5,5 milliards de tonnes de CO2, l’équivalent des émissions annuelles des États-Unis ! Les scientifiques ont identifié un écart colossal entre les émissions déclarées par chaque État et celles calculées par les modèles indépendants. Une différence de méthodologie dans laquelle pourraient s’engouffrer certains pays pour amoindrir leurs efforts.
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C'est un trou béant de 5,5 milliards de tonnes de CO2 par an, l'équivalent des émissionsémissions annuelles des États-Unis : l'écart entre les émissions de CO2 rapportées par chaque État et celles calculées par le modèle international entretient un flou qui pourrait faire capoter l'objectif mondial de réduction de gaz à effet de serre. Il ne s'agit pourtant ici nullement de tricherie ou d'une volonté délibérée d'un pays pour masquer ses émissions. Cet écart géant est en réalité dû à une faille méthodologique.
“C'est comme si certains modèles donnaient des informations en miles et d’autres en kilomètres”
Il existe en effet de nombreux modèles permettant d'évaluer les émissions de CO2. D'un côté, les pays rapportent les émissions anthropiques de CO2 sous forme d'objectifs périodiquement soumis à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiqueschangements climatiques (CCNUCC). De l'autre côté, les flux anthropiques de CO2 évalués par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) proviennent de modèles à l'échelle mondiale (Integrated Assessment Models ou IAMIAM). Or, ces modèles n'ont pas tout à fait la même façon de comptabiliser les émissions et d'en extraire un résultat net. « C'est comme si certains modèles donnaient des informations en miles et d'autres en kilomètres », illustre Giacomo Grassi, expert forestier à la Commission européenne et auteur principal d'une étude sur ce sujet parue dans Nature Climate Change.
Les puits de carbone au cœur du débat
Les raisons de ce gigantesque hiatus sont très techniques mais reposent en majeure partie sur la façon de comptabiliser les puits de carbone, et notamment la quantité de CO2 absorbée par les forêts. Les pays possédant de grandes forêts peuvent déduire de leurs émissions le CO2 capté par les arbres. Les États-Unis, par exemple, déclarent 6,6 milliards de tonnes d'émissions d'équivalent CO2 pour 2019 (dernière année de déclaration), provenant de la combustioncombustion de combustiblescombustibles fossiles, de l'activité agricole humaine et d'autres sources anthropiques. Mais ils soustraient ensuite 789 millions de tonnes pour tenir compte du rôle des sols. En fin de compte, le résultat net des émissions déclarées à la communauté internationale est d'environ 5,8 milliards de tonnes, soit une économie de 12 %.
Un écart de 3 milliards d'hectares de terres forestières
Mais attention : pour retirer les émissions de CO2 des forêts, il faut que cela corresponde à une action volontaire des pays, par exemple, l'arrêt de la déforestationdéforestation, la replantation d'arbres ou la restauration de forêts dégradées. Or, il est très difficile de déterminer exactement ce qu'est une terreterre « gérée ». Les estimations nationales ont une façon plus souple de considérer ces puits de carbonepuits de carbone et comptent ainsi environ 3 milliards d'hectares de terres forestières aménagées de plus dans le monde qu'avec les modèles indépendants. Par conséquent, ce système risque de favoriser les pays ayant naturellement de grandes forêts, comme la Russie ou le Brésil, et de ne pas les inciter à poursuivre des efforts pour réduire réellement leurs émissions.
Casse-tête diplomatique
« Cette lacune représente un obstacle majeur à l'utilisation des IAM pour fixer des objectifs d'émission adéquats dans le contexte de l'Accord de Paris », mettent en garde les auteurs de l'étude qui proposent une méthode « d'ajustement » pour harmoniser tout ça. L'impact sera nul au niveau mondial mais la nouvelle comptabilité risque de faire des gagnants et des perdants. Un futur casse-tête diplomatique en vue au menu du prochain sommet pour le climat qui se tiendra à Glasgow (Écosse) en novembre 2021.