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La Côte d'Ivoire est le pays d'Afrique de l'Ouest où la prévalence de l'infection par le VIH est la plus élevée. Jusqu'à 690 000 adultes et 80 000 enfants de moins de 15 ans y seraient infectés par le virus, avec un taux de mortalité infantile très élevé en l'absence de traitement.
Les trithérapies antirétrovirales, pourtant reconnues aujourd'hui comme des traitements efficaces et applicables aux adultes des pays en développement, restent peu accessibles aux populations des pays africains et en particulier aux enfants, du fait de l'irrégularité des approvisionnements en médicaments antirétroviraux et du coût élevé des traitements. Jusqu'alors, aucune évaluation de l'efficacité et de la faisabilité des trithérapies antirétrovirales chez les enfants n'avait été réalisée en Afrique subsaharienne.
Des chercheurs de l'IRDIRD, à la faveur d'un programme soutenu par l'Agence nationale de recherches sur le Sida et en collaboration notamment avec le service de pédiatriepédiatrie du centre hospitalier universitaire de Yopougon, dans la région d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, viennent de montrer qu'il est possible de traiter avec succès les plus jeunes avec de telles trithérapies antirétrovirales.
Entre octobre 2000 et septembre 2002, ils ont ainsi suivi et prescrit des antirétroviraux aux enfants d'une cohortecohorte ouverte observationnelle. Ces enfants, âgés de 18 mois à 18 ans et infectés par le virus, présentaient une proportion de lymphocyteslymphocytes TT CD4 inférieure à 15 %, reconnue comme un signe d'immunodépressionimmunodépression. 78 jeunes ont ainsi été traités quotidiennement et gratuitement avec deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inversetranscriptase inverse, associés soit à un inhibiteur non-nucléosidique de cette enzymeenzyme (efavirenz), soit à un inhibiteur de la protéaseinhibiteur de la protéase (nelfinavir), dans des doses adaptées à leur poids. D'autres enfants de la région d'Abidjan, infectés par le VIH et pouvant nécessiter un traitement antirétroviral ont été progressivement inclus dans l'étude. Au total, 250 enfants malades ont été pris en charge en deux ans, dont plus de la moitié ont été placés sous antirétroviraux.
Un bilan clinique et psychologique complet a été établi pour chacun des enfants suivis, aucun d'entre eux n'ayant reçu d'antirétroviraux avant leur entrée dans l'étude. Des bilans réguliers ont permis de mesurer la charge viralecharge virale, le taux de lymphocytes T CD4 circulants et de traiter systématiquement les éventuelles maladies opportunistes (pneumocystosepneumocystose, tuberculosetuberculose, mycobactérioses atypiques).
Au terme de deux ans de cure, la présence du virus est devenue indétectable (charge virale inférieure à 250 copies d'ARNARN viral/ml de sang) pour près de la moitié des 78 enfants pris en compte dans l'analyse. De plus, alors qu'aucun écart majeur n'est observé dans l'évolution de la maladie entre les différentes tranches d'âge, la mise sous traitement des enfants a permis de diviser par trois la fréquence d'apparition de pneumoniespneumonies ou de diarrhéesdiarrhées aiguës, principalement chez les plus jeunes (âgés de 18 mois à 6 ans et demi), qui sont aussi les plus exposés à de tels troubles. Ces résultats, qui mettent en évidence l'efficacité des trithérapies antirétrovirales chez les enfants infectés par le VIH, confirment également leur bonne observance du traitement. Cette dernière, évaluée à partir du témoignage de ces enfants et de leurs parents, se révèle en effet conforme à celle obtenue lors du traitement par trithérapies d'enfants des pays du Nord et ce, malgré le manque de formes médicamenteuses pédiatriques en Côte d'Ivoire et les ruptures d'approvisionnement en antirétroviraux.
À travers la cohorte étudiée, ces traitements seraient donc applicables avec succès chez les enfants de pays en développement. Cependant, 9 enfants parmi les 78 sous trithérapie sont décédés au cours de l'étude, dont 8 présentaient un taux de CD4 particulièrement faible (inférieur à 4 %). Les chances de survie des enfants dont le pourcentage de CD4 était supérieur à 5 % au commencement de l'étude ont également été évaluées à 98 % contre 73 % pour les enfants très immunodéprimés présentant initialement des valeurs inférieures à ce seuil. Cette grande différence de chances de survie démontre la nécessité de diagnostiquer et de prendre ces enfants en charge plus tôt dans l'évolution de la maladie, avant qu'ils n'aient une proportion de CD4 trop faible, ce qui est rarement le cas dans la plupart des pays d'Afrique.
La poursuite à plus long terme du travail de suivi entrepris avec les jeunes ivoiriens sous trithérapie devrait permettre de confirmer la bonne observance de ces traitements, mais également d'évaluer les éventuelles résistancesrésistances médicamenteuses et de comparer les deux types de trithérapie appliqués en fonction de l'âge des enfants ou de leur état immunitaire. Cependant, une plus grande régularité d'approvisionnement en antirétroviraux par le circuit officiel de délivrance de ces médicaments contribuerait également à accroître leur succès et à en améliorer l'observance.