La civilisation maya s'est effondrée rapidement, il y a environ 1.000 ans. Pourquoi ? Les archives géochimiques d'un lac au Yucatán, en plein pays Maya, gardent les traces d'une sécheresse prolongée à cette époque. C'est peut-être l'une des principales causes de cet effondrement.

La civilisation maya nous fait rêver depuis longtemps... On oublie souvent, que malgré ses aspects raffinés - les prêtres mayas étaient de bons astronomes et des mathématiciens suffisamment brillants pour avoir découvert le concept du zéro -, c'était aussi un monde très barbare avec des sacrifices humains horribles et une société finalement peu démocratique. Les Mayas n'étaient pas unis et la population était divisée en cités-États, souvent en guerre les unes avec les autres.

Reste que l'on connaît tous des noms de cités mayas comme Palenque, Chichén Itzá et que toutes sortes de légendes leur sont associées, allant de la fameuse prophétie de la fin du Monde pour 2012 à l'arrivée des fameux astronautes extraterrestres, quand ce n'est pas en relation avec le mythe de l'Atlantide ou celui du continent perdu de Mu que les fans de la série Les mystérieuses cités d'or connaissent bien.

L'architecture maya est tout aussi mystérieuse et inspirante et on aimerait bien comprendre pourquoi brutalement, vers l'an mille de notre calendrier, les cités-États ont été désertées et les constructions qu'elles abritaient ont cessé d'être entretenues ou multipliées. Plusieurs hypothèses ont été proposées sans que les débats ne permettent de trancher.


La vérité sur Palenque. Découvrez les secrets des anciens Mayas. © Musée canadien des civilisations (MusCanCiv)

Il semble cependant que l'occurrence de sécheresses vers cette période, causant l'effondrement physique et culturel du monde maya, soit une hypothèse qui prend de plus en plus de poids les années passant. Nous en avons un nouvel exemple avec une publication dans le journal Science d'un article provenant d'une équipe de chercheurs des universités de Cambridge (Royaume-Uni) et Floride (États-Unis).

Une pluviosité réduite en moyenne de 41 à 54 % en pays Maya

On peut penser en effet que des famines provenant de sécheresse et frappant à répétition sur une assez longue durée ont non seulement exacerbé les conflits entre cités-États mais aussi sapé la confiance dans les pouvoirs des prêtres et des nobles censés être capables d'intercéder avec les dieux.

Pour consolider cette hypothèse, il faut être en mesure de prouver que ces sécheresses se sont bien produites mais surtout qu'elles étaient bien suffisamment fortes pour provoquer la chute de la civilisation maya de l'époque classique terminale (800-1000 après J.-C.). Pour cela, des géochimistes se sont attaqués à la détermination des abondances de plusieurs isotopes de l'oxygène et de l'hydrogène présents dans le gypse de couches sédimentaires déposées pendant cette époque au fond du lac de Chichancanab, au Yucatán, en plein pays Maya.

Le saviez-vous ?

La civilisation maya est divisée en quatre périodes principales : la préclassique (2000 avant notre ère - 250 après Jésus-Christ), la classique (250 après J.-C. - 800 après J.-C.), la classique terminale (800 - 1000 après J.-C.) et la postclassique (1000 après J.-C. - 1539). La période classique a été marquée par la construction d'une architecture monumentale, le développement intellectuel et artistique et la croissance des grandes cités.

L'idée derrière la méthode est la suivante. En cas de sécheresse, le taux d'évaporation du lac augmente et les eaux se concentrent du fait de la diminution des apports d'eau. Les isotopes légers de l'oxygène et de l'hydrogène quittent les eaux du lac plus facilement que les isotopes plus lourds, comme l'oxygène 18 et le deutérium, de sorte que la formation du gypse (une roche évaporitique formée de sulfate dihydraté de calcium de formule CaSO·2HO) se déroule avec un enrichissement en ces isotopes.

L'étude du gypse a permis d'établir solidement que les précipitations annuelles ont diminué de 41 % à 54 %, avec des pics de réduction de 70 % pendant la période où la civilisation maya s'effondre. Voilà une base sur laquelle on va pouvoir discuter pour évaluer l'impact réel de ces sécheresses sur la population maya.


Une sécheresse a-t-elle eu raison des Mayas ?

Article de Jean-Luc Goudet publié le 05/01/2007

Selon une équipe internationale, la zone tropicale nord a connu une période de forte sécheresse entre 700 et 900 de notre ère, curieusement simultanée de la chute de deux grandes civilisations, les Mayas, au Mexique, et la dynastie Tang, en Chine.

En reconstituant 16.000 ans de moussons d'Asie et d'Australie, des chercheurs allemands, américains et chinois ont découvert trois épisodes climatiques particuliers, qui auraient provoqué une grande sécheresse au nord de l'équateur. Le dernier se serait déroulé entre 700 et 900 après Jésus-Christ et les auteurs suggèrent que cette sécheresse a contribué à la chute de deux civilisations, la dynastie chinoise Tang et les Mayas, qui, dans les deux cas, s'est produite à la fin de cette période.

Ces géologues ont étudié les sédiments du lac Huguang Maar, au sud-est de la Chine. Par l'analyse des propriétés magnétiques et la teneur en titane, les scientifiques affirment avoir reconstitué avec une haute résolution la force des vents durant les moussons d'hiver. Ce résultat est déjà en soi intéressant car, expliquent les auteurs de l'article, alors que la mousson d'été peut être lue assez facilement, notamment par des dépôts dans les grottes, celle d'hiver est difficile à retrouver.

Conclusion : les vents d'hiver se sont montrés particulièrement violents durant plusieurs périodes. La première a précédé une phase de réchauffement brutal déjà connue, dite Bølling-Allerød, survenue il y a un peu plus de 14.000 ans. La deuxième s'est déroulée durant le Dryas récent (14.000 - 9.000 avant le présent), une période de refroidissement terminée par un réchauffement très brutal. La troisième, enfin, a eu lieu au moment où Tang et Mayas voyaient leur culture décliner. Durant ces trois phases de moussons d'hiver à vent violents, les géologues notent, grâce aux stalagmites, que les pluies des moussons d'été ont au contraire été plus faibles.

Des traces dans les sédiments et dans l'histoire

Cette corrélation entre vents violents en hiver et sécheresse estivale conduit les auteurs à accuser des migrations vers le sud de la zone de convergence intertropicale, ce vaste secteur de basses pressions équatoriales, qui impose le régime des pluies dans toute la zone tropicale. Les étés seraient alors devenus très secs. Or, une telle migration a déjà été mise en évidence au Venezuela (par l'analyse des sédiments) pour la période 700 à 900 de notre ère.

La chute de la brillante société maya, survenue à partir de l'an 900, a donné lieu à bien des interprétations. À cette époque, la construction de pyramides cesse et certains sites sont abandonnés. Une partie de la population semble avoir quitté les basses terres pour gagner, au nord, la péninsule du Yucatán et, au sud, les hauteurs de l'actuel Guatemala.

Pour le spécialiste français Christian Duverger, on ne devrait même pas parler de disparition. La culture et le pouvoir maya auraient progressivement régressé face à l'influence des Toltèques, descendants des Nahuas, un peuple du plateau central du Mexique et qui a construit Teotihuacan (voir L'Histoire, numéro spécial Comment meurent les civilisations, daté de janvier 2007). Du côté des Tang, cette dynastie a subi en 751 une grave défaite militaire faces aux armées arabes et a sans doute eu du mal à s'en remettre. Peut-être faut-il éviter de chercher une explication unique...