Les naines blanches sont des cadavres stellaires laissés par des étoiles peu massives, comme le Soleil, après une phase de géante rouge où l'étoile gonfle au point d'avaler dans ses couches supérieures une partie de son cortège planétaire. On ne sait pas encore très bien ce qui reste d'elles et de ce cortège, astéroïdes et comètes compris, même si l'on a trouvé des traces sur la surface et dans les atmosphères de certaines naines blanches depuis des années. On vient de découvrir pour la première fois des indications sur la manière dont ces traces se forment. Surprise, la gravitation ne serait pas seule à l'œuvre, un fort champ magnétique interviendrait aussi !


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    Les étoiles de moins de 8 masses solaires ne sont pas destinées à mourir sous la forme d'une supernova de type SNSN II à la suite de l'effondrementeffondrement gravitationnel de leur cœur, une fois l'épuisement du carburant thermonucléaire libérant le souffle de photons nécessaire pour équilibrer et contrecarrer la pression de la gravitégravité propre d'une étoile. La théorie de la structure et de l'évolution stellaire déjà bien développée des années 1930 aux années 1950 nous dit que ces étoiles, et ce sera le cas de notre SoleilSoleil, vont devenir des naines blanchesnaines blanches (mais elles pourraient donner des SN Ia si elles font partie d'un système binairesystème binaire). Une masse équivalente à presque celle de notre Soleil, par exemple, se retrouvera alors dans un volumevolume de la taille de la Terre environ.

    On sait aussi qu'avant de se transformer en naines blanches, les étoiles de masses comparables à celle du Soleil vont passer par le stade de géante rougegéante rouge. Elles vont gonfler et expulser une partie de leur masse via parfois des ventsvents stellaires violents, ce qui fait qu'en général il ne restera plus que des naines blanches après ce stade, pesant de 0,5 à 0,7 fois la masse du Soleil. En devenant une géante rouge, notre Soleil englobera au moins les orbitesorbites de MercureMercure et VénusVénus, et peut-être celle de la Terre.

    Un cœur de diamant quantique générant un champ magnétique

    Tout cela est bien connu, mais depuis que l'on a découvert que la formation d'un cortège planétaire semble être la règle autour d'une étoile, on peut se demander si on ne peut pas utiliser les naines blanches pour avoir des renseignements inédits sur le destin des planètes, et en particulier du Système solaireSystème solaire quand le Soleil sera lui-même devenu une naine blanche dont l'intérieur va se refroidir donnant une matièrematière cristallisée, plus précisément ce que l’on appelle un cristal de Wigner (un avatar quantique du diamant d’une certaine façon).

    On a des raisons de penser que, dans une naine blanche, le noyau carbonecarbone-oxygèneoxygène cristallisé peut générer le champ magnétiquechamp magnétique de la même manière que le noyau de ferfer en fusionfusion de la Terre génère son champ magnétique, c'est-à-dire par effet dynamo. Les jeunes naines blanches ne paraissent généralement pas avoir de champ magnétique, celui-ci semblant en revanche apparaître avec le refroidissement et la cristallisation de leur cœur.

    Un mécanisme dynamodynamo se produit lorsqu'un objet en rotation, comme une naine blanche ou la Terre, contient un fluide fondu électriquement conducteur. Dans le cas de la Terre, l'énergie de la dynamo est d'ailleurs en partie fournie par son noyau métallique fluide en cours de cristallisation


    Extrait du documentaire Du Big Bang au Vivant (ECP Productions, 2010), Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges, puis en naines blanches. © Jean-Pierre Luminet

    Des atmosphères stellaires polluées par du fer et du silicium

    On a trouvé depuis des années à la surface de plusieurs naines blanches dans la Voie lactéeVoie lactée des traces spectrales cosmochimiques de certains éléments dont la présence ne peut s'interpréter que par une pollution récente de l'atmosphèreatmosphère de l'étoile par l'arrivée d'un petit corps céleste rocheux, peut-être vestige de planètes telluriquesplanètes telluriques autrefois englouties par le gonflement de leurs étoiles hôtes en fin de vie et qui sont entrées en collision, déstabilisées par le phénomène.

