De démonstrateur technologique à avions spatiaux sans pilote. Cesare Lobascio, expert senior, support vie et habitat chez Thales Alenia Space, et Carmine Di Lauro, responsable système REV1, également chez Thales Alenia Space, nous expliquent comment l'IXV va donner naissance à une lignée de cargos et avions spatiaux. Après avoir réalisé l'IXV, Thales Alenia Space développe et construit le cargo spatial REV1 et le véhicule multitâche Space Rider de l’Agence spatiale européenne.


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    En 2015, la mini-navette IXV, dessinée et construite par Thales Alenia Space, a réalisé un vol de démonstration suborbitalsuborbital, ce qui a permis à l'Europe de maîtriser la rentrée atmosphérique planée. Sept ans plus tard, à partir de ce démonstrateurdémonstrateur, Thales Alenia Space en décline deux engins spatiaux : le cargo REV1 qui fera office d'usine spatiale pour Space Cargo Unlimited et le véhicule multitâche Space Rider de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA).

    Cesare Lobascio, expert senior, support vie et habitat, chez Thales Alenia Space et Carmine Di Lauro, responsable système REV1, également chez Thales Alenia Space, répondent à nos questions et nous expliquent comment l'IXV va donner naissance au REV1 de Space Cargo Unlimited dont le premier vol est prévu en 2025, et quelles sont les synergiessynergies attendues avec le Space Rider de l'ESA.

    Le démonstrateur de rentrée atmosphérique IXV exposé au salon du Bourget en juin 2015. © Rémy Decourt
    Le démonstrateur de rentrée atmosphérique IXV exposé au salon du Bourget en juin 2015. © Rémy Decourt

    Futura : L'IXV était un démonstrateur de rentrée atmosphérique. Le REV1 sera développé en seulement trois ans. Je m'étonne de délais aussi courts !

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : Après la réussite de la mission de démonstration suborbitale de l'IXV en 2015, nous avons poursuivi nos développements vers un véhicule réutilisable amélioré, capable de transporter des expériences en orbite pendant deux mois, le Space Rider, sur la base de l'expérience accumulée par le démonstrateur. Le Space Rider est maintenant à un stade avancé de conception et de développement pour le compte de l'Agence spatiale européenne. REV1 bénéficiera largement des enseignements supplémentaires tirés au cours de cette période, mais il ne fait aucun doute que nous adoptons d'autres approches perturbatrices et non conventionnelles pour le réaliser dans des délais aussi courts. Nous le concevons, c'est très ambitieux.

    Futura : Il y a donc des synergies avec le Space Rider ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : Oui, la forme du module de rentrée est la même, telle que dérivée par le démonstrateur IXV, ce qui apporte toutes les similitudes de comportement aérothermodynamique et de système de protection thermique. Nous poussons beaucoup le concept de réutilisation, par rapport à tout autre engin spatial.

    Les véhicules spatiaux sont des systèmes très complexes, les synergies entre véhicules peuvent ne pas apparaître clairement à l'extérieur. Par exemple, de nombreuses analyses techniques peuvent être réutilisées. En d'autres termes, les connaissances tirées d'études antérieures sont totalement pertinentes et applicables lors de la conception du nouveau véhicule. Il en va de même pour l'outillage, les équipements ou même les développements logicielslogiciels spécifiques qui peuvent être réutilisés.

    Futura : Afin de « gagner du temps » dans le développement du REV1, vous semblez adopter la même forme que celle du IXV. Cette forme est-elle parfaitement identique ou avez-vous été contraints de la redessiner plus ou moins légèrement ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : La forme est vraiment identique. Il n'y aurait aucun avantage particulier ou besoin de la modifier, puisque cette forme, ainsi que toute la base de donnéesbase de données aéro-thermodynamique associée, a été validée par le vol réussi de l'IXV. Et vous avez raison, ce choix s'avère très favorable pour le calendrier.

    Futura : Quelle est la nature de la protection thermique du REV1 ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : Très peu de gens savent que nous utilisons du boisbois dans les vaisseaux spatiaux ! En effet, nous avons deux types de matériaux pour faire face aux températures très élevées auxquelles un tel véhicule est confronté lors de la rentrée, en fonction de la zone spécifique de la surface externe exposée aux flux aérothermiques. Nous utilisons donc des matériaux ablatifs, qui sont à base de liège, oui, vraiment : ça marche très bien, car il est très léger et par sa pyrolyse il absorbe beaucoup de chaleur. Mais là où les jeux deviennent plus durs, par exemple dans la zone du « neznez », nous utilisons des matériaux céramiquescéramiques qui sont bien connus et qualifiés pour les hautes températures, parfois plus de 1 000 °C.

