Arrêt des mesures barrières adoptées lors de la pandémie de Covid, relâchement vaccinal, information et sensibilisation défaillantes, baisse de l'immunité collective : toutes ces pistes pourraient expliquer le retour des maladies que l'on avait oubliées. Mais avaient-elles réellement disparu ou obéissent-elles à des cycles de mutation ? Une meilleure politique vaccinale serait déjà une première étape pour les tenir à distance.


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    On les croyait reléguées au passé, pourtant elles refont surface avec une incidence parfois inquiétante : rougeole, coqueluche, syphilis, tuberculose... Les maladies du passé reviennent à la faveur d'un relâchement vaccinal ou d'une insuffisance de préventionprévention.

    Des maladies oubliées, et qui reviennent 

    La coqueluche fait son grand retour dans l'Hexagone. Près de 6 000 cas de cette infection respiratoire ont été recensés sur les cinq premiers mois de l'année, cinq fois plus qu'en 2023. Le nombre de cas de rougeole explose. En 2023, 117 cas (dont 31 importés) ont été déclarés en France, contre 15 en 2022. Cette maladie virale très contagieuse est souvent bénigne, mais peut entraîner des complications graves, respiratoires et neurologiques, parfois mortelles chez les bébés.

    La tuberculose, si elle reste à un niveau faible, a connu un rebond de cas en France en 2023 après trois années de crise sanitairecrise sanitaire, avec 4 728 cas déclarés. Transmise par voie aérienne, c'est une infection bactérienne très contagieuse touchant le plus souvent les poumonspoumons, mais pouvant se propager au cerveaucerveau.

    La syphilis, infection sexuellement transmissibleinfection sexuellement transmissible tristement célèbre dans le monde entier pour avoir infecté des artistes comme Baudelaire ou Schubert, a longtemps été reléguée au deuxième plan des politiques publiques, notamment face à l'épidémieépidémie de VIH. Elle a vu son incidence bondir de 110 % entre 2020 et 2022. 

    Retour des maladies oubliées : s'agit-il de leur mutation cyclique ou d'une couverture vaccinale insuffisante ? © Jonathanfilskov-photography, Getty Images
    Retour des maladies oubliées : s'agit-il de leur mutation cyclique ou d'une couverture vaccinale insuffisante ? © Jonathanfilskov-photography, Getty Images

    Des scientifiques y voient une conséquence de l'arrêt des mesures barrières contre la pandémiepandémie de Covid, ou une baisse de l'immunité collectiveimmunité collective. Mais c'est souvent une insuffisante couverture vaccinalecouverture vaccinale qui est en cause.

    Latence et mutation des maladies

    « Jamais vraiment, mais elles se sont transformées, espacées dans le temps », souligne Mikael Askil Guedj, docteur en sciences médicales et chirurgien des yeuxyeux, qui s'est penché sur toutes les maladies du siècle dans un livre Médecins malgré vous, Portraits des maladies du XXIe siècle (Grasset, 2023). « C'est le génie épidémique : il y a des cycles de quelques années, parfois quelques décennies où les maladies se font oublier, mutent un peu, puis réapparaissent sans prévenir ».

    Ces maladies « ont toujours été latentes », note aussi Philippe Sansonetti, professeur émérite à l'Institut Pasteur et au Collège de France. « La syphilis, on l'a vue flamber avec le sidasida et puis retomber en même temps que les mesures de prévention ; la tuberculose avait suffisamment diminué pour qu'on arrête la vaccinationvaccination ; quant à la rougeole et la coqueluche, on vit avec des poussées irrégulières », précise-t-il.

    Comment s'explique leur retour ? 

    Comme pour d'autres germesgermes, des scientifiques y voient une conséquence de l'arrêt des mesures barrières contre la pandémie de Covid, ou une baisse de l'immunité collective. Mais c'est souvent une insuffisante couverture vaccinale qui est en cause. Le vaccin ROR notamment (rougeole-oreillonsoreillons-rubéole) avait été victime d'une forte méfiance des parents en raison d'infox lui imputant des cas d'autismeautisme. Les cas avaient tellement flambé dans les années 2000 que cette vaccination est passée de « recommandée » à « obligatoire » pour tous les nourrissons en 2018 pour tenter d'endiguer le phénomène. 

    Mais « il y a des rougeoles d'adultes et d'adolescents chez les non ou mal vaccinés (une seule injection au lieu des deux obligatoires) », souligne Mikael Askil Guedj. Pour la tuberculose, qui touche principalement les personnes en situation de grande précarité, « il existe un vaccin, le BCG, qu'on ne trouve plus nulle part en pharmacie ». Et qui, par ailleurs, « ne protège pas très bien », ajoute-t-il. Concernant la coqueluche, il faudrait « revacciner à l'âge adulte, en particulier les femmes enceintes » pour protéger les futurs bébés, car « le vaccinvaccin actuel ne protège pas à vie contre l'infection », souligne Philippe Sansonetti.

    Quant à la syphilis, son retour s'explique par le moindre recours au préservatifpréservatif, depuis que les antirétroviraux ont réduit la peur du Sida. « Beaucoup de gens en sont porteurs sans le savoir, et continuent à propager la syphilis car les premiers symptômessymptômes sont assez discrets ou mal identifiés », ajoute le dr Guedj.

    Quelles recommandations pour s'en débarrasser ?

    « Certains pays ont une politique vaccinale plus solidesolide que la France », relève Philippe Sansonetti, qui attend beaucoup du futur carnet de santé vaccinal digitaldigital. « Aujourd'hui, il y a des trous et un flou sur la couverture réelle vaccinale » des adultes, note-t-il.

    Sans forcément prôner une obligation vaccinale pour tous, comme c'est le cas en pédiatriepédiatrie, le chercheur s'interroge sur la mise en place d'une meilleure politique vaccinale chez les adolescents et les adultes. Pour la syphilis, « le diagnosticdiagnostic est difficile, mais dès qu'il y a un doute, il faut faire des tests sérologiquestests sérologiques », ajoute le scientifique, qui plaide aussi pour de « grandes campagnes d'information et de sensibilisation ».