Des scientifiques du monde entier réunis sous la houlette de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le « Giec de la biodiversité », nous préviennent. Nous devons tenir compte des interconnexions étroites entre biodiversité, eau, alimentation, santé et changement climatique. Sans quoi, nous courons à la catastrophe.


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    Le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, l'insécurité alimentaire et hydrique, mais aussi les risques sanitaires. Toutes ces crises auxquelles le monde est actuellement confronté sont interconnectées. Ceux qui suivent ces actualités pouvaient s'en douter. Mais la science le confirme aujourd'hui par le biais d'un rapport phare publié cette semaine par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Le résultat du travail de synthèse fastidieux réalisé sur trois ans par quelque 165 chercheurs.

    Viser une crise en particulier ne résout rien

    Ce que ce « Rapport sur les Nexus » de l'IPBES souligne, c'est que les efforts isolés mis en œuvre pour résoudre ces crises sont, au mieux, inefficaces. Au pire même, contre-productifs. Paula Harrison, la coprésidente de la session plénière qui a approuvé le texte, cite l'exemple de la schistosomiaseschistosomiase : c'est une maladie aiguë et chronique provoquée par des vers parasites qui peuvent apparaître dans l'eau. Selon l'Organisation mondiale de la SantéOrganisation mondiale de la Santé (OMS), elle fait près de 12 000 morts par an. Surtout en Afrique.

    Le saviez-vous ?

    Plus de 50 % de la population mondiale vit dans des zones qui subissent les impacts les plus importants du déclin de la biodiversité, de la disponibilité et de la qualité de l’eau et de la sécurité alimentaire, de l’augmentation des risques sanitaires et des effets négatifs du changement climatique.

    Le chiffre mérite qu'on s'y arrête. Surtout que, dans les faits, la schistosomiase (bilharziose) handicape plus qu'elle ne tue. Elle provoque des douleursdouleurs abdominales, des diarrhéesdiarrhées et l'apparition de sang dans les selles. Elle peut entraîner la stérilité ou causer l'apparition d'un cancer de la vessie. Quelque 250 millions de personnes dans le monde pourraient ainsi bénéficier d'un traitement préventif.

    « Mais, traitée uniquement comme un problème de santé - généralement par le biais de médicaments -, la maladie réapparaît souvent lorsque les personnes sont réinfectées. Un projet novateur mené dans une zone rurale du Sénégal a adopté une approche différente en réduisant la pollution de l'eau et en éliminant les plantes aquatiques envahissantes afin de réduire l'habitat des escargots qui hébergent les vers parasites porteurs de la maladie, ce qui a permis de réduire de 32 % les infections chez les enfants, d'améliorer l'accès à l'eau douce et de générer de nouveaux revenus pour les communautés locales. »

    Des moteurs cachés aux crises qui nous menacent

    Un autre message clé du rapport, c'est l'importance, dans la gestion de ces crises, de tenir compte de ce que les chercheurs appellent les « moteurs indirects ». Prenons l'exemple de la perte de biodiversité. Les scientifiques lui ont identifié quelques « moteurs directs » comme le changement d'affectation des terres et des mers, l'exploitation non durable, les espèces exotiques envahissantes et la pollution. Mais le Rapport sur les Nexus met en avant d'autres causes comme l'augmentation des déchets, la surconsommation ou encore la croissance démographique. Des « moteurs indirects » qui intensifient les moteurs directs et aggravent les impacts sur les autres crises, la sécurité alimentaire, la qualité et la disponibilité de l'eau, la santé et le bien-être tout comme la résiliencerésilience au changement climatique.

    Les chercheurs de l'IPBES soulignent que la majorité des facteurs associés à ces moteurs indirects ont augmenté depuis le début de notre siècle. Alors même que les gouvernements échouent à les prendre en compte. Parfois par simple ignorance. Mais aussi, du fait de la fragmentation des objectifs déjà évoquée plus haut.

    Selon l’IPBES, l’adoption de pratiques agricoles durables, la réduction des pertes et des déchets alimentaires, l’adoption de nouvelles sources d’alimentation humaine et animale et de régimes alimentaires sains et durables permettraient à la surface agricole actuelle de répondre aux besoins calorifiques et nutritionnels des générations futures à moyen et à long terme. © IPBES
    Selon l’IPBES, l’adoption de pratiques agricoles durables, la réduction des pertes et des déchets alimentaires, l’adoption de nouvelles sources d’alimentation humaine et animale et de régimes alimentaires sains et durables permettraient à la surface agricole actuelle de répondre aux besoins calorifiques et nutritionnels des générations futures à moyen et à long terme. © IPBES

    De nombreuses options pour une réponse globale

    Le Rapport sur les Nexus conclut que, dans un scénario de « business as usual » des facteurs directs aussi bien que des facteurs indirects, notre situation ne fera qu'empirer. De même si l'on cherche à maximiser les résultats d'une seule des crises environnementales que nous vivons. Donner une priorité à la production alimentaire aura des effets positifs sur la santé. Les effets sur la biodiversité, l'eau et le réchauffement climatique, eux, seront négatifs.

    Mais les chercheurs ont aussi identifié des scénarios qui donnent des résultats positifs de tous les points de vue. « Ceux qui présentent les avantages les plus importants sont ceux dont les actions sont axées sur la production et la consommation durablesconsommation durables, combinées à la conservation et à la restauration des écosystèmesécosystèmes, à la réduction de la pollution, à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à ce dernier », précise Paula Harrison, dans un communiqué de l’IPBES.

    Voir aussi

    Développement durable : enjeux et sensibilisation du public

    Parce que les auteurs du rapport estiment que des solutions existent - et parfois même des solutions peu coûteuses -, ils présentent aujourd'hui plus de 70 « options de réponse ». Par exemple, la restauration des écosystèmes riches en carbonecarbone - les forêts, les sols et les mangrovesmangroves. Ou la gestion de la biodiversité pour réduire le risque de propagation des maladies des animaux aux humains. Ou encore l'adoption de régimes alimentaires sains et durables.

    Toutes ces solutions mises en œuvre ensemble pourraient permettre la réalisation des 17 Objectifs de Développement DurableDéveloppement Durable à l'horizon 2030 adoptés par les Nations unies. Permettre, aussi, de réaliser des économies. « Parmi les bons exemples, on peut citer les zones marines protégées qui ont associé les communautés à la gestion et à la prise de décision », conclut Pamela McElwee, l'autre coprésidente de la session plénière de l'IPBES. « Ces zones ont permis d'accroître la biodiversité, d'augmenter l'abondance de poissonspoissons pour nourrir les populations, d'améliorer les revenus des communautés locales et, souvent, d'augmenter les revenus du tourisme ».

    Pour rappel, les chercheurs estiment que plus de 50 000 milliards de dollars, soit la moitié du produit intérieur brutproduit intérieur brut mondial, dépendent au moins modérément de la nature. Et que les coûts non comptabilisés des approches actuelles de l'activité économique - reflétant les impacts sur la biodiversité, l'eau, la production alimentaire, la santé et le changement climatique - s'élèvent ainsi au moins à 10 000 à 25 000 milliards de dollars par an !