    On a des raisons de penser que certaines survivent jusqu'à un certain point. Elles ont été baptisées planètes chthoniennes et on connaît d’ailleurs deux de ces exoplanètes qui ont survécu à la phase géante rouge de l'étoile KIC 05807616, située dans le voisinage des constellationsconstellations du Cygne et de la Lyre, à environ 3 900 années-lumièreannées-lumière de la Terre. Plus petites que notre planète, elles bouclent leur orbite en moins de 12 heures. On a découvert également le cas d’une exoplanète de type géante gazeuse en orbite autour d’une naine blanche, laissant penser que les géantes du Système solaire pourraient subir finalement un sort similaire).

    Voyons un peu plus en détail de quoi il retourne.

    Au cours des années 1940, l'astrophysicienastrophysicien français Evry Schatzman a fait progresser la théorie de la structure et de l'évolution stellaire en avançant que les naines blanches contiennent beaucoup de carbone et d'oxygène, mais que leurs atmosphères sont largement dominées par l'hydrogènehydrogène et l'héliumhélium. En effet, les naines blanches sont des objets très compacts et leur gravité de surface est très élevée. Elles ne sont plus le siège de mouvementsmouvements de convectionconvection, comme dans le cas du Soleil, mais d'un phénomène de « triage gravitationnel », de sorte que les éléments légers se retrouvent à la surface de l'étoile alors que les éléments lourds plongent vers l'intérieur.

    Or, les observations n'ont pas vraiment vérifié ces prédictions. On a découvert des cas particulièrement anormaux : les atmosphères contenaient parfois beaucoup trop d'éléments lourds bien particuliers, à savoir le fer et le siliciumsilicium. La meilleure explication pour ces anomaliesanomalies fait intervenir des astéroïdesastéroïdes, et même des planètes rocheuses, qui seraient entrées en collision avec les naines blanches récemment, alors que les éléments lourds n'ont pas encore sédimenté à l'intérieur des astresastres compacts. Cela nous donne, au passage, des indications sur la composition des corps rocheux ayant pollué les naines blanches et nous permet en quelque sorte de faire de l'archéologie des exoplanètes. Incidemment, la péridotitepéridotite, la principale roche du manteaumanteau supérieur de la Terre est un assemblage de silicatessilicates ferro-magnésiens, donc contenant du fer et du silicium.


    Grâce au Very Large Telescope (VLT) de l'ESO, des astronomes ont découvert une « cicatrice » métallique à la surface d'une étoile morte. Cette vidéo résume la découverte. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO

    Des aurores polaires métalliques ?

    L'UniversUnivers vient de nous surprendre à nouveau au sujet de la pollution des naines blanches par des vestiges de corps rocheux, en l'occurrence des métauxmétaux, comme le montre aujourd'hui une publication dans The Astrophysical Journal Letters exposant le travail d'une équipe d'astrophysiciens qui ont utilisé le Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral au Chili, plus précisément l'instrument appelé FORS2 qui, non seulement permet de faire des mesures spectroscopiques pour étudier une composition chimique, mais permet aussi de déterminer la présence et l'intensité d'un champ magnétique en mesurant son effet sur la polarisation de la lumière émise.

    Dans un communiqué de l'ESOESO annonçant la découverte qui concerne la naine blanche WD 0816-310, vestige de la taille de la Terre d'une étoile similaire à notre Soleil, mais un peu plus grande, Stefano Bagnulo, astronomeastronome à l'Armagh Observatory and Planetarium, en Irlande du Nord (Royaume-Uni), et auteur principal de l'étude, explique qu'« il est bien connu que certaines naines blanches - les restes d'étoiles comme notre Soleil qui se refroidissent lentement - cannibalisent des morceaux de leur système planétaire. Nous venons de découvrir que le champ magnétique de l'étoile joue un rôle clé dans ce processus, qui se traduit par une cicatricecicatrice à la surface de la naine blanche ».

    John Landstreet, coauteur et professeur à l'université Western, au Canada - qui est également affilié à l'Armagh Observatory and Planetarium - précise, toujours dans le communiqué de l'ESO, qu'il « est surprenant de constater que le matériaumatériau n'était pas uniformément mélangé à la surface de l'étoile, comme le prévoyait la théorie. Au contraire, cette cicatrice est une plaque concentrée de matériau planétaire, maintenue en place par le même champ magnétique qui a guidé les fragments en fusion, rien de tel n'a été observé auparavant ».

