Contrairement à une idée largement répandue, le bœuf nourrit à l'herbe des pâturages a un impact carbone plus élevé que son homologue nourri aux céréales... à condition de prendre en compte le coût d'opportunité du carbone.
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Au-delà des considérations éthiques qui se suffisent à elles-mêmes pour rendre problématique notre consommation de viande, l'impact écologique de notre appétence pour les animaux est colossal. Certains trouvent alors des stratégies cognitives pour concilier plaisirs de la chair, geste écologique et souffrance animale.
Par exemple, une croyance largement répandue consiste à dire que la production de bovins nourris à l'herbe des pâturages émettra moins de gaz à effet de serre que leurs homologues nourris aux céréales. Outre les aspects concernant le bien-être animal qui est sacrifié dans tous les cas et la composition nutritionnelle qui varie selon le mode d'alimentation, cette croyance est fausse selon une récente étude publiée dans la revue Public Library Of Science.
Quelques rappels et résultats antérieurs concernant les élevages
Les élevages aux pâturages sont les systèmes agricoles les plus représentés dans le monde avec 33 % de la production de bœuf globale, tandis que les bovins nourris aux céréales représentent 15 % de cette production. Nous savions déjà que les élevages aux pâturages avaient des émissionsémissions moyennes plus élevées pour la même production de bœuf. En effet, les bovins nourris aux céréales ont un taux de croissance plus élevé, ce qui permet une économie d'énergieénergie car l'animal est prêt plus rapidement pour la consommation.
Néanmoins, il y a d'autres caractéristiques qui ne sont pas prises en compte dans les études qui tentent d'évaluer l'empreinte carbonecarbone globale de ces différents modes de production. Les auteurs de l'étude soulignent que nous savons que les élevages aux pâturages utilisent plus de terres et que cela peut impacter le taux de carbone par deux mécanismes : la plus grande séquestration du carbone dans les sols mais aussi le déplacement des écosystèmesécosystèmes du sol rendant les terres peu propices à la restauration. Partant de là, ils suggèrent que l'impact carbone des élevages aux pâturages pourrait être bien plus élevé que nous le pensons.
L'importance de prendre en compte le coût d'opportunité du carbone
Ces chercheurs américains sont les premiers à proposer un bilan carbone mondial des élevages nourris aux pâturages comparé aux élevages nourris aux céréales en prenant en compte le coût d'opportunité du carbone qui représente le stockage potentiel du carbone qui pourrait se produire sur les terres si elles n'étaient pas utilisées pour la production. À l'aide de leurs calculs et de leurs modèles, ils démontrent que les élevages en pâturage émettent 20 % de carbone en plus et ont une empreinte carbone supérieure de 42 % comparé aux systèmes céréaliers. Selon les auteurs, ces différences sont largement médiées par le coût d'opportunité du carbone qui est très important dans les élevages en pâturage.
Vers un monde sans viande ?
Pour l'environnement, la consommation de viande est catastrophique comme le soulignent de façon répétée les rapports du GIEC et ce, quelle que soit sa provenance. Le but de cet article n'est pas finalement de vous encourager à consommer de nouveau des bovins nourris aux céréales. Au contraire, il a plutôt vocation à interroger notre consommation effrénée de produits carnés ainsi que le techno-solutionnisme.
Faut-il vraiment miser sur des solutions techniques pour limiter l'impact carbone des systèmes d'élevage des bovins ou bien choisir une solution infiniment plus simple d'un point de vue technique mais bien plus complexe d'un point de vue cognitif et culturel ? Les solutions techniques ne font que repousser le problème d'une société consommant sans cesse plus de ressources. Pour prendre au sérieux l'urgence climatique et la sentience des milliards de milliards d'animaux que nous tuons chaque année, il serait plus que bienvenue de se diriger vers un monde sans viande.