    L'usine spatiale de Space Cargo Unlimited. Ce véhicule spatial, qui reprend la forme du démonstrateur IXV. © Space Cargo Unlimited
    L'usine spatiale de Space Cargo Unlimited. Ce véhicule spatial, qui reprend la forme du démonstrateur IXV. © Space Cargo Unlimited

    Futura : Que ce soit le Space Rider ou le REV1, ces deux engins voleront sans aile. Seront-ils facilement manœuvrables ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : Pas d'aile, oui. La forme est appelée « corps émoussé ». Le système a la capacité d'effectuer différents types de manœuvres complexes en orbite et de conserver sa stabilité pendant la phase de rentrée grâce à ses propulseurspropulseurs. Concernant le système de guidage, de navigation et de contrôle (GNC), il s'agit d'une capacité cruciale du véhicule sur laquelle nous mettons tout en œuvre, en exploitant notre héritage et les synergies avec les programmes orientés vers les services en orbite.

    Futura : J'ai lu que le système de propulsion de REV1 utilisera des ergols dits verts ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : Oui. Il utilisera ce que l'on appelle un système de propulsion à ergolsergols verts. Ce type de solution constitue non seulement un pas important vers la durabilitédurabilité grâce à un accès écologique à l'espace, mais aussi, grâce à sa non-toxicitétoxicité, le propergolpropergol vert permet des opérations au sol plus rapides sans mettre en danger les opérateurs lors de la manipulation, comme c'est le cas avec l'hydrazinehydrazine par exemple.

    Nous ne pouvons pas révéler maintenant l'approche innovante que nous imaginons pour une rentrée en douceur et une récupération rapide

    Futura : Le retour sur Terre en parachute n'est-il pas un manque d'ambition ! Pourquoi ce choix ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : L'utilisation de parachutesparachutes pour la rentrée dans l'espace est très consolidée. Dans notre cas, nous utilisons un parafoil, qui a un bon degré de flexibilité pour les manœuvres. Nous devons être très pragmatiques et modifier uniquement les éléments qui sont problématiques ou trop coûteux et qui ont des alternatives valables. Nous ne pouvons pas révéler maintenant l'approche innovante que nous imaginons pour une rentrée en douceur et une récupération rapide, mais nous pouvons confirmer le parafoil !

    Comme pour le REV1, la forme du IXV est similaire à celle du démonstrateur IXV. © ESA, J. Huart
    Comme pour le REV1, la forme du IXV est similaire à celle du démonstrateur IXV. © ESA, J. Huart

    Futura : Très peu d'informations circulent sur le module de service du REV1. Pouvez-vous nous renseigner sur ses principales caractéristiques et s'il sera similaire au module de service du Space Rider ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : Le module de service de REV1 est différent dans le sens où il reste en orbite après sa séparationséparation du module de rentrée atmosphérique de REV1, alors que le module orbital du Space Rider est consommable, il nous en faut un nouveau à chaque mission. Lors de la mission suivante, le module de rentrée, une fois lancé et transféré en orbite, s'arrime au module de service pour la phase orbitaleorbitale. Il agit comme un nœudnœud clé dans la diffusiondiffusion des données, l'alimentation en énergieénergie via les panneaux solaires et la dissipation de la chaleur. On peut le voir comme une station de charge et de données avancées.

    Futura : REV1 sera-t-il compatible avec plusieurs lanceurs ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : REV1 doit pouvoir être flexible et s'adapter à tout lanceurlanceur disponible capable de transporter sa massemasse jusqu'à l'orbite terrestre basse. La plupart des missions se dérouleront en orbite équatoriale, énergétiquement la plus commode. VegaVega est l'un des meilleurs candidats, quant à sa capacité de lancement, nous le connaissons bien grâce au programme Space Rider et à notre co-propriété avec Avio.

    Futura : Travaillez-vous déjà sur un concept REV2 ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : Nous sommes pleinement engagés dans REV1 maintenant, et croyez-nous, c'est un sacré engagement !

    Cependant, nous avons des tonnes d'idées qui, nous le savons déjà, pourraient être réalisées à des stades ultérieurs, lorsque la maturité le permettra. De plus, il s'agit d'un véhicule réutilisable, ce qui signifie que nous serons en mesure d'apporter des améliorations et des modifications à REV1 au sol, à tout moment entre les missions. L'expérience acquise avec d'autres engins spatiaux, tels que le module de fret pressurisé Cygnus, que nous construisons en mini-série, a clairement montré la possibilité de développer des versions améliorées et d'apporter des améliorations continues. L'utilisation apporte les leçons apprises et les idées d'amélioration. Nous et Space Cargo Unlimited sommes des partenaires très dynamiques, alors attendez-vous à ce qu'un REV 1 de plus en plus performant sorte de notre garagegarage spatial à chaque nouveau vol.

