En 2012, Bertrand Piccard tentera de réaliser le tour complet de la planète dans un avion dont la seule source d'énergie est le Soleil. Le premier prototype, HB-SIA, servira aux essais préliminaires. Il vient d'être présenté. Le but ? Démontrer que l'énergie solaire peut être utilisée dans de nombreux domaines. « Plus personne ne pourra prétendre qu’on ne peut pas utiliser les énergies renouvelables pour les voitures, les chauffages, la climatisation ou l’industrie » martèle Bertrand Piccard.

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    Vue d'artiste du HB-SIA. Avec une envergure de 63,40 m, l'appareil est plus large qu'un Airbus A340 (60,30 m). Il est tracté par quatre hélices mues par des moteurs électriques de 10 chevaux. L'énergie solaire est captée par 11.628 cellules photovoltaïques, réparties sur les ailes (10.748) et sur le stabilisateur horiziontal, à l'arrière (880), et stockée dans des batteries au lithium-polymère. © Solar Impulse / EPFL/Claudio Leonardi

    Vue d'artiste du HB-SIA. Avec une envergure de 63,40 m, l'appareil est plus large qu'un Airbus A340 (60,30 m). Il est tracté par quatre hélices mues par des moteurs électriques de 10 chevaux. L'énergie solaire est captée par 11.628 cellules photovoltaïques, réparties sur les ailes (10.748) et sur le stabilisateur horiziontal, à l'arrière (880), et stockée dans des batteries au lithium-polymère. © Solar Impulse / EPFL/Claudio Leonardi

    Vendredi 26 juin, Bertrand PiccardBertrand Piccard et André Borschberg présentaient un avion sur l'aérodrome de Dübendorf, en Suisse. Sa caractéristique ? Il est entièrement nouveau. Cent ans après les pionniers du plus lourd que l'air, cet avion-là a été intégralement réinventé, à commencer par la source d'énergie. Comme son nom l'indique, Solar ImpulseSolar Impulse s'alimente grâce à la lumière du Soleil, captée par près de 12.000 cellules, et n'embarque pas la moindre goutte de carburant. L'objectif n'est pas de faire un saut de puce... mais de réaliser le tour de la Terre.

    Ce n'est pas la première fois qu'un avion solaire vole. Le Gossamer Penguin, de Paul MacReady, l'a fait en juillet 1979, peu après la traversée de la Manche par le Gossamer Albatross, du même concepteur et propulsé par l'énergie musculaire du cycliste Bryan Allen. Quant au tour du monde sur petit avion, il a été réussi, sans escale, en 1986 par Jeana Yeager (sans parenté avec le célèbre pilote d'essai du même nom) et Dick Rutan. Leur Voyager était conçu par Burt Rutan, frère du pilote et devenu plus récemment célèbre avec ses SpaceShip et WhiteKnight. Mais l'appareil était doté de deux moteurs conventionnels. Le tour du monde sans carburant reste encore à réaliser...

    Initiateur du projet, Bertrand Piccard est loin d'être un farfelu ou un doux rêveur. En 1999, il réalisait le tour du monde en ballon sans escale, en compagnie de Brian Jones, à bord du Breitling OrbiterOrbiter 3. Ce sens de l'aventure tient de famille. Bertrand est le petit-fils d'Auguste (1884-1962), physicienphysicien suisse et explorateur vertical, « savanturier » selon l'expression forgée pour lui. Frère d'un aéronaute (Jean), Auguste est le premier homme, avec son assistant Paul Kipfer, à atteindre la stratosphèrestratosphère le 27 mai 1931, à bord d'un ballon libre. Sa personnalité inspirera Hergé pour le personnage du professeur TournesolTournesol.

    A 76 ans, Auguste descend au point le plus profond de l'océan mondial, au creux de la fosse des Mariannes, dans le Pacifique, à plus de dix mille mètres de profondeur, avec, à ses côtés, son fils Jacques, père de Bertrand.

    Océanographe, Jacques Piccard, décédé en novembre 2008, a consacré sa vie à l'étude des océans et à plaider pour la protection des mers et des réserves d'eau douceeau douce.

    Mûri depuis plusieurs années, le projet Solar Impulse s'inscrit dans cette épopée familiale de la découverte de la planète mais aussi de sa protection et de l'étude de progrès techniques pour réduire l'impact des activités humaines. Bertrand Piccard a lancé son projet avec André Borschberg, un ingénieur suisse sorti de l'EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne), devenu pilote et homme d'affaires. Les deux savanturiers ont ensuite trouvé suffisamment de partenaires financiers et scientifiques, notamment l'Esa et Dassault Aviation, pour dépasser la taille critique.

    Le HB-SIA dans son hangar. On remarque les longues ailes recouvertes de cellules photovoltaïques (200 m<sup>2</sup> en tout). © Solar Impulse

    Le HB-SIA dans son hangar. On remarque les longues ailes recouvertes de cellules photovoltaïques (200 m2 en tout). © Solar Impulse

    Si un avion solaire peut voler, alors bien des machines peuvent tourner à l'énergie du Soleil...

    Aujourd'hui, le premier prototype du Solar Impluse est prêt et même déjà immatriculé. Il s'appelle désormais le HB-SIA (HB est le préfixe des immatriculations d'aéronefsaéronefs suisses, SI pour Solar Impluse et A parce que ce prototype est le premier). Plus petit que le futur modèle du tour du monde, l'appareil n'est pas pressurisé et sera limité à 8.500 mètres d'altitude (l'équipage étant bien sûr équipé d'une source d'oxygèneoxygène).

