au sommaire


    Quelques petits rappels pour situer le trio eau-sel-sol. (les 2 paragraphes ci-dessous sont extraits du cours d'hydrologiehydrologie du Prof. Musy, EPFL, Lausanne)

     

    Sel rose. © Pompi, Pixabay, DP

    Sel rose. © Pompi, Pixabay, DP

     

    Eau-sol-sel
    Eau-sol-sel

    1 - Evaporation à partir d'un sol nu

    L'évaporation d'un sol nu est conditionnée par les mêmes facteurs météorologiques que ceux intervenant dans l'évaporation d'une surface d'eau libre. Toutefois, si la quantité d'eau à disposition n'est pas un facteur limitant dans le cas de l'évaporation à partir d'une surface d'eau libre, elle le devient dans la situation d'un sol nu. En résumé, l'évaporation d'un sol nu est influencée par la demande évaporative mais aussi par la capacité du sol à répondre à cette demande et sa capacité à transmettre de l'eau vers la surface, fonction de diverses caractéristiques :

    Arrosage
    Arrosage
    • Teneur en eau du sol - La teneur en eau du sol conditionne les processus d'évaporation. Plus le sol est sec et plus les flux évaporés seront faibles. A l'inverse, un sol saturé peut même évaporer de l'eau à un taux supérieur à celui d'une surface d'eau libre vu que le micro-relief du sol peut constituer une surface évaporante plus importante que celle d'un lac ou d'un réservoir.
    • Capillarité - Dans le cas où le sol est relativement peu humide et dans la situation d'un sol nu en l'absence de nappe, le régime d'évaporation est fixé par la plus petite des contraintes entre les conditions météorologiques et la capacité du sol à transmettre de l'eau vers sa surface. Dans ce cas, les remontées capillaires permettent d'amener de l'eau jusqu'au front d'évaporation.
    • Couleur du sol et albédoalbédo - Les sols de couleur claire présentant des valeurs d'albédo élevées vont absorber moins de rayonnement que des sols foncés. Toutefois, dans le cas où la quantité d'eau n'est pas un facteur limitant, les écarts entre l'évaporation d'un sol clair et celui d'un sol foncé ne sont que de quelques pour cent, avantage donné au sol foncé.

    2 - Evapotranspiration d'un sol couvert par de la végétation

    La notion d'évapotranspiration regroupe deux processus, à savoir l'évaporation directe de l'eau du sol et la transpirationtranspiration par les plantes. Sur un sol présentant une couverture végétale, même partielle, les échanges par transpiration sont quantitativement plus importants que les échanges par évaporation directe.

    3 - Les processus physiques de la transpiration des végétaux.

    La transpiration peut se définir comme l'émission ou l'exhalation de vapeur d'eau par les plantes vivantes. La plante prélève l'eau du sol par l'intermédiaire de ses racines. Le développement du système radiculaire est lié à la quantité d'eau disponible dans le sol ; les racines peuvent atteindre des profondeurs très variables, d'une dizaine de centimètres à plusieurs mètres. L'absorptionabsorption de l'eau est réalisée par osmose ou par imbibitionimbibition. L'eau circule à l'intérieur des canaux du système vasculaire de la plante pour atteindre les feuilles.

    Stomate, vue en microscopie
    Stomate, vue en microscopie

    Le siège de l'évaporation se situe alors essentiellement au niveau des parois internes des stomatesstomates. Une certaine évaporation peut se produire directement au travers de la cuticulecuticule des feuilles. De l'eau s'évapore donc mais pas les sels qui y étaient dissous.... !

    4 - Ceci étant dit, quels problèmes de salinisation sont liés à l'irrigation ?

    L'utilisation rationnelle des eaux fluviales appelle des aménagements qui ne sont concevables que dans le cadre d'une forte cohésion sociale, subie ou consentie. Il existe donc un lien extrêmement solide entre irrigationirrigation et société hierarchisée. Ce système a pour contrepartie un risque de dégradation des systèmes hydrauliques en cas de rupture du lien social. Cette rigiditérigidité des contraintes techniques et sociales a été quelque peu atténuée par le changement technique, comme la diffusiondiffusion des pompes motorisées.

