Le financement public des œuvres du 7e art est appelé à se réduire et cette situation a ouvert la voie à des initiatives privées. La cryptomonnaie KlapCoin se veut une solution complémentaire et entend offrir aux réalisateurs en herbe, au-delà d’un simple financement, les éclairages de professionnels du cinéma et aussi la manne inestimable constituée par les avis d’une communauté de cinéphiles.
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L'affiche d'un nouveau long-métrage se dresse sous nos yeuxyeux un matin, promesse de rires, d'une plongée dans les bas-fonds ou d'un voyage vers l'inconnu. Peut-être serons-nous tentés de nous rendre dans une salle obscure pour déguster cette aventure à l'unisson d'autres âmes, partageant cette expérience intense sur un mode éphémère.
Au moment où le film est annoncé, des années se sont souvent écoulées depuis l'inspiration initiale. Suite à cette étincelle primale, il s'ensuivit un parcours du combattant. La phase la plus longue n'est souvent pas celle que l'on croit. Il a fallu convaincre des comptablescomptables à bretelles, des bailleurs de fonds rasés de près, parfois séduits par la fougue du créateur et les facettes artistiques, mais le plus souvent soucieux de rentabiliser un investissement, quitte à avoir leur mot à dire sur le choix des acteurs, le bien-fondé d'une scène susceptible d'écarter le public des familles, ou encore le final de l'histoire. Cette étape, la pré-production, est un passage obligé bien déroutant.
La première halte du réalisateur en herbe est de solliciter l'argentargent public auprès d'un organisme, le CNC. Or, en 2018, Laurent Boutonnat, célèbre pour les clips qu'il a réalisés pour la chanteuse Mylène Farmer a pris la direction de ce fameux CNC. Dans le rapport qu'il a produit suite à sa prise de fonction, le réalisateur de Libertine a spécifié que l'argent public allait venir à manquer. Pourtant, en parallèle, la création est en ébullition et le nombre d'œuvres qu'il faudrait financer sur le sol français se démultiplie à la façon des balais porteurs de seaux qui viennent solliciter l'infortuné Mickey dans Fantasia. Il va de soi que la pandémiepandémie de 2020 n'a pas arrangé la situation.
En clair, le CNC pourra distribuer moins d'argent aux créateurs que par le passé et Laurent Boutonnat a appelé de ses vœux le relais d'initiatives privées.
Pourquoi une cryptomonnaie plutôt qu’un fonds classique ?
Lorsqu'ils ont envisagé le montage d'un fonds privé dédié au financement du cinéma, Sabine Tellier et Joël Girod ont eu pour démarche initiale d'impliquer des sociétés de gestion classiques et SOFICA (société de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel). Las, ces modes opératoires ne répondaient pas à leur aspiration de démocratiser le financement du cinéma.
Les échos venus du monde de la cryptomonnaie, des NFTNFT et du Web3Web3 sont venus s'immiscer dans le projet. Les capacités propres à la blockchain d'identifier et dater un acte artistique et de protéger les droits de création de chacun ont fait entrevoir un autre chemin. L'idée a donc émergé : « pourquoi ne pas créer la monnaie du cinéma français ? ». Peu à peu, ce mode opératoire s'est imposé comme une évidence : au-delà de la constitution d'un fonds, la possibilité de faire émerger une communauté autour du 7e art est apparue comme un atout inestimable. Sous l'égide de La DCF (Diversité du cinéma français), KlapCoin a ainsi vu le jour le 8 juillet 2021.
Quelles œuvres le KlapCoin pourrait-il financer ?
KlapCoin intervient sur cette partie spécifique de l'audiovisuel évoquée plus haut, celle du développement, et donc en amont du tournage effectif sur un plateau. Cette phase inclut notamment :
- l'écriture d'un synopsis ;
- le casting ;
- la définition des décors ;
- l'enrobemement sonore avec choix d'un compositeur ;
- la façon dont l'œuvre va être traitée.
