Les cultures de légumineuses, comme le soja, ne reçoivent pas d’engrais azotés. Elles émettent donc peu de protoxyde d’azote (N2O), un puissant gaz à effet de serre. C’est du moins ce qui était admis jusqu’ici. Des chercheurs montrent aujourd’hui que c’est faux.


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    Ces dernières décennies, notre consommation de soja a littéralement explosé. Nous ne sommes pourtant pas tous devenus végétariens. À manger du sojasoja, matin, midi et soir. Et heureusement. Parce que les scientifiques estiment qu'une consommation exagérée de soja peut avoir des effets non souhaités sur notre santé. L'aggravation d'une hypothyroïdiehypothyroïdie, par exemple. Ou l'inactivation de certains traitements.

    Mais non. Si la consommation de soja a ainsi augmenté, c'est essentiellement parce que plus des trois quarts de la production mondiale sont destinés à nourrir les animaux d’élevage. Des bœufs aux poulets en passant même par les poissons. Comme nous mangeons de plus en plus de ces produits, nos agriculteurs ont besoin de plus en plus de soja. Ainsi, entre 2000 et 2020, la surface réservée à la culture du soja a tout simplement doublé.

    Pas d’engrais, mais de fortes émissions de protoxyde d’azote

    Alors, la question qu'il est peut-être grand temps de se poser aujourd'hui, c'est celle de l'impact sur l'environnement de la culture du soja. « Longtemps, nous avons supposé que les légumineuseslégumineuses, comme le soja, n'avaient pas une grande empreinte carbonecarbone », raconte Michael Castellano, professeur d'agronomie à l'université d'État de l'Iowa (États-Unis), dans un communiqué. Notamment parce que la plupart des champs ne sont pas traités à l'azoteazote. Résultat donc, pas d'émissionsémissions de protoxyde d'azoteprotoxyde d'azote (N2O). Et c'est intéressant parce que le protoxyde d'azote est à la fois le premier destructeur de la couche d’ozone et un gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant 300 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2). Les Nations unies préviennent déjà que nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs de limitation du réchauffement climatique anthropique sans une réduction de nos émissions de N2O.

    Malheureusement, notent aujourd'hui des chercheurs de l'université d'État de l'Iowa, les choses ne sont pas si simples. « Les processus naturels du sol qui produisent le protoxyde d'azote ne s'arrêtent pas seulement parce que vous n'appliquez pas d'engrais. » Ils en veulent pour preuve, l'étude qu'ils ont réalisée sur des champs de l'Iowa. Sur la rotation typique de deux ans du maïsmaïs et du soja que la plupart des agriculteurs ont adopté, 40 % des émissions de N2O se produisent pendant l'année du soja.

    D’où viennent les émissions des cultures de soja ?

    Mauvaise nouvelle, concluront ceux qui savent que les émissions de protoxyde d'azote de l'agriculture sont par définition difficiles à réguler. Car ce sont des sous-produits de l'activité biologique - tout comme les émissions de méthane. La gestion des sols en est le principal responsable. Une piste, c'est tout de même de limiter l'usage des engrais. Sur l'année du maïs, notamment. Et d'autant que moins d'engrais, c'est aussi, par exemple, une qualité des eaux améliorée.

    Mais les chercheurs rappellent que les engrais ne sont pas les seuls à produire du N2O. Lorsque les microbesmicrobes décomposent la matièrematière organique du sol, une partie de l'azote produit se transforme en gazgaz. Sans plantes pour utiliser l'azote généré par la décomposition, le sol nu dégage des quantités plus élevées de protoxyde d'azote. C'est encore plus vrai au printemps, lorsque la chaleurchaleur et l'humidité favorisent l'activité microbienne.

    Des solutions pour limiter l’impact climatique du soja

    « Nous ne pouvons rien faire pour arrêter ces processus biologiques », remarque Tomas Della Chiesa, un autre auteur de l'étude publiée dans la revue Nature Sustainability. Cependant, les agriculteurs peuvent éviter de laisser des sols nus. Ainsi, les chercheurs montrent que le semis d'une culture de couverture hivernale d'avoine ou de seigle dans des champs de maïs matures couvrirait le sol de plantes pendant les mois entre les cultures. L'utilisation d'une variété de soja à croissance prolongée permettrait, elle, de planter plus tôt au printemps. Selon les modèles développés par les scientifiques, le tout réduirait les émissions annuellesannuelles du soja de 33 %. Et, cerisecerise sur le gâteau, la plantation avancée d'environ quatre semaines augmenterait les rendements de 16 %.

    Voir aussi

    Culture du soja : quel impact sur l’environnement ?

    Ces pistes d'amélioration, toutefois, ne doivent pas faire oublier que la culture du soja pose d'autres problèmes environnementaux. On l'a compris, parce qu'elle est surtout là pour alimenter des animaux dont l'élevage pèse lourd sur notre climatclimat. Une étude parue dans la revue Science en 2018 montrait ainsi, par exemple, que la production de viande de bœuf dégage 50 fois plus de gaz à effet de serregaz à effet de serre que celles de légumineuses.

    Mais, il faut le rappeler, la culture du soja est aussi l'une des grandes responsables de la déforestation. Le Brésil est l'un des principaux producteurs de soja - essentiellement OGMOGM. Et pour répondre à la demande croissante, le pays a pris l'habitude de se créer de l'espace dans la forêt - parfois au détriment aussi des populations autochtones, violemment expulsées et privées de leurs ressources naturelles. Dans la forêt amazonienne, d'abord. C'est moins le cas aujourd'hui. Selon Greenpeace, en 2007, 30 % du soja produit en Amazonie brésilienne avait contribué à la déforestationdéforestation. Le chiffre avait chuté à 1,25 % seulement dix ans plus tard grâce à un moratoiremoratoire qui excluait des circuits commerciaux, les fournisseurs qui cultivaient sur des parcelles récemment déboisées. La culture du soja reste toutefois un danger pour d'autres forêts. Dans la région et ailleurs. En Amérique du Sud, quelque 8 millions d'hectares ont été déboisés pour le soja entre 2000 et 2015.

    Et puis, les producteurs ont la fâcheuse tendance à utiliser des quantités de pesticidespesticides qui polluent les eaux, les sols et plus largement, l'environnement. Mettant la biodiversitébiodiversité encore plus en danger. Enfin, tout ce soja doit souvent parcourir des centaines ou des milliers de kilomètres pour arriver jusqu'à ses lieux de consommation. Avec toutes les émissions de gaz à effet de serre que cela suppose. Pour limiter l'impact de la culture du soja sur notre environnement - et nos sociétés -, nous devrons nous pencher sur chacune de ces problématiques.