    Irrigation traditionnelle
    Irrigation traditionnelle

    Cependant, les limites du pompage apparaissent assez vite même si les coûts d'exploitation sont avantageux. Les nappes profondes sont souvent trop riches en sels minérauxminéraux, leurs eaux sont très vite contaminées, elles se relèvent très lentement en cas de déplétiondéplétion accentuée et beaucoup d'entre elles, situées dans les zones arides, se sont constituées lors des phases pluviales et ne se renouvellent pas. De plus, l'irrigation par canaux où l'eau est quasi gratuite, entraîne un gaspillage important et des pertes dans le cas de canaux défectueux, donc poreux. Tout ceci entraîne des phénomènes consécutifs de salinisation des sols.

    Irrigation, technologies actuelles
    Irrigation, technologies actuelles

    De grandes compagnies d'aménagement agricole valorisant certains périmètres assument la restructuration foncière et réalisent des infrastructures lourdes. Elles sont également gérantes d'investissements qui doivent être rentabilisés par la perception de redevances ou de taxes sur la consommation. Un tel encadrement implique une discipline qui peut être prise comme une contrainte, d'où de fréquentes tensions entre irrigants et gestionnaires...

    5 - Salisols et Sodisols (sols salés et sols sodiques)

    La présence de sels solubles dans la solution du sol a deux effets différents selon la concentration de la solution : salisol à concentration ionique élevée qui limite la croissance des plantes (pression osmotiquepression osmotique élevée qui limite l'absorption racinaire) avec apparition d'efflorescences salinesefflorescences salines en période sèche et sodisol à concentration ionique faible (mais le sodiumsodium est le principal cationcation fixé sur le complexe d'échange du sol) qui présentent une faible stabilité structurale pouvant entraîner leur prise en massemasse d'une structure en prismes et leur érosion.

    Efflorescence saline à la surface d'un sol salé
    Efflorescence saline à la surface d'un sol salé

    La salinisation d'un sol est son enrichissement en sels solubles - chlorures, carbonates, sulfates - de sodium, magnésiummagnésium et calciumcalcium. Le sol est considéré comme salé si la concentration dépasse 1 à 2 % dans les 20 cm supérieurs. Lorsque la texturetexture du sol favorise la capillarité, et si la nappa aquifèreaquifère est peu profonde, des sels, des bases et des composés sodiques se déposent facilement dans la tranche des racines et ce mécanisme quand il est dû à des activités humaines se nomme salinisation secondaire.

    Bilan des ressources en sol : (la FAOFAO, le WWFWWF et l'OMSOMS ont, à peu près, les mêmes chiffres que ceux cités ci-dessous, il s'agit, ici, d'un ordre de grandeurordre de grandeur pour poser le problème)

    Un premier bilan, issu des cartes climatiques et pédologiques et tenant compte des exigences des cultures, concerne les surfaces cultivables : 78 % des terres émergées ne sont pas cultivables pour des raisons climatiques (42 %) ou topographiques (17 %). Les contraintes spécifiques aux sols (trop minces, trop pauvres, trop humides...), ne concernent que 18 % des terres émergées.

    Ces terres non cultivables sont occupées par des désertsdéserts (40 %), des forêts (25 %), des prairies (35 %). Les terres cultivables représentent 22 % des terres émergées, soit 3 278 millions d'hectares dans le monde. La grande majorité ont une fertilité potentielle faible, seuls 3 % ont une fertilité élevée .

    Image du site Futura Sciences

    La superficie actuellement cultivée (1 460 millions d'hectares) représente la moitié de cette étendue. Sur les plans surface et technologie, l'alimentation de 12 milliards d'hommes semble sans problème...mais cette réserve est inégalement répartie. Elle apparaît importante en Afrique et en Amérique du Sud (forêts équatoriales) mais très faible en Asie Centrale (Inde) ou l'Asie du Sud-est (Chine, Indonésie).

