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Changement du climat : les incertitudes des projections
Quel crédit accorder à des projections qui, pour le siècle à venir, s'échelonnent de 1 à 6 degrés de réchauffement moyen ? Eventail très large, trop large, mais il faut comprendre que chacune de ces projections résulte :
- (i) d'un scénario d'émissions dépendant d'hypothèses sur les décisions politiques et économiques, le développement et les mutations technologiques ;
- (ii) de l'estimation de l'évolution et de la répartition géographique des perturbations des flux énergétiques (le forçage radiatifforçage radiatif) entraînées par ces émissions, évolution qui dépend de la physico-chimie complexe des nuagesnuages et des aérosolsaérosols, des échanges de CO2CO2 et des autres gaz entre atmosphèreatmosphère, biosphèrebiosphère et océans, de la perturbation des propriétés optiques des nuages, du transport des particules atmosphériques (aérosols) et de leur lessivage par les précipitationsprécipitations ;
- (iii) du calcul de la réponse de l'atmosphère et de l'océan, c'est-à-dire la statistique de l'ensemble de changements de température, humidité, précipitations, nébulosité, ventsvents et courants que mettent en route ces perturbations.
La projection extrême de 6 degrés de réchauffement vient d'un modèle climatiquemodèle climatique relativement sensible, couplé à un scénario dans lequel l'augmentation des émissions de CO2 et d'autres gaz à effet de serregaz à effet de serre se poursuit sur un rythme accéléré, alors que la généralisation des mesures anti-pollution entraîne une diminution des émissions de SO2. Les scénarios étudiés avant 1990 comportaient des expériences numériquesnumériques rigoureuses où l'on ne changeait qu'une chose à la fois ¾ le CO2 -- sans modifier la production de particules par la pollution soufrée. Dans certaines des projections plus récentes, avec des scénarios moins propres mais plus réalistes, le renforcement de l'effet parasol compense en partie l'intensification de l'effet de serre, d'où moins de réchauffement. La sensibilité du modèle climatique n'a pas nécessairement changé. Se moquer des modèles sans essayer de comprendre et d'expliquer la nature des simulations fait aussi partie d'un certain discours pseudo-scientifique sinon franchement antiscientifique.
Ce que l'on néglige trop souvent de dire, c'est que les modèles sur le climatclimat ne sont pas de simples "extrapolations" ; ils sont la numérisationnumérisation des lois fondamentales de la physique ¾ lois de Newton, principes de conservation de l'énergieénergie et de la matièrematière, appliquées à notre planète. Les incertitudes du calcul de l'évolution climatique proviennent de la nécessité de schématiser, de représenter la complexité de la Terre avec un nombre relativement petit de paramètres sur une grille dont les cellules font typiquement une centaine de kilomètres de côté, un kilomètre en épaisseur, de représenter par quelques relations simples ce qui se passe à l'intérieur de chaque cellule. Les rétroactionsrétroactions des nuages et de la vapeur d'eau dépendent à la fois des transports d'eau à l'échelle planétaire et des processus de condensationcondensation à l'échelle microscopique, difficiles à représenter ensemble dans un seul modèle.
Et si le climat change ?
Ce ne sera pas la fin du monde. La Terre en a vu d'autres. Mais pour nous humains ? L'inondationinondation imminente de toutes les plaines côtières, un épouvantail ? D'ici 3000 ans, qui sait ? De toute manière, même une montée modeste de la mer (60 cm d'ici 2100 ?) augmentera les risques associés aux surcotessurcotes lors des passages de tempêtestempêtes et cyclonescyclones. On se plaindra de la chaleurchaleur, on mourra moins de froid. Ici, la sécheressesécheresse ; là, le déluge. Les tempêtes changeront de trajectoires, devenant plus violentes ici, moins fréquentes là. Faut-il se faire peur en évoquant le spectrespectre d'une extension des maladies "tropicales" ? Sans qualification particulière pour discourir sur la santé, je ne puis m'empêcher de penser que le risque climatique ne représente qu'une petite partie du problème. L'Europe et l'Amérique du Nord ont connu le paludismepaludisme et les grandes pandémiespandémies de choléracholéra au 19ème siècle, alors qu'il faisait plus froid. Aujourd'hui, les transports aériens font la courte échelle aux moustiquesmoustiques vecteurs de maladies, et dans les villes, même sans changement climatiquechangement climatique, les coins chauds pour passer l'hiverhiver ne manquent guère. Il me semble que les grands problèmes de santé des prochaines décennies, qui affectent déjà des dizaines de millions de personnes ou plus, ne seront pas dus au climat : le SIDASIDA en Afrique et ailleurs, et au Bangladesh l'empoisonnement progressif de la population par l'arsenicarsenic d'origine naturelle contenu dans l'eau "propre" pompée à quelques dizaines de mètres de profondeur.