    Futura : Un programme spatial de Thales Alenia sans innovation ou percée technologique ne serait pas un programme TAS ! Alors, REV1 embarque-t-il une ou plusieurs innovations ?

    Cesare Lobascio et Carmine Di Lauro : REV1 est un mélange bien conçu de technologies consolidées et de ruptures, où le pragmatisme rencontre l'innovation. Il est conçu pour être au service de nos utilisateurs, pour leur fournir des retours rapides et efficaces.

    Nous pensons que Space Cargo Unlimited est venu à nous avec une perspective centrée sur l'utilisateur : comment le véhicule pourrait offrir les meilleures options pour la fabrication dans l'espace. Dans cet esprit, le REV1 a été conçu de A à Z, forgeant ainsi une approche renouvelée du véhicule. Nous pensons vraiment que l'approche technique et le leadership de Space Cargo Unlimited nous permettent de mieux fonctionner, au meilleur coût.


    Une usine va être construite dans l’espace, en orbite basse

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 01/10/2022

    À l'ère du développement économique de l'orbite basse, aussi appelé le LEOLEO-HubHub, la start-upstart-up luxembourgeoise Space Cargo Unlimited souhaite se doter d'un cargo spatial, qui servira d'usine dans l'espace. Cette initiative privée inédite en Europe pourrait préfigurer la prochaine révolution industrielle ! C'est Thales Alenia Space qui réalisera ce cargo en s'appuyant sur l'héritage des programmes IXV et Space Rider.

    La start-up Space Cargo Unlimited, créée au Luxembourg en 2014 par Nicolas Gaume et Emmanuel Etcheparre, a présenté hier lors de la conférence New SpaceNew Space Europe qui se déroule au Luxembourg, son projet « d'usine flottante de demain voyageant en orbite terrestre basse ». Cette usine inédite pourrait préfigurer une révolution industrielle en microgravitémicrogravité avec des produits à forte valeur ajoutée pour quelques centaines de milliers d'euros à plusieurs millions d'euros selon la nature des produits à manufacturer ou des expériences à réaliser. Si l'on se fie aux études les plus récentes, il y a un marché qui se chiffre à plusieurs milliards de dollars d'ici les années 2035-2040.

    Le pari de la fabrication dans l'espace

    Avec cette usine spatiale, Space Cargo Unlimited fait donc le pari de démocratiser dans l'espace la fabrication d'une large variété de produits, principalement dans les domaines de la biotechnologiebiotechnologie, la pharmacie industrielle, de l'agricultureagriculture, la médecine et la physiquephysique des matériaux. Cette usine orbitale pourra également servir de banc de tests pour de nouvelles technologies ou des expériences liées aux sciences de la vie.

    REV1, le projet d'une usine spatiale flottant en orbite terrestre basse. © Space Cargo Unlimited

    S'inspirant des programmes IXV et Space Rider, Thales développera une usine flottante

    Cette usine se présentera sous la forme d'un véhicule spatial pressurisé, entièrement autonome et sans astronauteastronaute à son bord, qui sera réalisé par Thales Alenia Space. REV1, c'est son nom, dont la forme n'est pas sans rappeler celle du démonstrateur de rentrée atmosphérique IXV, s'appuiera sur l'héritage de ce programme mais aussi celui de l'avion spatial Space Rider, en cours de développement (deux programmes phares de Thales Alenia Space).

    Voir aussi

    Thales Alenia Space : le pari réussi de la construction de stations spatiales à la chaîne

    Ce véhicule spatial pourra transporter une tonne de charge utile et rester jusqu'à trois mois en orbite. Pour cela il devra s'arrimer à un module de service qui lui fournira l'énergie et les servitudes nécessaires à ses missions. Il sera réutilisé 20 fois. Il n'aura pas de lanceur attitré mais sera conçu pour s'adapter à de nombreux lanceurs en service dont Vega et Ariane 6, par exemple. Le premier vol de REV1 est prévu en 2025 et s'il se déroule bien, Space Cargo Unlimited prévoit d'en réaliser un deuxième en 2026, puis deux vols dès les années suivantes.

    Nicolas Gaume, cofondateur et CEO de Space Cargo Unlimited, répondra à nos questions en début de semaine prochaine. Avec lui, nous aborderons tous les aspects de ce projet (véhicule, mission, technologie) et les perspectives d'avenir de la fabrication dans l'espace.

    L'usine spatiale de Space Cargo Unlimited. Ce véhicule spatial, qui reprend la forme du démonstrateur IXV. © Space Cargo Unlimited
    L'usine spatiale de Space Cargo Unlimited. Ce véhicule spatial, qui reprend la forme du démonstrateur de rentrée atmosphérique IXV, sera réalisé par Thales Alenia Space. © Space Cargo Unlimited