous parle uniquement dans le cadre de contamination hein, pour ce qui est de la grosse tâche de confiote sur votre tapis ou les poils de moquette sur votre toast, là ce n'est pas la même affaire ! Mais du coup, pour vous donner quelques chiffres, un aliment tombé sur un tapis récupère moins d'un pourcent de bactéries, alors que sur du carrelage ou du parquet, on est plus sur une valeur autour des 50 à 70 % de bactéries ! Oui la différence est impressionnante, honnêtement je ne m'y attendais pas ! Mais, en fait, les tapis ne favorisent pas forcément le transfert des bactéries puisqu'elles s'infiltrent dans les fibres. Comme il n'y a pas de poils sur le carrelage et le parquet, en tout cas aux dernières nouvelles, les bactéries restent bien en surface à attendre un instant de faiblesse de votre part. Enfin, et c'est le dernier paramètre : la nature de l'aliment. Ici aussi on a une différence. Par exemple, les morceaux de pastèque coupés vont ramasser beaucoup plus de bactéries que le pain, parce que l'humidité du fruit permet de largement favoriser le transfert des pathogènes. Eh oui, parce que l'humidité est connue pour ça justement. Pas pour rien que les virus comme la Covid se déplace à dosdos de postillon.

    Enfin voilà ! En fin de compte, la règle des cinq secondes est un peu simpliste parce que oui effectivement, plus vous laissez votre nourriture traîner par terre, plus vous risquez de consommer un max de bactérie, mais ce facteur seul n'est pas suffisant ! Il faut prendre en compte la nature du sol, la nature de l'aliment, et aussi le type et la quantité de micro-organismes qui peuplent votre sol. Mais bon, je ne connais personne qui fasse des mesures tous les jours pour connaître la concentration en bactéries du carrelage de sa cuisine. Donc, un petit conseil si vous ne voulez pas risquer l'intoxication : évitez de manger un aliment tombé au sol, qu'il y soit resté une seconde ou trois minutes. Alors évidemment, je ne vous incite pas à jeter de la nourriture, mais il faut aussi savoir faire attention à sa santé, alors si ce que vous avez fait tomber par terre ne peut pas être rincé, autant ne pas tenter le diable et laisser les restes aux oiseaux !