au sommaire


    Les progrès réalisés sur les techniques de codagecodage jusqu'en 1990 avaient été constants, mais n'avaient pas permis d'atteindre la limite théorique calculée aux Bell Labs. À tel point que l'on commençait à s'habituer à l'idée que cette limite était inaccessible.

    L'arrivée des turbocodes. © Agsandrew, Shutterstock
    L'arrivée des turbocodes. © Agsandrew, Shutterstock

    Les ouvrages spécialisés contenaient généralement une introduction assez pessimiste sur la possibilité de concilier la théorie et la pratique. C'est en 1993, à Genève, lors du congrès International Conference on Communications, que les auteurs de cet article ont présenté une nouvelle technique de codage correcteur d'erreurs mise au point à l'École nationale supérieure des télécommunications (ENST) de Bretagne, à Brest : les turbocodes.

    Les principes mis en œuvre et les résultats obtenus ont pris de court l'ensemble des experts de la théorie de l'information. Comme on l'a déjà dit, il était en effet admis que concilier théorie et pratique, en matière de codage correcteur d'erreurs (appelé aussi codage de canal en télécommunication) et d'efficacité spectrale (efficacité spectrale : quantité d'information pouvant être transmise par unité de temps et par unité de bande passantebande passante [Hertz]), était un objectif irréaliste, ou au mieux une perspective de bien plus longue échéance. Les turbocodes permettent aujourd'hui de s'approcher à quelques centièmes de dB (dB décibeldécibel] : unité logarithmique de comparaison [gain ou perte]) de la limite théorique prévue par Shannon, alors que les codes mis au point jusqu'en 1990 en étaient éloignés de plus de 3 dB ! Ce fut donc une surprise, pour beaucoup, de voir arriver si rapidement une réponse convenable au « défi de Shannon ». L'étonnement fut encore plus grand de la voir arriver de France et d'un laboratoire à peu près inconnu.

    Invention des turbocodes

    L'invention des turbocodes ne découle pas d'une théorie linéaire et limpide, encore moins d'un beau développement mathématique. Elle est le fruit d'un long tâtonnement dont l'origine est à trouver dans les intuitions et les travaux de quelques chercheurs européens : Gérard Battail (France), Joachim Hagenauer et Peter Hoeher (Allemagne) qui, à la fin des années 1980, annonçaient les promesses du traitement probabiliste (le traitement probabiliste associe aux valeurs binairesbinaires « 0 » et « 1 » des poids de vraisemblance qui sont mis à jour tout au long des différents traitements dans le récepteur, jusqu'à la décision finale) dans les systèmes de communications. D'autres auparavant, notamment aux États-Unis : Michael Tanner, Robert Gallager... avaient imaginé plus tôt des procédés de codage et de décodage précurseurs des turbocodes.

    La mise au point des turbocodes passa par de nombreuses étapes, très pragmatiques et souvent peu conformes aux dogmes du codage, et aussi par l'introduction de néologismes, tels que « concaténation parallèle » ou « information extrinsèque », aujourd'hui intégrés dans le jargon international de la théorie de l'information.