    De son côté, Jay Farihi, professeur à l'University College London (Royaume-Uni) et autre coauteur de l'étude, ajoute que « Nous avons démontré que ces métaux proviennent d'un fragment planétaire aussi grand, voire plus grand, que Vesta, qui mesure environ 500 kilomètres de diamètre et qui est le deuxième plus grand astéroïde du système solaire. »

     

    Cette vue d'artiste montre la naine blanche magnétique WD 0816-310, à la surface de laquelle les astronomes ont découvert une cicatrice due à l'ingestion de débris planétaires. Lorsque des objets tels que des planètes ou des astéroïdes s'approchent de la naine blanche, ils sont disloqués et forment un disque de débris autour de l'étoile morte. Une partie de ces débris peut être dévorée par la naine, laissant des traces de certains éléments chimiques à sa surface. Grâce au <em>Very Large Telescope</em> de l'ESO, les astronomes ont constaté que la signature de ces éléments chimiques changeait périodiquement en fonction de la rotation de l'étoile, tout comme le champ magnétique. Cela indique que les champs magnétiques ont attiré ces éléments sur l'étoile, les concentrant aux pôles magnétiques et formant la cicatrice que l'on voit ici. © ESO, L. Calçada
    Cette vue d'artiste montre la naine blanche magnétique WD 0816-310, à la surface de laquelle les astronomes ont découvert une cicatrice due à l'ingestion de débris planétaires. Lorsque des objets tels que des planètes ou des astéroïdes s'approchent de la naine blanche, ils sont disloqués et forment un disque de débris autour de l'étoile morte. Une partie de ces débris peut être dévorée par la naine, laissant des traces de certains éléments chimiques à sa surface. Grâce au Very Large Telescope de l'ESO, les astronomes ont constaté que la signature de ces éléments chimiques changeait périodiquement en fonction de la rotation de l'étoile, tout comme le champ magnétique. Cela indique que les champs magnétiques ont attiré ces éléments sur l'étoile, les concentrant aux pôles magnétiques et formant la cicatrice que l'on voit ici. © ESO, L. Calçada

    Les données de l'instrument FORS2 concernant WD 0816-310 montraient que la signature spectrale des métaux présents changeait en intensité au fur et à mesure que l'étoile tournait, ce qui se comprend bien si les métaux sont concentrés sur une zone spécifique de la surface de la naine blanche, plutôt qu'uniformément répartis sur celle-ci. Les changements dans les mesures spectroscopiques étaient également synchronisés avec mesures des variations du champ magnétique de la naine blanche, ce qui indique que les métaux se sont concentrés sur l'un de ses pôles magnétiquespôles magnétiques.

    Rappelons que la température de la surface d'une naine blanche est comprise en moyenne entre 8 000 K et 40 000 K, ce qui est plus chaud que la température de la surface du Soleil (6 000 K). Les métaux apportés par un corps rocheux vont donc se retrouver à l'état ionisé et leurs atomesatomes seront alors guidés vers les pôles magnétiques par le champ magnétique de la naine blanche, où ils vont s'accumuler. C'est le scénario proposé par les astrophysiciens pour expliquer les observations concernant WD 0816-310. Il n'est pas sans évoquer la formation des aurores sur Terre et sur JupiterJupiter, fait remarquer le communiqué de l'ESO.

    Le saviez-vous ?

    Les astronomes ont fait la découverte des naines blanches au XVIIIe siècle, malgré leur faible luminosité. Ils ignoraient alors à quel point ces astres étaient exotiques mais, au tout début du XXe siècle, à la stupéfaction des astrophysiciens de l'époque, une valeur de l'ordre de la tonne par centimètre cube fut dérivée de l'observation d'étoiles comme Sirius B.

    Rapidement cependant, le physicien britannique Ralph Fowler comprit que la toute nouvelle mécanique statistique quantique découverte par son collègue Paul Dirac à la fin des années 1920 (qui a prédit théoriquement l’existence de l’antimatière à la même époque), décrivant un gaz d'électrons dégénéré, dans le jargon des physiciens, pouvait expliquer l'existence de ces étoiles. Ce gaz pouvait exercer une pression suffisamment importante pour résister à celle causée par la gravitation d'une étoile aussi dense que les naines blanches.

    Reprenant les travaux de Fowler, le tout jeune astrophysicien Subrahmanyan Chandrasekhar (âgé alors de 20 ans) eut l'idée d'introduire les effets de la théorie de la relativité restreinte et il posa les fondations de la structure stellaire de ces étranges objets. Il arriva ainsi à une conclusion devenue célèbre, il ne peut pas exister d'étoile de masse supérieure à environ 1,4 masse solaire, une fois celle-ci devenue une naine blanche après avoir épuisé son carburant nucléaire. C'est la fameuse limite de Chandrasekhar.