Alors que les pompiers semblent enfin commencer à prendre le dessus sur les incendies qui ravagent l’Australie, l’heure est aux premiers bilans. Des problèmes de santé aux risques pour la biodiversité, les conséquences seront, à n’en pas douter, nombreuses et pour certaines au moins, dramatiques.

Un défaut d'entretien des forêts. Le réchauffement climatique et les sécheresses et les températures record qui l'accompagnent. Des pyromanes par dizaines. Des espèces végétales invasives qui augmentent la combustibilité de la brousse. Plusieurs causes -- plus ou moins vérifiées -- ont été avancées pour expliquer l'ampleur des incendies qui ravagent l’Australie depuis plusieurs mois maintenant. Tout aussi intéressante est la question des conséquences à attendre.

D'abord celle-ci, qui semblera, à la vue des suivantes, quelque peu anecdotique, mais qui mérite d'être mentionnée pour planter le décor. Au premier tour de qualification du célèbre Open d'Australie -- un tournoi majeur de tennis qui se joue chaque année à Melbourne --, une joueuse slovène, Dalila Jakupovic a été contrainte à l'abandon, victime de quintes de toux.

Un niveau de pollution de l’air « dangereux »

D'autres joueurs ont avoué craindre pour leur santé à l'idée d'avoir à évoluer dans le brouillard de pollution généré par les fumées des feux de brousse. Les autorités ont d'ailleurs reconnu que la pollution de l'air avait atteint un niveau « dangereux ». Car ce mardi, une pollution jusqu'à 20 fois supérieures au niveau de sécurité a été enregistrée à Melbourne. La population a été appelée à rester à l'intérieur et à protéger ses animaux de compagnie.

Des effets sur la santé des pollutions

Les pompiers sont parmi les premiers exposés aux risques sanitaires associés aux feux de forêt en Australie. © VAKSMANV, Adobe Stock
Les pompiers sont parmi les premiers exposés aux risques sanitaires associés aux feux de forêt en Australie. © VAKSMANV, Adobe Stock

Dimanche dernier, Canberra, la capitale du pays, avait décroché le titre peu envié de ville la plus polluée du monde. Et dans certaines villes, les taux de particules fines dans l'air explosent littéralement, dépassant de plus de 10 fois les valeurs recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Avec des conséquences sur la santé des populations qui pourraient être dramatiques. Car les particules contenues dans les fumées peuvent avoir un impact mesurable à des centaines de kilomètres des feux.

Il y a, bien sûr, les risques d'asphyxie pour ceux qui respirent ces fumées trop longtemps. Mais même quelques minutes d'exposition peuvent suffire à entraîner des difficultés à respirer, des irritations des voies respiratoires ou encore des crises d'asthme. À long terme, certains craignent que ces expositions aux particules fines puissent être à l'origine d'une hausse du nombre de cancers ou de maladies cardio-vasculaires. Même si les particules issues de feux de forêt ne sont pas réputées les plus nocives.

Des émissions massives de CO2

Le 2 janvier 2020, le service de surveillance de l’atmosphère Copernicus a enregistré les niveaux de monoxyde de carbone les plus élevés du monde au-dessus de l’océan pacifique, du monoxyde de carbone venant des incendies en Australie. Et même si les émissions de CO<sub>2</sub> ne sont pas particulièrement élevées cette année pour l’Australie — schéma de gauche —, celles de la Nouvelle-Galles-du-Sud sont bien supérieures à la moyenne de 2003-2018 — schéma de droite. © Copernicus
Le 2 janvier 2020, le service de surveillance de l’atmosphère Copernicus a enregistré les niveaux de monoxyde de carbone les plus élevés du monde au-dessus de l’océan pacifique, du monoxyde de carbone venant des incendies en Australie. Et même si les émissions de CO2 ne sont pas particulièrement élevées cette année pour l’Australie — schéma de gauche —, celles de la Nouvelle-Galles-du-Sud sont bien supérieures à la moyenne de 2003-2018 — schéma de droite. © Copernicus

En lien direct avec la question de la pollution atmosphérique provoquée par ces feux : celle du CO2 émis dans l’atmosphère. Sur LinkedIn, Jean-Marc Jancovici, ancien consultant notamment de l'Ademe et de la fondation Nicolas Hulot, propose un rapide calcul. La végétation d'un hectare de forêt représente entre 40 et 100 tonnes de carbone -- sans compter celui contenu dans les sols. Si un incendie brûle la moitié de ce carbone, ce sont 20 à 50 tonnes de carbone qui sont transformées en CO2 pour chaque hectare brûlé. En prenant une moyenne de 30 t/ha pour 6 millions d'hectares brûlés, il arrive au chiffre de 180 millions de tonnes de carbone, soit 650 millions de tonnes de CO2. « C'est... 1,5 fois les émissions annuelles de l'Australie dues à la consommation de combustibles fossiles », souligne-t-il.