Le grand risque - un choc climatique
De par sa rapiditérapidité, le réchauffement du 21ème siècle pourrait néanmoins durement éprouver les capacités d'adaptation de la biosphère naturelle et des sociétés humaines. Avec une nouvelle carte des précipitations et des évaporations, les forêts devront se déplacer ; elles ont su le faire au cours des millénaires qui ont suivi le recul des glaces, mais en moins d'un siècle, l'homme devra les prendre en charge. Les agriculteurs devront s'adapter au nouveau partage de l'eau, les assureurs calculer la nouvelle carte de risques, les villes veiller à leur approvisionnement en eau, plus difficile ici, plus facile là. Ce ne sera pas une petite affaire, et si l'on soutient que la Vie a toujours su s'adapter ou se remettre des catastrophes, cela représente une piètre consolation pour les dinosauresdinosaures du CrétacéCrétacé, pour les VikingsVikings du Groenland.
Altération de l'atmosphère et activité économique
Aujourd'hui, les émissions annuellesannuelles de CO2 par habitant vont de 20 tonnes aux Etats-Unis et 9 pour l'Union Européenne (6 seulement pour la France, grâce au nucléaire), à moins de 2 pour les pays du Tiers Monde. Contrairement à ce que l'on lit parfois, le problème n'est pas principalement dans la croissance des populations au Tiers Monde. Les pays pauvres à très forte croissance démographique tendent à rester pauvres, à avoir les plus faibles taux de développement et d'émission de CO2 ; les pays à forte croissance économique, comme la Chine, sont en voie de maîtriser leur démographie. Suivront-ils le modèle du gaspillage tous azimutsazimuts ? Mais qui gaspille le plus ?
Jusqu'ici, les seuls pays ayant réduit substantiellement leurs émissions de gaz à effet de serre sont ceux de l'ancien bloc soviétique, suite à leur effondrementeffondrement économique. Ce n'est pas encourageant, mais il ne faut pas confondre causes et effets. De plus, si au lieu de citer les émissions de CO2 par habitant, on examine les émissions en termes de production de biens, on constate que là où le monde américano-australien émet à peu près une tonne de CO2 pour mille dollars (ou euros) de produit intérieur brutproduit intérieur brut, le Japon et les pays Europe occidentale n'émettent qu'entre 300 et 600 kgkg de CO2 pour produire la même quantité de biens. Malgré quelques progrès récents, les pays de l'ancien bloc soviétique émettent environ 2 tonnes ou plus de CO2 (et beaucoup plus avant 1990), utilisant donc l'énergie fossileénergie fossile encore bien plus mal que l'Amérique et l'Australie. La Chine aussi émet bien plus d'une tonne de CO2 pour produire mille dollars de biens, mais avec son développement économique ce rapport d'inefficacité diminue, et la Chine semble pouvoir s'enrichir sans nécessairement augmenter ses émissions de CO2 par habitant.
Il faut engager et accélérer ce processus, apprendre à faire plus et mieux avec moins, partout dans le monde.
La question reste posée : saura-t-on utiliser les possibilités des technologies modernes (pas seulement électronucléaires) pour améliorer le niveau de vie dans le monde sans pour autant accélérer l'altération de l'atmosphère et le réchauffement ? Plus difficile : quand parviendra-t-on à réduire à zéro l'émission nette de gaz à effet de serre ?