    On doit également tenir compte des pertes en terres agricoles, entre 6 et 12 millions d'hectares par an, dont 8 millions d'ha transformés en villes ou routes..., et 4 millions perdus par érosion, salinisation, etc. On doit encore tenir compte du fait que l'extension des zones cultivées se fait au détriment des forêts que la fertilité des sols constituant ces réserves peut être faible et que les progrès technologiques pour augmenter les rendements ont atteint un plafond (Evans, 1998)

    6 - Désertification

    Dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-humides, issue des différents facteurs comprenant les variations climatiques et les activités humaines. (définition de la Convention de l'ONU sur la désertificationdésertificationLa perte de productivité du sol et la diminution du couvert végétal sont dus aux activités humaines (et aux variations de climatclimat). Elle touche un quart de la planète. La surface perdue ces vingt dernières années correspond à l'ensemble des terres agricoles des Etats-Unis. On prévoit qu'en 2025, elle s'étendra au tiers de la superficie des terres émergées du globe : là de nouveau, c'est mal réparti ! Et la menace concerne les moyens de subsistances d'environ un milliard de personnes, qui entraînera des flux migratoires importants.
    En Australie, pour donner une autre petite idée du phénomène, dans le bassin de la rivière Murray, on estime que les pertes sont de 94 millions de dollars par an...

    7 - L'irrigation

    Mal conduite, l'irrigation peut également avoir des conséquences dramatiques dans les régions au climat sec et chaud où l'on irrigue toute l'année. En effet, si l'eau d'irrigation n'est pas drainée, elle stagne dans les champs, et s'évapore lentement, laissant en dépôt les sels dissous qu'elle contient. Cet excès de sels stérilise progressivement les terres qui doivent être abandonnées.

    Le pompage abusif d'eau fluviale peut progressivement conduire à l'assèchement des territoires situés plus en aval.

    Cultures irriguées en Afrique du nord
    Cultures irriguées en Afrique du nord

    La catastrophe écologique de la mer d'Aralmer d'Aral, qui fut le quatrième lac du monde par sa superficie, est édifiant. Dans les années 1960, pour développer la culture irriguée du coton dans la région désertique du Kazakhstan, la majeure partie des eaux des deux fleuves qui alimentaient la mer d'Aral a été détournée. Ces prélèvements considérables ont abaissé de 15 mètres le niveau de la mer et diminué sa surface de 40 %. Dans le même temps, la salinitésalinité de ses eaux est passée de 10 à 30 grammes par litre. La faunefaune a presque entièrement disparu et la pêchepêche avec elle. Une mauvaise gestion de l'irrigation et une utilisation abusive d'engrais et de pesticidespesticides ont conduit à la salinisation des sols et à la désertification d'immenses étendues dans la région. La qualité des eaux souterraines s'est également dégradée et le niveau des nappes phréatiquesnappes phréatiques a fortement baissé.

    Les pays qui irriguent le plus sont ceux situés dans le sud asiatique, lesquels rassemblent plus de 60 % des terres irriguées de la planète, et certains pays méditerranéens, comme l'Italie la Grèce et l'Espagne. De surcroît, la majeure partie de cette eau est évaporée avant même d'avoir servi...

    A lire également à propos de l'irrigation en France et en Espagne : Géopolitique et guerre de l'eau 

    Si l'on change d'échelle et que l'on regarde au niveau mondial, l'agricultureagriculture est aujourd'hui le secteur d'activité qui consomme le plus d'eau : les trois quarts de tout le volumevolume d'eau consommé dans le monde et la moitié de la planète n'a pas assez d'eau potable !

    8 - Salinisation en bas de pente.

    Il s'agit d'un phénomène plus localisé mais qui peut devenir important.

    La zone d'alimentation reçoit les précipitationsprécipitations. L'eau pénètre dans le sol et, si elle n'est pas assimilée par les végétaux, atteint les eaux souterraines. Celles-ci dissolvent les sels et les transportent dans la zone d'émergenceémergence où l'apport en eau souterraine fait s'élever la nappe phréatique jusqu'à faire remonter l'eau à la surface du sol. L'évaporation de l'eau cause l'accumulation de sel.

