Pour la Journée mondiale des troubles des conduites alimentaires (TCA), Futura a décidé de se pencher sur un aspect relativement récent dans l'émergence de ces derniers : la place des réseaux sociaux. Les résultats de la recherche à ce sujet sont mitigés et suggèrent qu'une grande partie du problème se situe dans la façon dont nous utilisons les réseaux sociaux plus que les réseaux sociaux en eux-mêmes.
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Les réseaux sociauxréseaux sociaux sont souvent pointés du doigt pour être la cause de toutes sortes de maux : désinformation, isolement, et dans le cas qui nous occupe, augmentation de la prévalence des TCA. Ils sont généralement les boucs émissaires afin de trouver des réponses simples à des questions complexes. Une récente revue de la littérature tente de faire le point concernant les associations existantes entre utilisation des réseaux sociaux, facteurs psychopathologiques et développement des TCA. Elle décèle cinq facteurs qui sont au cœur des liens entre ces différents paramètres : le temps passé sur les réseaux sociaux, l'utilisation que nous faisons de ces plateformes et les interactions que nous avons en leur sein, les influences socioculturelles et l'influence de l'estime de soi et de la satisfaction de son image corporelle.
Sur quelles bases se fonde cette revue ?
Les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de nos vies. Partant de ce constat, il semble cohérent que la recherche en psychologie s'intéresse sur les impacts que ces derniers peuvent avoir sur notre développement, sur notre santé mentale ou encore notre bien-être. Dans ce champ de recherche, les résultats obtenus jusqu'à présent suggèrent que l'utilisation des réseaux sociaux aura des conséquences plutôt positives si l'objectif est de créer du lien et des interactions avec d'autres personnes tandis qu'elles seront plutôt négatives si on les utilise de manière passive, en abusant de comparaison sociale et d'esprit de compétition. Pour répondre à la question de l'influence des réseaux sociaux sur le développement des TCA, les chercheurs adoptent la méthode PECO pour Population, Exposure, Comparator and Outcome (population, exposition, comparaison et résultat).
La méthode des chercheurs
Dans une revue systématique, il est important d'avoir certains critères pour « ne pas mélanger les torchons et les serviettes » (autrement dit, des études qui n'ont rien à voir entre elles). Les études incluses devaient déterminer l'utilisation des réseaux sociaux des participantes (comme l'an dernier, nous utilisons ici le féminin pour des soucis de représentativité bien que, rappelons-le, les TCA chez l'homme existent, sont de plus en plus répandus et souvent invisibilisés), inclure un outil de mesure informant sur la présence de TCA ou de symptômes associés comme l'insatisfaction corporelle, que l'article soit publié en anglais ou en espagnol et qu'il n'est pas été publié avant 2004, autrement dit, avant l'avènement de FacebookFacebook.
Ces études devaient aussi respecter des critères d'exclusion. Par conséquent, elles ne devaient pas provenir d'autres types de documents que d'articles scientifiques publiés dans des journaux à comité de lecture et être principalement qualitatives, ne pas concerner des applicationsapplications de rencontres ou des chats sur les forums, ne pas étudier les groupes sur les réseaux sociaux qui font de la préventionprévention concernant les TCA, ne pas étudier de population spécifique telle que les athlètes de haut niveau dont la prévalence des TCA est plus élevée et enfin ne pas concerner la validation de questionnaire psychologique.
Réseaux sociaux : privilégier la qualité à la quantité
Après extraction de données et analyses statistiques, les investigateurs vont tirer plusieurs conclusions. Premièrement, plus nous passons du temps sur les réseaux sociaux, plus nous avons de chance de développer des troubles des conduites alimentairestroubles des conduites alimentaires. Cela dépend évidemment du fil d'actualité que nous voyons défiler. Le mécanisme qui se cache derrière cette corrélation selon les auteurs concerne l'internalisation de l'idéal de minceur, qui accroît les préoccupations à propos de son corps et peut mener à des comportements restrictifs qui ont pour but d'atteindre cet idéal.
Deuxièmement, plus nous utilisons les réseaux sociaux pour nous comparer aux autres sans interagir avec eux, plus l'insatisfaction corporelle et l'estime de soi risque d'en pâtir. Un marqueur clé semble également être le partage de photo. Le mécanisme qui se cacherait derrière serait une attente de validation, de feedback vis-à-vis d'autrui à travers les likes et les commentaires. Pourtant, le lien entre le nombre de selfiesselfies partagés et le développement de TCA est inconsistant. En revanche, il existe un lien entre le nombre de selfies non partagés et la préoccupation vis-à-vis de son corps et la surveillance de ce dernier. Les commentaires négatifs peuvent quant à eux entraîner des épisodes de restrictions alimentaires. Néanmoins, les réseaux sociaux sont parfois utilisés par les patientes et les professionnels du domaine pour créer de l'interaction et s'encourager face aux troubles. Enfin, l'appartenance socioculturelle joue aussi un rôle. Au sein des communautés afro-américaines, il semble y avoir beaucoup moins de préoccupations vis-à-vis de l'idéal de minceur. Cet état de fait est corroboré par une seule étude.
Le cercle vicieux des réseaux sociaux
Comme nous l'avons dit et comme cela est démontré dans cette revue de littérature, la comparaison sociale passive détermine en grande partie l'influence des réseaux sociaux sur le développement des TCA. Mais il ne suffit pas de dire que tout dépend de la façon dont on les utilise, car de fait, nous les utilisons majoritairement à cette fin et certains sont construits de telle sorte que cela continue. En effet, il y a un cercle vicieux qui se met en place et qui commence par une faible estime de soi, une forte insatisfaction corporelle et des restrictions alimentaires. Les comparaisons incessantes sur les réseaux sociaux, notamment InstagramInstagram et TikTok, dont le fonctionnement est assez propice à ce phénomène, alimentent ces ressentis. Mais les réseaux sociaux ne sont pas coupables en eux-mêmes. Tout environnement qui favorise ce type de comparaison passive a le potentiel d'engendrer ce cercle vicieux. C'est pourquoi à l'avenir, il nous reste à créer, en réel comme en virtuel, des espaces plus sains pour toutes et tous.