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Ce jeu de rôle d'un genre particulier fait partie d'une boîte pédagogique distribuée depuis la rentrée dernière par la Commission nationale allemande pour l'UNESCO à près de 300 établissements allemands membres du RéSEAU des écoles associées, de la maternelle au collège. L'idée consiste à sensibiliser les jeunes au développement durable, en partant de leur environnement quotidien. Une telle démarche fait presque figure d'exception tant le développement durable peine à se faire une place dans les programmes scolaires.
Pourtant, depuis son apparition en 1987, l'idée a fait son chemin. La vogue du commerce équitable, des aliments biologiques ou les placements éthiques en témoigne. Plus significative encore : la remise du Prix Nobel 2004 à la militante écologiste kenyane Wangari Maathai « pour sa contribution au développement durable ».
Destiné à répondre « aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins », selon la définition de la Commission des Nations Unies présidée en 1987 par Gro Harlem Brundtland, le développement durable prône une prise en compte de l'environnement dans les politiques de développement. Il englobe aussi les dimensions économiques et sociales, comme cela a été rappelé lors du Sommet de Johannesburg en 2002, mais aussi culturelles. De fait, la prévention des catastrophes naturelles, la lutte contre le VIHVIH/sidasida, la gestion de l'eau ou encore la réduction de la pauvreté relèvent de ce concept.
« À la différence de l'éducation à l'environnement, qui vise la préservation des ressources naturelles, le développement durable est centré sur l'homme »,précise Claude Villeneuve, directeur de la chaire en écoconseil à l'université du Québec à Chicoutimi (Canada). Et c'est bien l'homme, invité à changer ses comportements, qui est au cœur de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation en vue du développement durable (2005-2014). Parmi les premières à avoir engagé une réflexion sur les relations entre l'homme et son environnement, en lançant notamment dès 1972 le Programme sur l'homme et la biosphère (Man and the Biosphere, MABMAB), l'UNESCO est chargée de la promotion de cette initiative.
Des paroles aux actes
Le défi est de taille. La destruction des écosystèmesécosystèmes et l'épuisement des ressources menacent le bien-être de l'homme à moyen terme. Un exemple : la quantité d'eau disponible par habitant est passée de 12 900 m3 en 1970 à moins de 7 000 m3 aujourd'hui et elle devrait descendre à 5 100 m3 en 2025. Autre indicateur inquiétant : dix-sept des plus grandes zones mondiales de pêchepêche ont atteint ou dépassé leurs limites naturelles (Source : FAOFAO). Et ce sont d'abord les pays en développement qui font les frais de cette dégradation ; les pauvres des zones rurales ayant « tendance à être plus directement dépendants des services d'origine écosystèmique », comme le relève le rapport sur « L'évaluation des écosystèmes pour le Millénaire ».
Mais savoir que la planète est menacée ne suffit pas à infléchir les attitudes au quotidien. Encore faut-il en prendre acte. « La plupart des recherches conduites sur les habitudes des consommateurs montrent que la relation entre la prise de conscience et l'action est faible. En général, les gens sont d'accords avec l'idée qu'il faut économiser l'énergieénergie. Mais la plupart ne le font pas »,
déplore Clayton White, qui enseigne l'éducation au développement durable à l'Université pour la Paix de Costa Rica. Les études réalisées dans les pays industrialisés montrent en effet que 5 % seulement des consommateurs ont adopté un mode de vie compatible avec le développement durable.
Les injonctions pour qu'ils adoptent une attitude plus responsable ne sont guère plus entendues. « Les messages des gouvernements, exhortant les gens à moins utiliser leurs voituresvoitures ou à éviter d'acheter des produits qui causent de lourds dommages à l'environnement, ne marchent pas. Culpabiliser les consommateurs sur leur façon de vivre, sur leurs habitudes d'achat, ne rencontre qu'un succès limité »,
déclarait en 2003 Klaus Toepfer, directeur du Programme des Nations Unies pour l'environnementProgramme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE).
Dans ce contexte, l'éducation a un rôle clé à jouer. Mais ayant à voir aussi bien avec nos modes de production, de transports, d'alimentation ou de constructionconstruction, le développement durable ne peut être enseigné comme une autre matièrematière, au même titre que la biologie ou l'algèbre. « Il s'agit moins d'un corpus théorique que de l'exploration concrète de certaines questions. L'éducation au développement durable doit être proche de celui à qui on s'adresse et en phase avec la vraie vie »,
précise Stephen Sterling, consultant indépendant britannique en éducation à l'environnement et au développement durable. « Il est important de partir du quotidien des gens pour que la question devienne pertinente à leurs yeuxyeux. Ensuite, on peut élargir la perspective »,
ajoute Clayton White.
Il s'agit donc moins de faire sien un concept abstrait que de cultiver une forme de citoyenneté appliquée à nos gestes quotidiens. Chacun peut en faire l'expérience, en préférant par exemple les produits de saisonsaison. Une fraisefraise importée par avion et achetée en France en mars consomme en effet 24 fois plus d'énergie que le même fruit acheté en juin et cultivé localement. Savoir que la consommation annuelleannuelle de papier dans les bureaux est de 75 kgkg par personne, soit l'équivalent d'un arbrearbre, peut aussi inciter à être plus économe.
Ainsi, plutôt que de délivrer un cours théorique sur le recyclagerecyclage des déchetsdéchets, Claude Villeneuve a incité ses étudiants de l'université de Québec à Chicoutimi (Canada) à étudier de manière très concrète la manière dont cet établissement gérait ses ordures. Premier constat : l'université ne triait que le papier et la quantité de déchets nécessitait la venue quotidienne d'un camion poubelle. Coût annuel de l'opération : 45 000 dollars. « Partant de là, nous avons trouvé des filières pour recycler les vieux ordinateursordinateurs, le plastiqueplastique, le métalmétal et nous avons fait appel à une société qui traite les déchets organiques et qui vient les récupérer sans frais »,
explique Claude Villeneuve. Et certains des matériaux recyclés, comme le boisbois, sont désormais traités par des sociétés employant des travailleurs socialement fragilisés. Résultat, la quantité de déchets a été réduite considérablement et le coût de traitement a baissé de 80 %. Tout le monde y a gagné.
« Le développement durable commence à sa porteporte. Il suffit de prendre conscience que chacun de ses actes compte »,insiste Claude Villeneuve. Reste ensuite aux autres acteurs de la société à prendre le relais.
« Changer les attitudes est important et l'éducation peut y aider, précise Clayton White, mais nous devons aussi créer les institutions sociales, économiques et politiques qui permettent d'inscrire le développement durable dans les faits ».