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Les équations du modèle standard en physique des particules sont très contraintes par les symétries de la théorie de la relativité restreinte et la mécanique quantique. La théorie électrofaiblethéorie électrofaible, jointe à celle de la chromodynamique quantiquechromodynamique quantique, prise sans aucune hypothèse supplémentaire, donne des indications suggérant qu'elles doivent s'unifier en une seule théorie de type Gut à des énergiesénergies de l'ordre de 1012 TeV.
Si l'on s'en tient aux hypothèses les plus conservatrices, aucune nouvelle particule ni aucun signe d'une nouvelle physique ne devraient donc être observables avec le LHC et ses 14 TeV dans les années à venir. Pire, il n'y aurait aucun espoir de construire un accélérateur de particules pour atteindre ces énergies de grande unification des forces (sans même parler d'une unification ultime avec la gravitationgravitation à l'énergie de PlanckPlanck, environ 1016 TeV). La constructionconstruction d'un Fermitron ou de l'ILC ne servirait à rien.
La violation de l'invariance de Lorentz, clé d’une physique non standard
Toutefois, on avait de bonnes raisons de penser que précisément aux énergies du LHCLHC, et non à d'autres, la nature pouvait se révéler conforme aux exigences de la supersymétrie, ou mieux encore, des théories dans lesquelles l'énergie de Planck est seulement de l'ordre du TeV. Il semble maintenant que ce ne soit pas le cas.
Un espoir existe, bien faible il est vrai, que l'on ne soit pas condamné à ce que les physiciensphysiciens appellent depuis les années 1970 le scénario du désertdésert en physique des hautes énergies. Il faudrait par exemple que la théorie de la relativité restreinte ou la mécanique quantique montrent des limites à basses énergies. C'est pourquoi on teste depuis des années les prédictions de la théorie d'EinsteinEinstein, en particulier la robustesse d'une symétrie que l'on appelle l'invariance de Lorentz.
Pour cela, un cadre théorique appelé SME, pour Standard-Model Extension, a été construit. Il paramètre les déviations possibles à l'invariance de Lorentz avec plusieurs coefficients, dont les valeurs sont inconnues. Les diverses expériences conduites afin de détecter des violations de l'invariance de Lorentz, ou plus généralement de la théorie de la relativité restreinte, posent des bornes sans cesse plus précises et plus contraignantes sur ces coefficients.
Le dysprosium est un métal peu connu, mais largement utilisé depuis quelque temps. Il fait partie des terres rares, comme l'ytterbium. © images-of-elements.com, cc by 3.0
Test de la vitesse limite en relativité sur une paillasse
L'une des dernières en date fait intervenir le comportement des électronsélectrons dans les atomes d'un élément peu connu, le dysprosiumdysprosium, un métalmétal faisant partie des terres raresterres rares. Un groupe de physiciens de l'université de Californie à Berkeley vient d'ailleurs de mettre en ligne sur arxiv un article expliquant ce qu'ils ont fait pendant deux années pour tester la validité de la théorie de la relativité restreinte avec cet élément. Il ne s'agit en fait que d'une première étape, car la précision de cette expérience, qui ouvre une nouvelle voie de recherche sur des violations du groupe de Lorentz, devrait s'améliorer dans les années à venir.
Pour tester cette hypothèse, les physiciens ont eu une idée ingénieuse. Inutile d'avoir recours à des accélérateurs et des détecteurs géants, comme ce fut le cas pour tester la vitessevitesse des neutrinosneutrinos observés avec Opera. Une simple expérience de laboratoire tenant sur une paillasse suffit. Il se trouve que dans le cas d'un atomeatome de dysprosium, il existe des niveaux d'énergies très voisins pour des électrons, bien que ceux-ci se déplacent à des vitesses très différentes sur les orbitalesorbitales atomiques de ces niveaux bien particuliers. Appelons ces niveaux A et B. Il est possible d'exciter un électron pour le faire passer du niveau A au niveau B en utilisant des laserslasers. On peut provoquer une transition du niveau B au niveau A en utilisant un faisceau de micro-ondes à une fréquencefréquence bien précise, dépendant de la valeur de l'énergie de transition entre ces niveaux.
L'expérience de Berkeley a donc provoqué pendant deux années ces changements de niveaux d'énergies des électrons au sein d'atomes de dysprosium, et a permis la mesure de l'énergie de transition à chaque fois. Pendant ces années, la Terre tournait sur elle-même et autour du SoleilSoleil. Or, du fait de la polarisation de la lumièrelumière des lasers utilisés par les physiciens, les orbitales atomiques des électrons étaient plus ou moins maintenues dans une même orientation.
Alan Kostelecky est l'un des physiciens à l'origine du cadre théorique appelé SME, incorporant des violations de l'invariance de Lorentz, comme une vitesse limite différente selon les directions de mouvement dans l'espace. De telles violations sont possibles dans le cadre de la théorie des supercordes. © Université de l’Indiana
La relativité restreinte et la relativité générale à l’épreuve
Si l'énergie cinétiqueénergie cinétique des électrons (et donc la vitesse maximale à laquelle ils peuvent se déplacer) dépendait de leur direction de mouvementmouvement, il se trouve qu'un effet serait mesurable à cause de la rotation de la Terre sur elle-même. On observerait une modulationmodulation journalière de la valeur de l'énergie de transition mesurée à l'aide du faisceau de micro-ondes.
Cette expérience permet de tester la relativité restreinte, mais aussi l'une des hypothèses à la base de la relativité généralerelativité générale : celle de l'invariance locale de position. Dans le cas présent, si la valeur de l'énergie cinétique des électrons était modifiée par l'intensité du champ de gravitation, c'est une modulation annuelleannuelle de la valeur de l'énergie de transition qui serait mesurée.
Les théories d’Einstein renforcées
Au bout de deux années, à la précision des mesures, aucun effet n'a été observé. La théorie de la relativité restreinte et même celle de la relativité générale en sortent renforcées. Les chercheurs ont mesuré huit des neuf paramètres qui décrivent toute dépendance de la vitesse maximale atteignable par un électron en fonction de la vitesse et de la direction du référentielréférentiel terrestre. Ils ont amélioré de manière significative les limites des expériences précédentes pour quatre d'entre eux, dont l'un d'un facteur 10. Quant à la nouvelle limite sur l'invariance locale de position pour les électrons, elle est devenue 160 fois plus précise.
Mais le progrès le plus important n'est pas dans les mesures elles-mêmes, mais dans la nouvelle technique utilisant le dysprosium. On s'attend en effet à ce qu'elle puisse bientôt permettre de poser des contraintes mille fois plus précises. Ainsi, certaines théories qui prévoient une violation de l'invariance de Lorentz pourraient éventuellement être testées.