Cette phase de pré-production qui se matérialise habituellement par un scénario détaillé est traditionnellement la plus longue. Elle amène à une première idée des coûts de réalisation, de ce qui sera faisable ou non.
Trois types d’actifs
Initiative française, KlapCoin voudrait ainsi faciliter cette phase d'éclosion et pour ce faire, trois types de participation ont été prévus, chacun étant basé sur la blockchain Tezos, réputée pour ses aspects écologiques et ses frais de traitement réduits.
- Un stablecoin, le KlapCoin, qui est adossé à l’euro. Il sert à constituer le fonds de financement.
- Un jeton de trading à émissionémission limitée appelé le LuxLux, échangeable sur les plateformes classiques de type Coinbase, et donc ouvert à la spéculation pour ceux qui affectionnent cette pratique. Le Lux donne lieu à un droit de vote et facilite à ce titre l'élaboration d'une communauté de cinéphiles actifs. L'accès à cette communauté est un atout majeur, que ce soit pour les fans du 7e art ou pour les producteurs qui peuvent capter le poulspouls du public sur l'airair du temps. Et pour mieux constituer un panel à l'image du public, il a été décidé que le moindre euro investi produit un droit de vote égal à celui des autres souscripteurs de la communauté. Toutefois, la possession d'un grand nombre de Lux donne accès à des bonus : avant-première, possibilité de se rendre sur un tournage...
- Une fraction de NFT attestant d'un investissement dans un portefeuille d'œuvres audiovisuelles développées à un moment donné. Une expression a naturellement émergé au passage : la « blockchainisation des œuvres audiovisuelles ». La blockchain est ici perçue comme un outil de préservation des intérêts de l'intégralité de la chaîne de production au sens le plus large.
La levée de fonds (l'ICO, pour Initial Coin OfferingInitial Coin Offering, en anglais) relative au KlapCoin a démarré le 28 avril 2022 avec une fin prévue au 30 septembre. C'est donc à partir de cette date que le financement effectif d'œuvres de l'audiovisuel va prend son envol.
À la rencontre de plusieurs mondes
Expliquer les vertus d'une monnaie dédiée au cinéma est en soi un défi, car un tel projet vise quatre types de communautés, pour l'essentiel disparates :
- les amateurs de cinéma ;
- les fans de crypto-actifs ;
- les professionnels de l'audiovisuel ;
- les financiers.
Bâtir un discours à même de convaincre ces quatre mondes est loin de couler de source. Comment choisir un vocabulaire qui parle à tous ? Tel est le défi rencontré semaine après semaine par Sabine Tellier et Joël Girod, conscients d'essuyer les plâtresplâtres au niveau mondial sur ce type d'initiative.
Un afflux de projets
Bien avant que ne soit achevée l'ICO, dès le mois de juin, une centaine de projets sont parvenus de manière spontanée à la DCF, qui rappelons-le supervise ces nouveaux fonds. La grande question : comment se passe la sélection des œuvres que le KlapCoin pourrait en venir à épauler ?
Un comité de sélection a pris forme et il est présidé par l'actrice Julie Gayet sous le parrainage du réalisateur Claude Lelouch. Dans le comité, figurent d'autres artistes ou intervenants de la chaîne de production audiovisuelle : Kev Adams, Jean David Blanc, Elsa Zilberstein, Patrick Braoudé...
La règle est simple : une fois qu'un projet a été retenu, la DCF se doit d'en assurer le financement.
Il est à noter enfin que le CNC a souhaité qu'à partir de 2023, chaque réalisation audiovisuelle puisse faire état des démarches entreprises par la société de production en matière d’écoresponsabilité. Chaque nouveau projet devra passer sous de telles fourches caudines pour prétendre à une subvention. Sans attendre, la DCF a jugé de respecter dès 2022 cette formule qui vise à étendre à l'environnement le type de règles déjà établies afin de protéger le bien-être animal.
Que le spectacle commence !...
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