Encelade, une petite lune glacée de Saturne, intrigue les scientifiques pour la présence d’un océan souterrain, visible grâce à l’activité de quelques geysers en surface. En 2008, la sonde Cassini a analysé la composition des éjectas de ces geysers, y trouvant par exemple des composés volatils tels que de la vapeur d’eau ou du dioxyde de carbone, ainsi que des molécules organiques complexes. Selon une nouvelle étude analysant davantage les données recueillies par Cassini, l’océan interne d’Encelade pourrait bien contenir tous les ingrédients de base nécessaires à l’apparition de la vie.


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    Orbitant autour de SaturneSaturne à l'intérieur d'un de ses anneaux, l'anneau E (le plus éloigné et le plus diffusdiffus des anneaux de Saturne), Encelade intrigue les scientifiques depuis sa découverte en 1789 par l'astronomeastronome allemand William HerschelWilliam Herschel. Malgré sa faible taille, d'environ 500 kilomètres de diamètre en moyenne, cette lune de Saturne présente une activité géologique complexe, avec une surface partagée entre des zones très cratérisées (donc anciennes) et d'autres dépourvues de cratères d'impact, indiquant qu'elles se sont formées récemment. Le survolsurvol d'EnceladeEncelade par la sonde Voyager 2Voyager 2 en 1981 avait d'ailleurs permis d'identifier au sein des zones les plus récentes des structures géologiques, comme des failles ou des fractures, témoignant de déformations complexes. Du fait de l'observation d'un renouvellement relativement récent de sa surface, les scientifiques suspectaient alors l'existence d'une activité cryovolcanique (des volcansvolcans de glace) sur cette lune de Saturne.

    La mission Cassini-Huygens pour percer les mystères d’Encelade

    En 1997, l'Agence spatiale américaine (Nasa) lance sa sonde Cassini-Huygens en direction du système saturnien, dans lequel elle arrive sept ans plus tard. Parmi ses différents objectifs d'étude, les scientifiques, enthousiasmés par les découvertes révélées grâce à la sonde Voyager 2, mettent en avant Encelade, et plusieurs survols de la petite lune de Saturne sont programmés.

    Lors de l'un de ses survols les plus rapprochés, à environ 172 kilomètres de sa surface, les données recueillies par la sonde Cassini révèlent la présence de geysers dans la région australe d'Encelade, éjectant de très fines particules de glace à plus de 200 kilomètres d'altitude. Les scientifiques découvrent également des fractures tectoniques dans la région du pôle Sud de la lune, appelées « rayures de tigretigre », d'où s'échappent continuellement des jets de vapeur d'eau. L'ensemble de ces éjectas constitue une très fine atmosphèreatmosphère éphémère, car la gravité exercée par Encelade ne permet pas de retenir une couche de gaz autour d'elle, et localisée vers le pôle Sud. Ces observations confirment l'existence d'un cryovolcanismecryovolcanisme sur Encelade, probablement alimenté par un océan enterré sous sa surface glacée. Ils comprennent également que les particules éjectées par Encelade alimentent l’anneau E de Saturne.

    Quelques chiffres clés à propos de la sonde Cassini-Huygens de la Nasa à destination du système saturnien. © Nasa, JPL-Caltech
    Quelques chiffres clés à propos de la sonde Cassini-Huygens de la Nasa à destination du système saturnien. © Nasa, JPL-Caltech

    Pour étudier ces éjectas, riches en informations sur l'intérieur de la lune saturnienne, les scientifiques de la Nasa planifient un survol d'Encelade à seulement 48 kilomètres de sa surface, faisant passer la sonde dans le nuagenuage de particules émis au niveau du pôle Sud. Ils y détectent de la vapeur d'eau, du diazote et du dioxyde de carbonedioxyde de carbone, ainsi que des moléculesmolécules organiques. Ces observations renforcent l'hypothèse de la présence d'un océan souterrain, dans lequel opérerait une activité hydrothermale - potentiellement favorable à l'apparition de la vie telle qu'on la connaît.

    Un potentiel biologique prometteur ?

    Si la sonde Cassini-Huygens a fini sa mission en 2017 en se désintégrant dans l'atmosphère de Saturne, les données qu'elle a recueillies au cours de son périple regorgent encore de secrets qui attendent d'être découverts. Une nouvelle étude parue dans la revue bioRxiv se penche sur les concentrations en ammoniacammoniac (composé d'atomesatomes d'azoteazote, N, et d'hydrogènehydrogène, H) et en phosphorephosphore (P) inorganique dans l'océan interne d'Encelade mesurées par la sonde lors de son passage dans le nuage de particules éjectées par les geysersgeysers. Selon les scientifiques, ces composés peuvent constituer un marqueur important sur l'écologieécologie de cet océan interne... car ils sont également très parlants pour caractériser l'écologie de nos océans sur Terre.

