Les mois passent et l’état de notre climat ne semble vouloir faire qu’empirer. Les dernières données publiées par une équipe d’une cinquantaine de chercheurs le confirment. Jamais le taux de réchauffement climatique anthropique n’a été aussi élevé.
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En matièrematière d'information scientifique sur le réchauffement climatique, les rapports publiés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) font autorité. Le dernier état des lieux remonte déjà à 2020 et le prochain ne sera pas publié avant 2027. Dans un monde qui change désormais rapidement, c'est insuffisant, estiment des chercheurs menés par l'université de Leeds (Royaume-Uni). Ils viennent ainsi de publier, dans la revue Earth Système Science Data, leur deuxième rapport annuel sur les indicateurs du réchauffement climatique.
L’humanité bientôt à court de budget carbone
Leurs chiffres montrent une nouvelle accélération du réchauffement anthropique. Il a atteint 1,19 °C durant la décennie 2014-2023. Sur la période 2013-2022, il n'avait été « que » de 1,14 °C. « Notre analyse montre que le niveau de réchauffement climatique provoqué par les activités humaines a continué d'augmenter au cours de l'année écoulée, même si l'action climatique a ralenti l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Les températures mondiales évoluent toujours dans la mauvaise direction et plus rapidement que jamais », commente le professeur Piers Forster qui coordonne le projet.
Autre donnée inquiétante : la réduction de notre budget carbone à peau de chagrin. En 2020, le Giec concluait que nous pourrions encore émettre quelque 500 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) avant de dépasser la barre des 1,5 °C de réchauffement. Et les émissionsémissions ont depuis continué bon train. Ainsi, notre budget carbone ne serait aujourd'hui plus que d'environ 200 milliards de tonnes de CO2. Soit peu ou prou cinq années au rythme des émissions actuelles.
Moins de soufre, plus de réchauffement climatique
Les chercheurs confirment aussi l'effet négatif sur le réchauffement des réductions continues des émissions de soufre par le secteur du transport maritime. Les scientifiques savent que le soufresoufre a tendance à rafraîchir le climat. Parce que ces aérosols réfléchissent directement la lumièrelumière du soleilsoleil vers l'espace et favorisent la formation de nuages plus réfléchissants.
S'il y a moins de soufre dans notre atmosphère, l'effet est atténuéatténué. Même si d'autres sources émettent de plus en plus d'aérosols, comme les feux de forêts, le rapport indique que la tendance à long terme pour le degré de refroidissement auquel nous pouvons nous attendre continue de diminuer.
Les chercheurs espèrent que leurs conclusions éclaireront les choix qui seront faits par les États pour fixer les nouvelles contributions déterminées au niveau national et les plans climatiques promis d'ici 2025. Le tout alors que les représentants de 198 pays sont actuellement réunis à Bonn (Allemagne) pour préparer le terrain de la 29e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques -- la COP29 -- qui se tiendra en fin d'année à Bakou (Azerbaïdjan).
“Éviter que les ravages ne deviennent la nouvelle norme”
« Les émissions de combustiblescombustibles fossilesfossiles représentent environ 70 % de toutes les émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre et sont clairement le principal moteur du changement climatique, mais d'autres sources de pollution provenant de la production de cimentciment, de l'agricultureagriculture et de la déforestationdéforestation ainsi que la réduction du niveau d'émissions de soufre contribuent également au réchauffement. Atteindre rapidement le zéro émission nette limitera le niveau de réchauffement climatique auquel nous serons confrontés. Dans le même temps, nous devons bâtir des sociétés plus résilientes. Tout cela pour éviter que les ravages provoqués par les feux de forêt, la sécheressesécheresse, les inondationsinondations et les vaguesvagues de chaleurchaleur que le monde a connus en 2023 ne deviennent la nouvelle norme », concluent les scientifiques.
Le réchauffement climatique s’accélère à un rythme sans précédent !
Depuis la publication du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), l'état de notre climat s'est encore aggravé. Des chercheurs alertent. Les décideurs vont avoir besoin de données mises à jour annuellement pour adapter leurs politiques de lutte.
Article de NATHALIE MAYERNATHALIE MAYER paru le 11/06/2023
Le travail réalisé par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) est précieux. Grâce à lui, les décideurs ont accès aux données scientifiques solidessolides dont ils ont besoin pour élaborer leurs politiques de lutte contre le changement climatique. Des données actualisées tous les cinq ou dix ans. « Ce n'est pas suffisant », alerte aujourd'hui un groupe d'une cinquantaine de scientifiques. En travaillant sur les principaux indicateurs climatiques, ils ont découvert qu'ils avaient déjà évolué depuis la publication du volet 1 du dernier rapport du Giec. Selon eux, le réchauffement climatique anthropique a continué d'augmenter, depuis, à un « rythme sans précédent ».
Alors que le rapport du Giec évoque un réchauffement de 1,07 °C pour la décennie 2010-2019 par rapport aux moyennes préindustrielles, ces nouveaux travaux concluent à une hausse de 1,14 °C pour la dernière décennie - soit 2013-2022. Les chercheurs évoquent aussi un « niveau record » d'émissions de gaz à effet de serre de 54 milliards de tonnes en moyenne au cours, toujours, de la dernière décennie - on parle cette fois de 2012-2021.
Une autre conclusion inquiétante de l'analyse, c'est que notre budget carbone s'épuise à grande vitessevitesse. En 2020, le Giec avait estimé que si nous voulions garder 50 % de chances de maintenir la hausse de la température mondiale à moins de 1,5 °C, il nous restait un maximum de 500 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) à émettre. Début 2023, ce chiffre est tombé à... 250 milliards de tonnes environ ! Un chiffre qui résulte à la fois de la poursuite de nos émissions de gaz à effet de serre à un rythme soutenu et de l'actualisation de l'état du réchauffement.
Des indicateurs plus proches de la réalité
Parmi les scientifiques impliqués dans cette étude, une figure connue, Valérie Masson-DelmotteValérie Masson-Delmotte. Celle qui a coprésidé le groupe de travail 1 du dernier rapport d'évaluation du Giec note que « cette mise à jour robuste montre l'intensification du réchauffement de notre climat induit par les activités humaines. Il s'agit d'un signal d'alarme qui intervient au moment opportun - pour le bilan mondial 2023 de l'Accord de Paris - pour montrer que le rythme et l'ampleur de l'action climatique ne sont pas suffisants pour limiter l'escalade des risques liés au climat ».
“Un signal d’alarme au moment opportun”
Compte tenu de l'évolution très rapide de la situation, « une mise à jour annuelleannuelle des indicateurs clés du changement climatique est essentielle pour aider la communauté internationale et les pays à maintenir l'urgence de s'attaquer au problème et à prendre des décisions fondées sur des preuves scientifiques », estiment les chercheurs. C'est pourquoi ils ont mis en place une plateforme ouverte destinée à mettre à jour les informations sur les principaux indicateurs climatiques tous les ans.
« Nous devons être agiles face au changement climatique. Nous devons changer les politiques et les approches à la lumière des dernières données sur l'état du système climatique. Le temps n'est plus de notre côté. L'accès à des informations à jour est d'une importance vitale », concluent les chercheurs.