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Le mois d'octobre 2012 a été marqué par le dramatique ouragan Sandy. Le dernier rapport spécial du Giec a montré qu'il n'y avait aucune évidence d'augmentation de ces types d'événements extrêmes météo. © NOAA
Octobre 2012 restera dans les mémoires comme le mois où l'ouragan Sandy a dévasté les côtes ouest de l'Atlantique. Au même moment, de violentes intempéries sévissait en France. Le Var et le Nord-Pas-de-Calais furent inondés alors que les Isérois avaient déjà les pieds dans la neige. D'après Météo France, la pluviométrie est record par endroits. Les zones sinistrées par des pluies accrues, concernent le sud-ouest, le nord et l'extrême sud de l'est du pays. D'importantes inondations ont eu lieu en Corse, en Normandie, dans les Pays de Loire, en Poitou et en Provence-Côte d'Azur.
Que s'est-il passé en France ? Peut-on expliquer la violence de ces événements ? L'ouragan Sandy a en outre ranimé le débat autour du lien entre l'augmentation des épisodes météo violents et le réchauffement climatique. Serge Planton est le directeur de l'unité de recherche climatique au centre de recherche de Météo-France (GMGEC, Groupe de météorologie de grande échelle et climat). Également rédacteur pour le Groupe intergouvernemental d'étude du climat (Giec), il répond aux questions de Futura-Sciences.
Futura-Sciences : La France a connu un mois d'octobre particulièrement dense en événements météo violents. À la même période, le Pas-de-Calais, le Var ainsi que les Hautes-Pyrénées ont été violemment touchés. Ces événements sont-ils liés ?
Serge Planton : Effectivement, la pluviométrie du mois d'octobre est de 2 à 3 fois supérieure à la normale sur cette période du Nord-Pas-de-Calais à la Normandie, de l'Eure-et-Loir aux Pays de la Loire et au Poitou-Charentes. Les cumuls sont aussi excédentaires de plus de 80 % sur les Pyrénées occidentales, et de plus de 60 % sur le Var, en lien avec les forts épisodes pluvieux survenus dans ces régions. Toutefois, quelques régions ont été moins arrosées que la normale. Du nord de la région Midi-Pyrénées aux Alpes, les déficits atteignent 25 %, voire très localement 50 %. Cela montre la grande variabilité des cumuls de pluies même à l'échelle de la France et cela reflète la variabilité des situations météorologiques qui leur sont associées. Il n'y a pas de lien direct entre les fortes pluies du nord-ouest du pays qui sont associées à des perturbations venant de l'Atlantique et les pluies du Var qui sont associées à des épisodes méditerranéens fréquents en cette saison dans le sud-est de la France.
Bilan cumulé des précipitations du mois d'octobre 2012 par rapport à la normale de la période 1981-2010. L'échelle indique les précipitations cumulées supérieures à la moyenne, de 0 % (en rouge) à 500 % (en bleu). © Météo-France
Comment peut-on expliquer l’intensité de ces événements ?
Serge Planton : Ce qui caractérise les pluies de la partie nord-ouest c'est la répétition de passages perturbés au cours du mois d'octobre. Il y a eu de 18 à 23 jours de pluies dans le Nord-Pas-de-Calais qui en compte en moyenne 8 ou 10 de moins pour le mois d'octobre. Dans le Var, il s'agit d'un épisode fréquent pour le sud-est de la France en cette saison, avec un contrastecontraste entre les masses d'airmasses d'air venant du nord et les remontées d'air doux et humide de Méditerranée. Le relief de la région favorise la formation de systèmes orageux et donc les précipitationsprécipitations.
L'indice de l'oscillation nord-atlantiqueoscillation nord-atlantique (NAO) était particulièrement négatif durant cette période ; a-t-elle influencé ces événements ?
Serge Planton : Il est difficile de répondre à cette question sans une analyse détaillée, qui n'a pas été menée. L'oscillation nord-atlantique explique environ la moitié de la variabilité climatique sur l’Atlantique nord et l'Europe de l'ouest. Mais elle est associée à des phénomènes de relativement grande échelle dont la traduction à l'échelle de la France est compliquée par le fait que notre pays se situe dans une zone de transition entre les régions du nord et du sud de l'Europe, qui sont inversement affectées par cette oscillation (en particulier, pour une même phase de l'oscillation, les anomaliesanomalies de précipitations sont de signes inverses entre le nord et le sud de l'Europe).
L'épisode neigeux de la région de Grenoble est-il lié à un événement isolé ? Comment peut-on expliquer une telle chute de température aussi ponctuelle ?
Serge Planton : Le 28 octobre, des chutes de neige parfois exceptionnelles se sont produites à très basse altitude. On a ainsi relevé 25 cm de neige fraîche dans la banlieue grenobloise et près de 60 cm à Autrans (Isère). Il est associé à un refroidissement qui a concerné la majeure partie du pays à partir du 27. Il n'est pas en lui-même révélateur d'une chute ponctuelle de la température.
Serge Planton est le directeur du groupe de météorologie de grande échelle et climat (GMGEC) du centre de recherche de Météo-France. Représentant du CNRM au Giec, il a en particulier travaillé sur le chapitre « Comprendre et attribuer le changement climatique » du 4e rapport du Giec. Il est en outre sollicité pour le 5e rapport en cours d'écriture, dont la publication est prévu en juin 2013. © DMM archives
Météo-France a estimé que ce genre de tempêtetempête se produit en moyenne 3 fois tous les 10 ans. À quoi doit-on cette oscillation ? Pourquoi cette année ?
Serge Planton : C'est un phénomène de variabilité météorologique qu'on ne peut pas qualifier d'oscillation. Ce type d'événement n'est pas prévisible en pratique au-delà de quelques jours et, en théorie au-delà de quelques semaines (le fameux « effet papillon »). Il n'y a donc aucune raison de penser qu'il devait se produire cette année plutôt qu'une autre.
Au même moment, de l'autre côté de l'Atlantique, l'ouragan Sandy touchait la côte est des États-Unis : la concomitance temporelle est-elle un pur hasard ?
Serge Planton : Oui, c'est un pur hasard.
Il semblerait que sur ces 60 dernières années, la tendance du nombre de cyclonescyclones ne soit pas à la hausse, mais que l'intensité et la duréedurée des événements soient plus importantes : qu'en pensez-vous ?
Serge Planton : Les nouvelles conclusions du GiecGiec concernant les cyclones ont été publiées l'année dernière dans un rapport spécial sur les événements extrêmes. On peut y lire que la confiance est faible concernant une éventuelle tendance à l'accroissement de l'activité (intensité, fréquence et durée) des cyclones sur des périodes de 40 ans ou plus, cela principalement en raison de l'évolution des modes d'observations.
Peut-on relier les événements extrêmes que la France a connus en octobre 2012 au changement climatique ?
Serge Planton : Non, il n'est pas possible de faire un lien direct entre des événements particuliers et le changement climatiquechangement climatique. En revanche, un nombre très limité d'études ont permis de faire un lien entre le changement climatique et le changement du risque d'occurrence de certains événements exceptionnels. Cela concerne la canicule de 2003 et les inondations du Pays de GallesGalles au cours de l'automneautomne 2000. Ce type d'étude est beaucoup trop difficile à mener de manière systématique pour chaque événement extrême. Certaines études ont aussi permis de conclure qu'il est possible de détecter l'empreinte des activités humaines dans les changements observés de l'intensité des pluies annuellesannuelles les plus fortes sur les continents de l'hémisphère nordhémisphère nord. Mais cela concerne dans ce cas des statistiques sur les événements des dernières décennies et pas des événements particuliers.