    En 1934, l'océanographe Alfred Redfield découvre que le ratio des concentrations en carbone, en azote et en phosphore (noté C:N:P) est constant dans tous les océans terrestres, y compris au sein de la biomassebiomasse de phytoplanctonsphytoplanctons ainsi que dans la massemasse de nutrimentsnutriments dissous dans l'eau. Alfred Redfield introduit alors la notion de « ratio de Redfield », initialement fixé à 106:16:1, valeurs légèrement revues depuis. Si les valeurs exactes du ratio n'ont pas une importance capitale, c'est la conclusion qu'en tire l'océanographe qui intéresse les exobiologistes : ce ratio démontre une unité de composition entre les êtres vivants évoluant dans les océans et les océans eux-mêmes. Le ratio Redfield est ainsi considéré comme une cible pour la détection de la vie dans le Système solaireSystème solaire, en particulier dans les mondes océaniques comme Encelade.

    En plus de nombreuses molécules organiques suspectées d'être présentes dans l'océan d'Encelade, dont certains précurseurs des acides aminésacides aminés, les scientifiques y ont détecté d'importantes concentrations en phosphore. Pour mieux apprécier le potentiel biologique de cet océan, ils ont établi plusieurs modèles afin de comprendre si des organismes méthanogènes (qui produisent du méthane, comme certains Archaea sur Terre) pouvaient y survivre et s'y développer, en se basant sur le ratio de Redfield. Selon leurs résultats, les conditions biochimiques au sein de l'océan d'Encelade, et notamment ses concentrations en phosphore, pourraient limiter le développement de cellules vivantes semblables à celles présentes dans nos océans terrestres.

    Mosaïque créée à partir de deux images haute résolution, capturées par la sonde Cassini lors de l'un de ses survols d'Encelade. On y voit des panaches spectaculaires pulvérisant de la glace d’eau à partir de nombreux endroits le long des célèbres « rayures de tigre » près du pôle Sud de la lune de Saturne. L'étude de ces panaches nous révèle de précieuses informations sur l'océan interne d'Encelade. © Nasa, JPL, Space Science Institute
    Mosaïque créée à partir de deux images haute résolution, capturées par la sonde Cassini lors de l'un de ses survols d'Encelade. On y voit des panaches spectaculaires pulvérisant de la glace d’eau à partir de nombreux endroits le long des célèbres « rayures de tigre » près du pôle Sud de la lune de Saturne. L'étude de ces panaches nous révèle de précieuses informations sur l'océan interne d'Encelade. © Nasa, JPL, Space Science Institute

    Mais les scientifiques ne baissent pas les bras pour autant : l'océan souterrain d'Encelade présente une chimiechimie complexe, dont nous n'avons encore pu que peu apprécier les détails, mais qui demeure prometteuse d'un point de vue biologique. Tous les ingrédients semblent être présents.

    Tous les ingrédients semblent être présents

    Les auteurs espèrent que de prochaines missions pourront permettre de dresser un tableau plus global de la chimie de cet océan, de manière à pouvoir établir, à la manière d'Alfred Redfield, un tableau plus global de l'entièreté de l'écosystèmeécosystème. Ils concluent en estimant que la recherche de parallèles avec la biochimiebiochimie des organismes vivants sur Terre n'est peut-être pas la meilleure option à adopter pour la recherche de vie sur Encelade. Ils recommandent également pour les futures études des analogiesanalogies avec des environnements présentant des ratios en ressources extrêmes, qui refléteraient davantage ceux suggérés pour Encelade.

    Notre compréhension de la notion d'habitabilité est en constante évolution. Alors que notre imagination tend à envisager des formes de vie extraterrestres semblables à celles évoluant sur notre Planète, la vie pourrait bien être apparue différemment, à partir d'une réorganisation chimique des environnements extraterrestres encore inconnue.

     

     


    Vie extraterrestre : un ingrédient essentiel à la vie découvert sur une lune de Saturne !

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 15 juin 2023

    Encelade, décidément, n'en finit plus de faire la Une ces jours-ci. Depuis plusieurs années, les astronomes envisagent cette lune glacée de Saturne comme l'un des endroits du Système solaire dans lesquels nous avons le plus de chance de trouver des organismes vivants. Et aujourd'hui, plus que jamais. Parce que des chercheurs viennent d'y découvrir, pour la première fois, un ingrédient rare de la vie !

