La Turquie fait face à un phénomène alarmant : des effondrements de sols massifs causés par l'agriculture intensive. Ces cratères, appelés dolines, se multiplient à un rythme effréné, menaçant les infrastructures et les populations locales. Que se cache-t-il derrière ce désastre écologique qui transforme le paysage anatolien ?
 


au sommaire


    L'Anatolie centrale, grenier à blé de la Turquie, est confrontée à un défi environnemental majeur. Des trous béants, appelés dolines, apparaissent de plus en plus fréquemment dans les champs de la région de Konya Karapınar. Ce phénomène, autrefois naturel, s'est amplifié de manière spectaculaire ces dernières années en raison des pratiques agricoles intensives. Les conséquences de cette situation sont multiples et préoccupantes, tant pour l'environnement que pour les populations locales.

    La multiplication alarmante des dolines

    Les dolines, ces effondrementseffondrements de terrain circulaires, ont connu une augmentation exponentielle en Anatolie centrale. Selon le Centre de recherche sur les dolines de l'université technique de Konya, leur nombre est passé de 299 en 2017 à 2 550 en 2021. Cette progression fulgurante s'explique par l'intensification des pratiques agricoles dans la région.

    Le professeur Fetullah Arik, directeur du département d'ingénierie géologique de l'université de Konya, souligne l'ampleur du problème :

    • baisse annuelle du niveau des nappes phréatiques de 1 à 2 mètres après les années 2000 ;
    • chute de plus de 20 mètres par an dans certains puits d'observation ces dernières années.

    Ces chiffres alarmants témoignent de l'épuisement rapide des ressources en eau souterraine, principal facteur de formation des dolines.

    L'agriculture intensive, principale responsable

    La transition vers une agriculture intensive dans les années 1960 a profondément modifié le paysage agricole de la région. Les agriculteurs ont commencé à creuser des puits toujours plus profonds pour irriguer leurs cultures. À Konya Karapınar, près de 90 % de l'eau est utilisée à des fins agricoles, dont la moitié provient des nappes souterraines.

    Les cultures les plus gourmandes en eau sont :

    Culture

    Besoins en eau

    Betterave à sucresucre

    Élevés

    MaïsMaïs

    Très élevés

    Luzerne

    Modérés à élevés

    TournesolTournesol

    Modérés

    Le déficit de précipitations ces dernières années a également contraint les agriculteurs à irriguer des cultures traditionnellement pluviales comme le blé et l'orge, accentuant la pressionpression sur les ressources hydriques souterraines.

    Un cercle vicieux : puits illégaux et surexploitation

    Face à la demande croissante en eau, le nombre de puits forés illégalement a explosé. Alors que 35 000 puits sont officiellement autorisés dans la région de Konya Karapınar, les estimations suggèrent l'existence de plus de 100 000 puits illégaux. Cette surexploitation incontrôlée des nappes phréatiquesnappes phréatiques accélère le processus de formation des dolines.

    Les conséquences de cette situation sont multiples :

    • Dommages aux habitations et infrastructures.
    • Détérioration des routes, lignes électriques et canalisationscanalisations.
    • Risques pour la sécurité des habitants.
    • Déplacements forcés de populations.

    Le cas d'une famille contrainte de déménager suite à l'apparition d'une doline près de sa maison à Konya Karapınar illustre la gravitégravité de la situation.

    Un phénomène qui dépasse les frontières turques

    Bien que particulièrement marqué en Turquie, ce phénomène d'effondrement des sols lié à l'exploitation intensive des ressources souterraines n'est pas isolé. Des cas similaires ont été observés en Australie, en Israël et aux États-Unis, notamment en Floride. Ces exemples soulignent l'urgence d'une prise de conscience globale sur l'utilisation durable des ressources en eau.

    Face à cette crise environnementale majeure, il est impératif de repenser nos modèles agricoles et notre gestion de l'eau. La préservation des nappes phréatiques et l'adoption de pratiques agricoles durables sont essentielles pour éviter que d'autres régions ne connaissent le même sort que l'Anatolie centrale.