Comme si l'inflation liée à la guerre en Ukraine ne suffisait pas, un autre facteur pèse de plus en plus lourd dans la hausse des prix. La « heatflation » ! La hausse des prix a explosé après l'été caniculaire de 2022 et notre budget alimentaire va continuer à augmenter en raison de la crise grandissante liée notamment à l'eau.
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En avril, l'inflation française est de +5,9 % sur un an et les prix des productions alimentaires ont augmenté de +14,9 %. L'inflation que nous connaissons actuellement en Europe est en grande partie causée par la hausse du cours du pétrole et du gazgaz, ainsi que par un problème d'approvisionnement de certaines matièresmatières et composants. Mais ce ne sont pas les seules raisons qui font exploser le budget de notre panier de courses, les aléas climatiques entrent également en jeu. Une étude de la Banque centrale européenne explique qu'une hausse anormale des températures provoque une inflation des prix à court terme. A contrario, aucune vague de froid, aussi sévère soit-elle, n'a eu de conséquences sur le niveau des prix. Principal facteur climatique qui impacte les prix : un été très chaud. L'impact n'est pas aussi fort lorsqu'il s'agit d'un printemps, d'un hiver ou d'un automne chaud. Même en cas d'hiver anormalement chaud, l'impact sur les prix reste limité, alors que celui des étés chauds est majeur. La Banque centrale considère que les prix augmentent en moyenne de +0,38 % en cas d'été très chaud. La « Heatflation » (contraction de heat -- chaleurchaleur -- et d'inflation) n'est donc pas une légende, ni une exagération, c'est une réalité qui gouvernera de plus en plus le niveau des prix dans le futur.
Il suffit d'une seule canicule pour que les prix augmentent
Mais la hausse des prix n'est pas la même dans chaque pays : les pays en voie de développement, très ruraux, subissent une inflation plus forte que les autres. Plus l'économie du pays est dépendante de son agriculture, plus l'inflation liée au climat sera forte.
L'impact des fortes chaleurs sur l'inflation dépend principalement de deux facteurs : la saisonsaison à laquelle ces anomaliesanomalies de températures se produisent, et à quel point le pays dépend de son agriculture. L'intensité de la chaleur serait également plus impactante que la duréedurée de l'événement : une canicule extrême, même courte, a des répercussions rapides sur l'inflation.
« L'année 2022 a été la plus chaude jamais enregistrée en France et les impacts sur les rendements agricoles ont été très importants, explique Sandrine Mathy, économiste de l'environnement et directrice de recherche au CNRS. Il y a eu une baisse de -13 % en ce qui concerne le maïsmaïs (et jusqu'à -46 % en Midi-Pyrénées), -2 à -4 % pour le bléblé (et jusqu'à -20 % dans le centre-ouest). Donc les impacts ont été immédiats sur les prix du marché, notamment pour celui des baguettes. »
Une année 2022 catastrophique à l'échelle mondiale, d'où l'inflation généralisée
L'augmentation des prix dépend non seulement de la météométéo, mais aussi de l'état des stocks comme le précise la spécialiste : « si on peut se fournir à l'étranger et qu'il n'y a pas eu de caniculecanicule ailleurs, il y a des stocks et la hausse des prix a tout de même lieu, mais sur le plus long terme. S'il n'y a pas de stock ailleurs, alors l'inflation d'un produit est très rapide, à l'échelle du mois ». Et l'année 2022 a été catastrophique dans de nombreux pays européens, mais aussi ailleurs. En 2022, la Sardaigne a été touchée par sa pire invasion de criquets depuis 30 ans, détruisant plus de 60 000 hectares de cultures. En cause, les températures caniculaires et l'absence de pluie qui ont donné aux femelles les meilleures conditions pour pondre leurs œufs. La même année, la canicule historique en Inde a conduit le pays à une mesure radicale : arrêter les exportations de céréalescéréales, pour subvenir aux besoins de son propre peuple, alors même que l'Inde est le troisième producteur mondial de blé. Aux Etats-Unis, la sécheressesécheresse qui a sévi dans les grandes plaines a fait doubler le prix du blé, le faisant monter à son plus niveau depuis 2008.
Le manque d'eau va aggraver l'inflation ces prochaines années
Concrètement, qu'est-ce qui amène les prix à subir une telle hausse après un été caniculaire ? Le changement climatiquechangement climatique a des impacts multiples sur les producteurs, précise Sandrine Mathy : « il y a déjà des restrictions d'eau, le coût des matières premières augmente, et les assurances augmentent également après les catastrophes météo. Les épisodes de grêle, les tempêtestempêtes et les sécheresses se retranscrivent sur le coût des polices d'assurances, et les producteurs doivent répercuter ces frais supplémentaires sur leurs prix ». Certains essayent de s'adapter en achetant des climatiseurs pour leurs hangars, ou encore en plantant des semences plus résistantes à la sécheresse, et ces frais font encore plus gonfler les tarifs que le consommateur doit payer au final.
Concernant le futur, il est difficile de faire des prévisions fiables sur l'évolution de l'inflation car le climat subit des variations annuellesannuelles. Un été frais et humide est toujours possible malgré la tendance globale au réchauffement sur le long terme. Mais d'une manière générale, « les productions qui sont les plus dépendantes de l'eau » sont celles qui vont subir la plus forte « heatflation » ces prochaines années.