Comment sont nés les tout premiers continents il y a environ 4 milliards d’années ? Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre. Simples processus magmatiques ou intervention d’une tectonique des plaques primitive ? Une nouvelle étude fait pencher la balance vers cette seconde hypothèse.


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    Aujourd'hui, la croûte terrestre obéit à un cycle perpétuel : le magma se forme en profondeur dans le manteaumanteau et remonte en surface pour créer des roches magmatiques, participant ainsi à la formation d'une nouvelle croûte continentale. Les mouvementsmouvements des plaques vont amener cette croûte à se déformer, tandis que les processus érosifs remanient et redistribuent le matériel sédimentaire sur l'ensemble du globe. D'un autre côté, les zones de subductionzones de subduction vont permettre le recyclage de la croûte au sein du manteau, favorisant la production de magma. Et le cycle recommence.

    Le cycle de Wilson décrit le cycle tectonique que nous observons actuellement. © Anthony Saphon, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Le cycle de Wilson décrit le cycle tectonique que nous observons actuellement. © Anthony Saphon, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Il en va ainsi depuis environ 4 milliards d'années et si les étapes sont désormais bien identifiées, une question reste encore irrésolue : comment ce cycle a-t-il débuté ?

    Des continents issus de la fusion d’une croûte basaltique primitive ?

    L'analyse de minuscules minérauxminéraux, les zirconszircons, a permis de déterminer qu'une croûte primitive existait déjà il y a plus de 4 milliards d'années. Les plus vieux fragments de croûte continentale préservés jusqu'à nos jours ne datent cependant « que » de l'Éoarchéen (4,0 à 3,6 milliards d'années). Il n'existe donc plus aucun témoin de cette toute première croûte continentale. Difficile, donc, de savoir comment elle s’est formée. Les processus tectoniques impliqués dans la formation de la croûte continentale moderne sont-ils applicables à cette période de l'aubeaube de la TerreTerre ? Rien n'est moins sûr.

    Si aujourd'hui la croûte continentale est principalement composée de roches felsiques, qui sont issues de la fusion partiellefusion partielle du manteau supérieur dans un contexte de subduction, les fragments de croûte continentale datant d'environ 4 milliards d'années présentent une composition bien différente, suggérant que le magma a été produit dans des conditions et par des processus différents. Cette croûte continentale primitive est en effet composée de tonalites et de trondhjémites. De précédentes études suggèrent que ces roches, qui présentent une très forte teneur en silicesilice, se seraient formées par la fusion partielle d'une croûte préliminaire de composition mafique (basaltiquebasaltique) épaisse de 25 à 50 kilomètres.

    La première croûte continentale avait une composition différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. © magann, Adobe Stock
    La première croûte continentale avait une composition différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. © magann, Adobe Stock

    Retrouver les conditions à l’origine d’un magma bien spécifique

    Cependant, les conditions et les moteurs de cette fusion partielle à l'origine du magma felsique restaient plutôt flous. Des chercheurs se sont donc penchés sur cette problématique en analysant finement la composition chimique de cette croûte continentale primitive. La composition chimique des roches peut en effet être considérée comme une signature, qui permet de remonter la trace des processus minéralogiques qui se sont produits au cours de leur formation. Chaque minéralminéral a en effet une composition chimique bien définie qu'il acquiert lors de sa formation, qui se fait dans une gamme de pressionpression et température donnée.

    En prenant comme point de départpoint de départ des échantillons de roches basaltiques provenant du plateau océanique d'Ontong JavaJava (dont la composition est considérée comme proche de la croûte initiale), les chercheurs ont réalisé une série d'expériences à des pressions de 1,2 à 1,4 GPa (ce qui correspond environ à 40-50 kilomètres de profondeur), dans le but de recréer un magma présentant les caractéristiques d'une croûte continentale de composition tonalite-trondhjémite.

    Une tectonique des plaques primitive il y a 4 milliards d’années

    Les résultats, publiés dans la revue Nature Geoscience, montre que les magmas sources pour une croûte tonalite-trondhjémite ne peuvent avoir été formés par simple fusion partielle à la base d'une épaisse croûte mafique, la formation de certains minéraux nécessitant des pressions plus importantes (plus de 50 kilomètres de profondeur), mais avec un gradientgradient géothermique relativement faible. Or, cet environnement géodynamique n'est satisfait que dans un contexte particulier : celui d'une zone de subduction.

    Il s'agit donc d'un résultat de plus en faveur de l'existence précoce d'un mécanisme de subduction primitif. Seul ce mécanisme, de nature tectonique donc, aurait été capable de générer le magma à l'origine des tout premiers continents.