Dans une étonnante simulation de l’expérience de Miller, une équipe franco-italienne vient de démontrer l’efficacité de champs électriques puissants pour former des molécules d’acides aminés. « Nous ne proposons pas de scénario pour l’apparition de la vie, explique à Futura-Sciences l’un des chercheurs, Marco Saitta. Nous suggérons une nouvelle piste aux spécialistes de la chimie prébiotique. »

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    L'idée de la « soupe primitive », dans laquelle aurait longtemps mariné une chimie prébiotique ayant conduit à des moléculesmolécules complexes, notamment des acides aminésacides aminés, des protéinesprotéines ou des acides nucléiquesacides nucléiques vient probablement de la spectaculaire et célèbre expérience de Miller (ou de Miller-Urey), en 1953. Dans certaines conditions avec notamment des arcs électriquesarcs électriques, un mélange gazeux assez simple (méthane, ammoniacammoniac, hydrogènehydrogène et oxygène) produit de l'urée, de l'acide cyanhydriqueacide cyanhydrique, du formaldéhydeformaldéhyde et quelques autres composés, dont des acides aminés. L'expérience a été réitérée de nombreuses fois depuis, en faisant varier les conditions, notamment les composés initiaux, au fil de nouvelles idées sur l'atmosphère primitive de la Terre. Jamais, cependant, des molécules vraiment complexes, comme des protéines et des acides nucléiques, n'ont pu être obtenues. 

    Aujourd'hui, deux chercheurs, Antonino Marco Saitta, de l'institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie à l'université Pierre et Marie CurieMarie Curie (Paris-6), et Franz Saija, l'institut de PhysiquePhysique-chimiechimie de Messine (Italie), viennent de la reproduire d'une manière complètement nouvelle : à l'aide d'une simulation sur ordinateurordinateur, c'est-à-dire à partir de rien d'autre qu'une série d'équationséquations quantiques, comme celle de Schrödinger, décrivant les électronsélectrons autour des atomesatomes constituant une molécule. « Depuis une trentaine d'années dans le monde, et depuis 10 à 15 ans en France, nous explique Marco Saitta, on sait modéliser ainsi de nombreuses molécules. Nous avons voulu essayer cette méthode sur l'expérience de Millerexpérience de Miller... » Leurs résultats viennent d'être publiés dans les Pnas.

    Stanley Miller posant pour le photographe et simulant une démonstration de sa célèbre expérience. Elle a depuis été répétée de nombreuses fois avec des variantes. La dernière en date est virtuelle. © universe-review

    Stanley Miller posant pour le photographe et simulant une démonstration de sa célèbre expérience. Elle a depuis été répétée de nombreuses fois avec des variantes. La dernière en date est virtuelle. © universe-review

    Une nouvelle voie pour les études sur l’apparition de la vie

    Dans la soupe originelle, les deux chercheurs ont ajouté du monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (absent dans la première version de l'expérience de Miller) et ils ont simplifié le problème en réduisant la duréedurée de cette expérience virtuelle. « Miller avait une semaine. Nous, nous avions une dizaine de millième de nanoseconde... » L'ordinateur a donc travaillé non sur un gazgaz mais sur un état condensé, ce qui a eu pour effet d'accélérer l'opération. Au début, les scientifiques n'ont obtenu aucun résultat. « Mais quand nous avons ajouté un champ électriquechamp électrique au-dessus d'un certain seuil, alors nous avons vu arriver de nouvelles molécules ! » Dans les produits de la réaction figurait la glycine, un acide aminé (le plus simple d'entre eux).

    De plus, une autre molécule, jouant le rôle d'intermédiaire, est apparue : le formamide. Composée d'un atome de carbone relié à un azoteazote, un oxygène et un hydrogène, elle peut conduire à la formation de molécules plus complexes ou bien, à l'inverse, en acide cyanhydrique et en eau. « C'est une plaque tournante de ces réactions, résume Marco Saitta. Nous avons même ajouté dans nos simulations, ce qui a conduit à d'autres molécules. N'oublions pas que le formamide a été récemment découvert dans l'espace, autour d'étoilesétoiles en formation. »

    Le champ électrique, cependant, doit être très intense, de l'ordre de 50 millions de voltsvolts par centimètre. « Notre chance est que notre institut est très multidisciplinaire. En discutant avec nous, des minéralogistes nous ont appris qu'à la surface de toutes sortes de minérauxminéraux, l'argile par exemple, de tels champs existent à très petite échelle, disons sur des distances couvrant quelques atomes, et sont même parfois bien plus intenses. »

    Y a-t-il là un scénario pour l'apparition de la vie ? Les deux chercheurs se gardent bien d'en proposer un. Ils ne sont pas spécialistes du sujet. Mais, pour eux, cette intervention inattendue des champs électriques (une source d'énergieénergie comme une autre UVUV solaires, chaleurchaleur..., et le rôle du formamide déjà considéré comme un élément clé de l'apparition de la vie représentent une nouvelle piste. D'autres l'exploreront sans doute...