    Salinisation des sols au bas d'une pente
    Salinisation des sols au bas d'une pente

    9 - Un exemple : la situation actuelle au Canada

    Dans le sud des Prairies, la salinisation constitue un problème : une salinité modérée à forte qui persiste de façon plus ou moins visible dans le paysage fait diminuer d'environ 50% le rendement annuel de la plupart des cultures céréalières et oléagineusesoléagineusesLa première tentative pour décrire de manière uniforme la salinisation dans les Prairies et établir une référence à laquelle on pourra comparer les futures mesures de la salinité vise les objectifs suivants : faire le point sur l'étendue et la gravitégravité de la salinisation des sols et évaluer les risques de modification du degré de salinité associés aux pratiques actuelles d'utilisation et d'aménagement des terres agricoles, et déterminer leur évolution. La salinisation résulte d'une conjugaison des facteurs suivants :

    Mesures dans champ de blé - Amérique du nord
    Mesures dans champ de blé - Amérique du nord

    présence dans le sol de sels solubles, nappe phréatique élevée, taux d'évaporation élevé (l'évaporation plus rapide que l'apport des précipitations).

    On trouve souvent ces caractéristiques dans les dépressions et les parcours de drainagedrainage, au bas des pentes et dans les terres à relief plat qui sont adjacentes aux marais et aux plans d'eau peu profonde. La salinisation peut être généralisée dans les secteurs situés dans la zone d'émergence des eaux souterraines.

    Ce petit paragraphe montre bien que le problème ne concerne pas, et de loin, que les pays les moins industrialisés !

    10 - Solutions au problème de la salinisation

    • Premier élément : améliorer la gestion et l'utilisation des terres salinisées, les décideurs, les planificateurs et les producteurs devront adopter une nouvelle attitude.

    Réduire le degré et l'étendue de la salinisation des sols consiste surtout en un problème de gestion des eaux. Une bonne gestion des ressources en eau implique à la fois que l'on empêche l'eau reçue dans les aires d'alimentation de percoler dans les eaux souterraines et que l'on maintienne à un niveau bas et sûr la nappe phréatique dans la zone d'émergence.

    Culture de luzerne
    Culture de luzerne

    Les terres salines sont sensibles et réagissent différemment aux diverses pratiques d'aménagement. Le choix de méthodes culturales visant la restauration de sols salinisés dépend de la gravité de la salinisation, de son étendue et des caractéristiques locales. Il faut généralement privilégier une approche biologique, en faisant appel à des régimes particuliers d'assolement et de travail du sol. Les coûteuses solutions mécaniques, tel l'aménagement de réseaux de drainage souterrains, doivent être réservées aux terrains les plus touchés.

    Luzerne cultivée, Medicago sativa
    Luzerne cultivée, Medicago sativa
    • Deuxième élément : gestion des apports d'eau.

    On peut empêcher l'eau de s'infiltrer dans le sol des zones d'émergence en dérivant l'eau de surface vers des étangs situés au bas des pentes. Les cultures fourragères et les plantes vivaces, la luzerne, peuvent jouer un rôle utile, en raison de leur saisonsaison de croissance plus longue et de leur capacité d'absorber une plus grande quantité d'eau que les plantes annuellesannuelles et ce, à une plus grande profondeur. Ainsi, les cultures fourragères empêchent l'accumulation d'eau souterraine, abaissent la nappe phréatique et assèchent le sous-sol. En outre, elles accroissent la teneur en matièrematière organique du sol et en améliorent la structure, ce qui réduit le risque d'érosion.

    Culture de luzerne dans le monde
    Culture de luzerne dans le monde
    • Troisième élément : gestion de l'écoulement.

    Ensemencer des cultures tolérantes au sel dans les terrains ou la gravité de la salinisation est raisonnable

    Réduire la mise en jachère par la culture continue (terrains peu salins) ou par l'établissement d'une couverture végétale permanente et de cultures tolérantes au sel (secteurs à risque élevé ou salinisation grave). Réduire le travail profond du sol par l'adoption de non-labourlabour. Planter des cultures fourragères ou des arbresarbres près des plans d'eau pour favoriser l'absorption de l'eau du sol. Retourner au sol le fumier et les résidus de culture : un sol riche en matière organique pourra retenir davantage d'eau. Prévenir la formation de flaques au printemps. Installer des réseaux de drainage artificiels en certains endroits si nécessaire. Eliminer les infiltrations d'eau dues aux canaux d'irrigation, aux mares artificielles et aux étangs. Inciter les agriculteurs à établir un couvert végétal permanent sur leurs terres marginales ou à transformer ces dernières en habitats pour la faune.

    La salinité est donc un problème permanent pour certains sols et on doit y apporter une attention constante si on veut maintenir et améliorer leur santé.