Alors qu'on la croyait à peu près inchangée tout au long de l'année, la forêt amazonienne densifie son feuillage pour s'adapter aux variations de pluviométrie. En retour, elle affecte aussi le climat. Il a fallu un satellite et des années pour s'en rendre compte.

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Observée de près, la forêt amazonienne ne change guère tout au long de l'année. Comme dans toutes les forêts tropicales, il n'y a pas de printemps pour lancer la floraison ni d'automne pour faire tomber les feuilles. Le climat varie peu mais on note tout de même une variation annuelle de l'humidité, toujours élevée mais nettement plus faible entre juin et octobre.

Pourtant, les scientifiques ont tout de même remarqué des rythmes dans la floraison ou la pousse des feuilles. Mais aucune étude n'avait pu être menée à l'échelle de la forêt amazonienne tout entière, dont la surface atteint 7,2 millions de kilomètres carrés, soit à peu près celle de l'Australie.

Pour étudier dans son ensemble ce gigantesque écosystème, Ranga Myneni et ses collègues de l'université de Boston (Massachusetts) ont pris du recul. Ils ont utilisé cinq années de données accumulées par le satellite Terra, de la Nasa, à l'aide de son spectromètre Modis (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer).

En mesurant précisément le spectre de lumière renvoyée par la forêt - en bref, sa couleur -, cet instrument permet de mesurer quantitativement la densité du feuillage depuis le sol jusqu'à la canopée (la dernière couche de végétation, au sommet des arbres). L'équipe l'a comparée, zone par zone, avec la pluviométrie mesurée avec d'autres moyens, en l'occurrence les programmes Ceres (Clouds and the Earth's Radiant Energy System) et GOES-8 ( Geostationary Operational Environmental Satellite 8).

L'Amazonie est toujours verte… mais avec des nuances. Elle verdit quand il pleut moins.<br />Crédit  : Nasa

L'Amazonie est toujours verte… mais avec des nuances. Elle verdit quand il pleut moins.
Crédit : Nasa

Profiter du soleil

La saisonnalité apparaît alors nettement. Durant la saison « sèche » (c'est-à-dire moins humide), les arbres produisent un maximum de feuilles. En revanche, durant la saison humide, il en tombe davantage qu'il en pousse. Dans le même temps, la lumière du soleil est plus atténuée. « C'est comme si les plantes savaient qu'il y a une bonne période pour faire pousser les feuilles » s'émerveille Ranga Myneni.

En retour, à l'échelle de l'Amazonie, cette énorme quantité de feuillage en plus ou en moins n'est pas sans conséquence sur le climat. La végétation participe activement au cycle de l'eau. L'évapotranspiration pompe l'humidité du sol et l'envoie dans les feuilles où, en s'évaporant, elle retourne à l'atmosphère. Dans une forêt tropicale typique, un hectare transpirant ainsi injecte dans l'air 190 000 litres par an. L'eau du sol énergiquement pompée dans le sol quand le nombre de feuilles est grand restitue donc une quantité d'eau maximum à l'atmosphère. « Un feuillage épais durant la saison sèche produira des pluies plus intenses pendant la saison humide suivante » conclut Ranga Myneni.