    Depuis le début de la réalisation du HB-SIA, en 2007, il a fallu réunir une cinquantaine de spécialistes, de six nationalités différentes, pour venir à bout des problèmes techniques, en particulier celui du poids. Ennemi héréditaire de l'aéronautique, il prend une importance démesurée sur cet appareil dont la puissance est nécessairement limitée. Le choix des matériaux et le dimensionnement des éléments de structure ont dû ressembler à un casse-tête. « Tout ce qui ne casse pas présente le risque potentiel d'être trop lourd ! » résume André Borschberg.

    La faiblesse de l'apport en énergie avait de quoi faire abandonner le projet. Au cours d'une journée complète de 24 heures, la puissance fournie par le Soleil varie d'un millier de wattswatts par mètre carré à midi à zéro durant la nuit, soit une moyenne de 250 watts par mètre carré. Le SIA porteporte 200 mètres carrés de cellules photovoltaïquescellules photovoltaïques dont le rendement est de 22% (on sait faire mieux mais avec un poids plus élevé) et sur l'ensemble de la chaîne de propulsion, de la cellule solaire à l'hélice, le rendement n'est que de 12%.

    Résultat, la puissance moyenne disponible est de 6 kilowatts, soit 8 chevaux. C'est la puissance fournie par le moteur du Flyer des frères WrightWright pour leur premier vol historique en 1903...

    Le <em>Gossamer Penguin</em>, premier avion solaire piloté, photographié le 25 juillet 1979 (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Pour une question de poids, c'est un enfant de 13 ans qui est aux commandes, Marshal MacCready , fils du concepteur, Paul MacCready. Les vols suivants seront réalisés par Janice Brown, contrainte à un dur régime alimentaire pour que l'ensemble pilote et machine ne dépasse pas 69 kg. Quatre ans plus tôt, le Sunrise 1 avait réalisé le premier vol à énergie solaire mais sans pilote. En 2001, la Nasa a démarré le <a href="//www.futura-sciences.com/fr/news/t/univers/d/helios-ne-passe-pas-lepreuve-des-piles-a-combustible_2263/" target="_blank">programme Helios</a> pour réaliser un drone solaire capable de tenir l'air à très haute altitude durant une longue durée. Photo : Bob Rhine (<a href="http://www.dfrc.nasa.gov/Gallery/Photo/index.html" target="_blank"><em>Dryden Flight Research Center Photo Collection</em></a>)

    Le Gossamer Penguin, premier avion solaire piloté, photographié le 25 juillet 1979 (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Pour une question de poids, c'est un enfant de 13 ans qui est aux commandes, Marshal MacCready , fils du concepteur, Paul MacCready. Les vols suivants seront réalisés par Janice Brown, contrainte à un dur régime alimentaire pour que l'ensemble pilote et machine ne dépasse pas 69 kg. Quatre ans plus tôt, le Sunrise 1 avait réalisé le premier vol à énergie solaire mais sans pilote. En 2001, la Nasa a démarré le programme Helios pour réaliser un drone solaire capable de tenir l'air à très haute altitude durant une longue durée. Photo : Bob Rhine (Dryden Flight Research Center Photo Collection)

    Malgré son envergure de 63,40 mètres, celle d'un avion de ligne, le SIA ne pèse que 1.600 kgkg, celui d'un avion de tourisme bimoteur. La vitessevitesse de croisière de 70 km/h, elle, rapproche l'avion solaire des pionniers de l'aviation.

    Les grandes ailes portent quatre moteurs électriques, de 10 chevaux chacun. Les 11.628 cellules photovoltaïques en siliciumsilicium monocristallin ne sont épaisses que de 150 micronsmicrons, ce qui assure la flexibilité des ailes, indispensable. Durant la journée, une partie de l'énergie captée est emmagasinée dans des batteries au lithiumlithium-polymèrepolymère à raison de 220 Wh/kg. L'ensemble pèse 400 kg, donc le quart du poids total, et assurera seize heures de vol, de quoi passer la nuit en l'air.

    L'équipe suisse progresse lentement mais sûrement. Le premier vol sur le HB-SIA est prévu cette année, de jour uniquement. Le premier vol de nuit sera réalisé en 2010. Au terme de ces essais, un second prototype, plus grand, sera construit. C'est avec ce HB-SIB que les pilotes commenceront des vols longs qui dureront 24 heures et plus. Si tout va bien, en 2012, l'appareil effectuera son premier grand test et traversera l'Atlantique.

    Alors seulement commenceront les préparatifs pour le tour de la planète. Le voyage durera 25 jours, en cinq étapes de cinq jours et cinq nuits. Ces arrêts obligatoires sont commandés non par l'autonomieautonomie de l'avion mais par celle de l'équipage...

    L'avion du futur sera-t-il solaire ? L'hypothèse est hardie. Et ce n'est pas du tout ce que veut prouver l'équipe du Solar Impulse. « L'aviation n'est responsable que de 5% des gaz à effets de serregaz à effets de serre, a expliqué Bertrand Piccard au moment de la présentation de l'avion. Si l'on réussit notre pari, plus personne ne pourra prétendre qu'on ne peut pas utiliser les énergies renouvelablesénergies renouvelables pour les voituresvoitures, les chauffages, la climatisationclimatisation ou l'industrie. »