    Les éléments indispensables à la vie ne sont pas si nombreux que ça. L'oxygèneoxygène, le carbone, l'azote, l'hydrogène et le soufresoufre. Ceux que les scientifiques appellent les CHNOPS, d'après leurs symboles chimiques. Manque donc à la liste, le P. Le phosphatephosphate, un minéralminéral essentiel à la fabrication des acides nucléiquesacides nucléiques qui constituent l'ADNADN et à bien des processus métaboliques. Les chercheurs le qualifient d'élément « limitant ». Comprenez que sans lui, la vie ne peut pas se développer. C'est pourquoi ils le cherchent si ardemment sur les planètes qu'ils soupçonnent d'être à même d'abriter des organismes vivants.

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    La vie aurait émergé des lacs riches en phosphore

    Et aujourd'hui, des astronomes annoncent avoir enfin découvert, pour la toute première fois, des traces de phosphore « biologiquement disponible » du côté de l'une de celles qui constituent l'un de leurs plus grands espoirs en matièrematière de recherche de vie extraterrestre : Encelade, la lune glacée de Saturne. C'est plus exactement dans l'un des anneaux extérieurs de la planète géanteplanète géante que les données de la sonde Cassini ont révélé la présence de phosphates.

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    James-Webb est en quête de la vie dans le panache d’eau géant d’Encelade, une lune de Saturne

    Il se trouve qu'Encelade se promène dans la région de cet anneau particulier, baptisé l'anneau E. Les astronomes expliquent qu'il est même constitué à 30 % de particules de glace émises par les panaches qui jaillissent de sous la croûtecroûte de la lune de Saturne. C'est ce qui leur fait dire que les phosphates qu'ils ont découverts viennent bien de l'océan qui se cache sous la surface de glace d'Encelade.

    De la vie dans l’océan d’Encelade ?

    Les chercheurs avaient déjà confirmé que l'océan de la lune de Saturne contient de l'oxygène et de l'azote. Ils y avaient aussi trouvé du soufre, du carbone et de l'hydrogène. Cinq des fameux CHNOPS. Et voici donc qu'ils ont débusqué, dans neuf particules de glace sur près d'un millier analysées, des traces de phosphate. Cela peut sembler peu. Mais c'est tout de même le signe, selon eux, qu'il pourrait y avoir, dans l'océan d'Encelade, une concentration de phosphore disponible jusqu'à 100 fois plus élevée que celle que nous observons sur la Terre.

    Le saviez-vous ?

    La détection supposée de phosphine sur Vénus avait aussi fait grand bruit en 2020. Avant d’être mise en doute. Mais la méthode employée ici est très différente. Plus sûre. Parce que la détection repose sur des données recueillies depuis l’orbite de Saturne. Et non sur des données enregistrées depuis notre Terre. Toutefois, le risque d’erreur persiste et doit rester dans nos esprits jusqu’à ce que d’autres travaux viennent confirmer la détection.

    Un pas de plus vient donc d'être franchi dans la recherche de formes de vie extraterrestre. Mais attention aux raccourcis. Ils ne sont pas toujours bons à prendre. La découverte de phosphate ne signifie pas nécessairement que des organismes vivants peuplent l'océan d'Encelade. Pour cela, il faudrait encore que le phosphore ait pu former des liaisons avec du carbone -- pour fabriquer de l'ADN. Cela nécessite le recours à une chimie très particulière. Très dépendante de l'environnement. Et pour l'heure, les astronomes n'en savent pas encore assez sur ce qui se joue sur la lune de Saturne pour conclure. La détection de composés organiques de phosphate, par exemple, constituerait un nouvel indice de taille.

    En attendant, les chercheurs assurent que leurs travaux montrent que seules les lunes glacées situées au-delà de « la ligne de neige carboniqueneige carbonique » -- un endroit dans le Système solaire suffisamment éloigné de notre ÉtoileÉtoile pour que le dioxyde de carbone (CO2) se transforme en glace -- seraient finalement susceptibles de cacher du phosphore en abondance. Doit-on pour autant exclure Europe, la lune glacée de JupiterJupiter, des cibles à étudier ? Non, affirment-ils. Car il pourrait tout de même s'y trouver quelques traces du phosphore tant convoité. Même si c'est environ 1 000 fois moins que sur Encelade, tout de même, selon les simulations.