Le service de surveillance de l'atmosphère Copernicus arrive quant à lui au chiffre de 400 millions de tonnes de CO2 émises vers l'atmosphère depuis le début des incendies en Australie. L'équivalent des émissions annuelles des 116 pays les moins pollueurs du monde. Des émissions qui, bien sûr, participent à leur tour... à l'accélération du réchauffement climatique.

La biodiversité menacée

Le koala est devenu l’emblème de la souffrance animale en Australie, mais il n’est pas le plus menacé pour les incendies qui ravagent le pays. © bennymarty, Adobe Stock
Le koala est devenu l’emblème de la souffrance animale en Australie, mais il n’est pas le plus menacé pour les incendies qui ravagent le pays. © bennymarty, Adobe Stock

Autre conséquence dramatique de ces feux d'une ampleur dépassant l'entendement : la mise en danger de la biodiversité, locale, mais aussi mondiale. Cela a été annoncé partout, plus d’un milliard d’animaux sont déjà morts dans ces incendies. Même sans doute plus d'un million de milliards -- un milliard de milliards seraient, pour certains un chiffre encore plus juste -- si l'on tient compte notamment des arthropodes, parmi lesquels les vers et les insectes. Car oui, eux aussi sont directement impactés par la catastrophe. Et leur disparition met à mal toute la chaîne alimentaire locale.

Des incendies de cette ampleur réduisent la capacité de résilience des écosystèmes.

Même si les incendies sont des événements normaux dans la vie des écosystèmes, ils ne sont pas armés pour survivre à des feux de l'ampleur et de l'intensité de ceux que connait actuellement l'Australie. Là où de petits incendies aident même à régénérer les espèces et à favoriser la biodiversité, ceux-ci réduisent en cendre la capacité de résilience des écosystèmes touchés.

Les spécialistes estiment aujourd'hui que la nature aura besoin de beaucoup de temps pour reprendre ses droits en Australie. Ainsi, si des graines seront toujours présentes pour recoloniser le milieu, la variété des espèces qui pousseront sera forcément limitée. Et pour que d'autres espèces soient apportées par les vents ou par des animaux, il faudra plusieurs décennies.

Quant aux espèces endémiques, elles risquent tout simplement de disparaître de la surface de la Terre dans ces flammes. Qu'il s'agisse d'animaux ou de végétaux. Or l'Australie, du fait de son isolement, porte une biodiversité unique.

Avec la menace qui plane, du fait du réchauffement climatique, d'une multiplication à l'avenir de ce type de phénomène, les experts s'inquiètent des capacités de la nature à retrouver ce qu'ils appellent son état de référence. Les régions fréquemment incendiées affichent en effet une nette tendance à la désertification. La dégradation de l’écosystème peut s'avérer irréversible.

Les réserves d’eau potable en danger

Les débris et les cendres des feux de brousse qui tomberont dans l’océan pourraient se révéler toxiques pour les animaux qui y vivent, des poissons aux moules en passant par les coraux. © ead72, Adobe Stock
Les débris et les cendres des feux de brousse qui tomberont dans l’océan pourraient se révéler toxiques pour les animaux qui y vivent, des poissons aux moules en passant par les coraux. © ead72, Adobe Stock

Et parmi les conséquences indirectes des incendies qui menacent à la fois les hommes et les animaux, il y a la pollution des eaux. Les vents ont déjà porté jusqu'aux plages, aux lacs et aux rivières, des débris carbonisés en tous genres. Mais les scientifiques craignent que la situation ne devienne encore plus préoccupante lorsque la pluie se mettra à tomber. Calmant les feux, mais charriant encore plus de pollutions vers les cours d'eau. Les écosystèmes côtiers pourraient être durement impactés.

Ainsi que les réserves d’eau potable. La prolifération d'algues attendue par les experts pourrait donner un goût désagréable aux eaux de robinet. Et dans des cas tout de même plus rares, des cyanotoxines dangereuses pourraient apparaître. Un suivi des réservoirs devra être mis en place. D'autant que les stations de traitement ne sont pas préparées à un tel afflux d'algues et de cendres. Cela pourrait les ralentir. Avec la sécheresse que connait en parallèle l'Australie, les pénuries pourraient menacer.

Des impacts à des milliers de kilomètres

Pour finir sur une note visuelle, celle de ces glaciers de Nouvelle-Zélande qui, à plusieurs milliers de kilomètres de l'Australie, se sont, en ce début d'année 2020, teintés d'ocre. Mais ce n'est pas tant cette surprenante couleur qui inquiète les chercheurs. Mais le fait que le phénomène puisse être à l'origine d'une accélération de la fonte de ces glaciers. De 20 à 30 % cette saison. En passant du blanc à l'ocre, en effet, ils perdent de leur capacité à réfléchir l'énergie solaire. Encore une manière pour les feux australiens... d'accélérer le réchauffement climatique !