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À 7 h 01 ce matin, Bertrand Piccard a fait décoller l'élégant HB-SIA de l'aéroport de Toulouse-Francazal pour un vol de retour vers Payerne, en Suisse, que l'avion solaire avait quitté le 24 mai dernier. L'arrivée est prévue ce soir vers 20 h. Comme le fait remarquer le communiqué de Solar Impulse et le doodle (service de GoogleGoogle pour planifier une réunion ou réaliser un sondage) du jour, ce périple de plus de 6.000 km se termine à la date du 115e anniversaire de la naissance d'Amelia Earhart. Première femme pilote à avoir traversé l'Atlantique, l'aviatrice a disparu le 2 juillet 1937 dans l'océan Pacifique alors qu'elle tentait, avec Fred Noonan, d'effectuer le tour du monde.
C'est aussi l'objectif de Solar Impulse avec un appareil en cours de constructionconstruction, le HB-SIB. Comme à l'époque des pionniers de l'aviation, l'équipe a beaucoup de choses à inventer. Les avions à propulsion électrique ne sont toujours que des prototypes et, actuellement, seul le HB-SIA vole en utilisant uniquement l'énergie solaire, avec ses 11.628 cellules photovoltaïques. La construction du HB-SIB n'est pas une affaire simple : lors d'un test de résistancerésistance, le longeron d'aile a cassé net. La faible puissance des moteurs (10 chevaux chacun sur le HB-SIA) impose une chasse aux kilos superflus et tous les éléments de l'avion doivent être aux limites. André Borschberg, cofondateur de Solar ImpulseSolar Impulse avec Bertrand PiccardBertrand Piccard, confie à Futura-Sciences que le tour du monde sera tenté plutôt en 2015 qu'en 2014.
L'avion solaire HB-SIA au décollage le 24 juillet 2012 sur la piste de l'aéroport de Toulouse-Francazal. © Jean Revillard, Solar Impulse
Futura-Sciences : Solar Impulse avait déjà organisé de longs voyages, en Suisse et jusqu'à Bruxelles et Le Bourget. Celui-là était-il du même genre ?
André Borschberg : Non. Voler jusqu'à Ouarzazate était un objectif ambitieux pour nous. Lorsque cela nous a été proposé, nous nous sommes même demandé si c'était envisageable d'aller si loin avec un avion qui n'est qu'un prototype. Finalement, cela nous a paru intéressant pour nous et pour le symbole. Ce projet de Masen de centrale thermosolaire au Maroc est vraiment important pour le pays, qui veut atteindre 40 % de production d'énergie avec des sources renouvelables.
Globalement, l’avion s’est-il bien comporté ?
André Borschberg : L'avion a volé sans accrocs, sans panne. Les cellules ont toujours bien rechargé en énergie. Au niveau technologique, le fait que le prototype ait si bien fonctionné est vraiment remarquable. Cela nous donne une grande confiance.
Quels enseignements tirez-vous ?
André Borschberg : Nous avons pu bien mesurer l'importance de la géographie sur la météométéo. Nous avons dû annuler la première tentative de vol vers Ouarzazate, par exemple. Cela nous a enseigné qu'il faut toujours préparer un plan B... Ces 2 mois de vol ont été précieux aussi pour l'entraînement des équipes au sol et pour les pilotes. Nous avions fait avant des vols en simulateur mais se confronter à la situation réelle est indispensable.
Le HB-SIA volera-t-il encore ?
André Borschberg : Oui, le SIA volera encore. Mais pas tout de suite. Pour l'instant, l'équipe va se reposer. Ces 2 mois ont été très intenses ! Ensuite, notre priorité sera la construction du SIB, l'appareil qui effectuera le tour du monde.
Ce modèle suivant sera-t-il différent du SIA ? Sera-t-il biplace ?
André Borschberg : Vu de loin, il ressemblera beaucoup au prototype mais il différera à peu près dans tous ses éléments. Le cockpit sera plus large. Nous aurons bien plus de volume. Un siège passager est effectivement prévu. Il pourra donc faire des vols avec invités. Mais pour les longs trajets, il n'y aura que le pilote à bord.
Peu après le décollage de Toulouse, l'avion solaire piloté par Bertrand Piccard est en montée. Sous le soleil encore bas, le générateur solaire (solar generator power) ne fournit que le quart de sa puissance maximale. Les batteries (400 kg) sont tout de même à 71 %. Elles ne sont pas rechargées au sol : l'avion part avec la charge restant du vol précédent. Avec cette puissance de moteur faible (41 %), l'avion emmagasine plus d'énergie qu'il n'en consomme : les batteries se chargent en vol, comme si le réservoir d'un appareil classique se remplissait pendant le trajet... © Solar Impulse
Vous ferez alors des vols de plusieurs jours d’affilée. Est-ce possible ?
André Borschberg : J'ai déjà fait un vol simulé de 72 heures, au sol. Nous savons que c'est possible. Nous travaillons avec des ergothérapeutesergothérapeutes pour mettre au point des exercices et des mouvements à réaliser en restant assis...
Et ce tour du monde, c’est pour quand ?
André Borschberg : Nous venons d'avoir une mauvaise surprise avec la casse d'un longeron d'aile lors d'un test de charge. Nous sommes toujours juste en dessous de la limite. Pour ce longeron, nous utilisons des fibres de carbone. On sait bien faire une structure de ce genre avec une densité de 80 g/m2. Pour nous, descendre à 25 g/m2 doit être possible. Mais c'est difficile... Cet incident a été un choc pour l'équipe. Cela a aussi été un moment humainement très fort, où elle s'est soudée. Il va falloir travailler plus longtemps et je pense que le tour du monde aura plutôt lieu en 2015 qu'en 2014. Le chemin est long et pentu ! Nous avons dit « on va faire le tour du monde » et tout le monde s'est focalisé sur cet objectif. Quand les frères WrightWright ont fait voler leur premier Flyer, ils n'ont pas donné d'objectif de ce genre...