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Focus recherche : la tuberculose en France au 21e siècle
Philippe Fraisse, pneumologuepneumologue au CHRU de Strasbourg, est le coordonnateur du groupe TuberculoseTuberculose de la Société de PneumologiePneumologie de Langue Française (SPLF). Il présente les enjeux actuels de la lutte contre la tuberculose.
- Peut-on craindre un retour de la tuberculose en France ?
Comme la tuberculose est une maladie contagieuse, on doit lutter contre elle. Si on diminue les actions de lutte, il y aura une augmentation de l'incidenceincidence.
A New-York où les centres anti-tuberculeux ont été fermés, il y a eu une recrudescence de la tuberculose. C'est aussi vrai dans les pays d'Europe de l'Est où on observe une recrudescence de la tuberculose et des résistancesrésistances à cause de traitements inadéquats. En France, le recensement de 2007 montre une augmentation modeste du nombre de cas, alors qu'il y avait une décroissance les années auparavant. Le programme national de lutte antituberculeuse 2007-2009 vise à optimiser les mesures contre cette maladie.
- Certains malades sont résistants au traitement antibiotiqueantibiotique. Y a-t-il une recrudescence de ces cas en France ?
Il y a environ 50 à 70 cas par an en France et ce chiffre est stable depuis 2002. Plus de la moitié sont des personnes pouvant venir de pays où les prescriptions ne sont pas conformes ou bien où les traitements ne sont pas complètement disponibles. Si on donne un seul antibiotique et si une mutation provoquant une résistance a lieu, le bacillebacille continue à se multiplier. Au bout de quelques mois, 100 % des bacilles sont résistants. Si on rajoute un deuxième antibiotique, on fabrique des doubles résistants. Il faut donc un traitement correct. En France, le traitement recommandé comprend quatre antibiotiques dans la phase d'attaque. A l'échelle de la planète, sur 9 millions de nouveaux cas de tuberculose annuels, il y a 500 000 cas de multirésistances.
- En France, le BCG n'est plus obligatoire. Est-ce une bonne chose ?
C'est un problème concernant le rapport bénéfice/risque du vaccinvaccin. Le bénéfice est proportionnel à l'incidence de la tuberculose, alors que le risque est constant : il est dû aux effets indésirables du vaccin et à son coût. Dans les pays en voie de développement, le BCGBCG est toujours d'actualité. En France, le bénéfice a diminué, parallèlement à l'incidence dans la population générale. L'obligation vaccinale est suspendue, mais il y a une recommandation de vacciner les enfants à risque. Des sondages montrent que la couverture vaccinalecouverture vaccinale actuelle des personnes à risque est inférieure à celle de la population totale avant l'arrêt de l'obligation ! C'est un problème. Nous réfléchissons au moyen de faire passer en pratique la recommandation. Pour une infection initialement latente, on estime qu'il y a 5 à 10 % d'évoluer vers une tuberculose-maladie. L'intérêt du BCG est de diminuer le risque de maladie si on s'infecte. Le vaccin n'est pas efficace à 100 %. Il faudrait un vaccin plus efficace. Il n'y a pas mieux pour l'instant. Ce n'est pas faute de chercher !
- De nouveaux tests de diagnosticdiagnostic, basés sur la recherche d'interféroninterféron, ont été commercialisés. Vont-ils remplacer l'intradermo-réaction (IDR) ?
Ces nouveaux tests sont intéressants pour le diagnostic de l'infection latente (avant le stade de la tuberculose) chez les sujets exposés à un cas de tuberculose contagieuse, afin de leur préconiser un traitement préventif. Ils ont des avantages par rapport à l'IDR qui reste la référence. Leurs résultats ne sont pas faussés par un antécédent de la vaccinationvaccination BCG, contrairement à l'IDR. L'autre avantage est qu'il s'agit d'une prise de sang. Tous les laboratoires peuvent le faire. L'IDR demande un apprentissage pour sa réalisation et sa lecture. Cependant, ces tests sont nouveaux. La littérature s'accumule, on commence à mieux connaître les atouts et les limites. La Haute Autorité de SantéHaute Autorité de Santé (HAS) a émis un avis en décembre 2006 : les tests peuvent être utilisés dans certaines indications, mais ils sont non-remboursés. La HAS attend les résultats des études en cours pour actualiser ses recommandations.
On se demande si on doit utiliser ces tests à la place de l'IDR ou en parallèle. Il existe des populations où les articles sont discordants, par exemple pour les enfants et les immunodéprimés.
- Quelles sont les pistes de recherche dans le domaine de la tuberculose ?
Il faut penser au problème des multirésistances. On est obligé d'aller vers des antibiotiques anciens qui avaient été abandonnés, notamment en raison de leurs effets indésirables, et vers des antibiotiques utilisés pour d'autres infections, comme les quinolonesquinolones. Le périmètre des molécules utilisables est restreint. C'est un enjeu de recherche. Il existe plusieurs molécules en cours d'essais, mais il y a un problème de moyens. Les pays où les bacilles multirésistants sont les plus présents ne peuvent pas financer la recherche. Il serait bon que cette recherche soit épaulée par les pays riches. Une autre piste de recherche concerne l'épidémiologie moléculaire. En comparant les souches bactériennes, on peut avoir des renseignements sur la transmission des bacilles, notamment dans les lieux "non-conventionnels", comme les bars, les collectivités. Il y a aussi des recherches sur "l'antibiogrammeantibiogramme virtuel". On connaît des mutations du génomegénome du bacille permettant de diagnostiquer des résistances. Un tel antibiogramme peut faire gagner un mois par rapport à l'antibiogramme classique.
Propos recueillis par MC Jacquier le 18 janvier 2009.