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Les mêmes images reviennent à chaque marée noire : des plaques de pétrolepétrole se déversent sur des régions côtières, engluant au passage de nombreux organismes marins ou littoraux. L'environnement en est certes la première victime mais, dans bien des cas, l'économie aussi peut s'en trouver touchée, notamment au travers du tourisme. Comment imaginer profiter d'une plage couverte de boulettes goudronneuses à l'odeur nauséabonde ? Une solution existe : les agents dispersants, ces produits tensioactifstensioactifs qui accélèrent la dissolution naturelle du pétrole en mer, avant son arrivée sur les côtes.
Malheureusement, ces substances sont de plus en plus décriées. Elles ne seraient pas sans impact pour la faune marine, celle qui vit sous la surface des mers et océans du globe. Cependant, les preuves restent peu nombreuses. Le 6 juillet dernier, un nouvel élément à charge a été livré par Guy Claireaux de l'université de Brest, durant la rencontre annuelle de la Société de biologie expérimentale (SEB) qui se tenait à ValenceValence (Espagne).
Pour mener leurs tests à bien, les chercheurs ont choisi un sujet d'expérience présent en nombre dans les eaux côtières de la métropole : le bar (Dicentrarchus labrax). Pour débuter, 30 poissons non exposés à un dispersant ont subi toute une série de tests physiquesphysiques dans un couloir de nage. Le but de ces opérations : caractériser la vitessevitesse maximale des barsbars, leur tolérance à l'hypoxiehypoxie et leur sensibilité thermique. Ce dernier point permet d'estimer l'adaptabilité des poissons face à divers changements environnementaux (réchauffement climatique, etc.). Certains bars ont ensuite été contaminés, avant de voir leurs paramètres physiologiques diminués.
Les bars (Dicentrarchus labrax) vivent en banc, et atteignent habituellement 40 à 70 cm de long à l'âge adulte. Cette espèce est élevée en aquaculture. © bathyporeia, Flickr, cc by nc sa 2.0
Tolérance moindre des bars à l’hypoxie et aux hautes températures
Après les tests initiaux, les poissons ont été divisés en quatre groupes, puis respectivement exposés durant 48 heures à du pétrole brut, à un mélange d'hydrocarbures et de dispersant, à un tensioactif pur, et enfin à de l'eau fraîche (cas témoin). Six semaines plus tard, ils ont à nouveau subi les différents tests de nage. Globalement, aucun changement significatif n'a été observé chez les bars témoins ou exposés au dispersant seul. Mais la situation est tout autre pour les deux cas restants.
Les poissons ayant été au contact du pétrole ont vu leur taux de croissance diminuer, comme leur vitesse maximale de nage et leur tolérance à l'hypoxie et aux températures élevées. Ces résultats démontrent une perte dans leurs capacités d’adaptation, aggravée chez les poissons exposés au mélange pétrole-dispersant.
Ainsi, le choix d'utiliser ou non des agents dispersants en cas de marée noire devra à l'avenir tenir compte des avantages économiques et environnementaux qu'ils procurent sur les côtes, mais aussi des perturbations qu'ils occasionnent dans la colonne d'eau. Il faudra donc trouver un juste équilibre. Rappelons que des tests ont déjà été menés en 2012 sur des rotifères (des petits organismes planctoniques). Ils avaient conclu que le mélange pétrole-dispersant était 52 fois plus toxique que l'hydrocarburehydrocarbure seul.