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Les nouveaux ingénieurs de gènes
L'évolution des relations entre l'Homme et les Sciences du vivant peut être envisagée en quatre grandes phases : le passage d'une biologie "descriptive" (classement des espècesespèces), à une biologie "explicative" par suite de l'essor de la biologie moléculairebiologie moléculaire, puis "transformatrice" par le génie génétiquegénie génétique et les biotechnologiesbiotechnologies, et désormais "impliquante" en raison des progrès de la génomiquegénomique conduisant l'homme à devenir sujet et objet de ses propres expériences. De nouvelles technologies, issues principalement de la biologie moléculaire, de la chimie et de l'informatique ouvrent la voie à des médicaments et tests du futur et auront un impact profond sur les applications industrielles des sciences de la vie.
L'approche "descriptive" de la biologie était la seule utilisée quand, lors de la découverte de la multitude des espèces vivantes, il fallait les analyser, les classer, rechercher les parentés. Cette approche a ses avantages : clarté, fil directeur, filiations. Mais elle occulte les mécanismes fondamentaux de l'évolution biologique. La biologie de "transformation" est née avec la capacité de reprogrammer la vie. La biologie moléculaire a permis de comprendre les processus de base du fonctionnement des cellules, d'abord des bactériesbactéries, puis ensuite des cellules évoluées. Le génie génétique utilisant des enzymes de restrictionenzymes de restriction, des ligasesligases, des vecteurs de transferts a permis de créer un véritable langage de programmation moléculaire.
La biologie est ainsi devenue une science de "traitement de l'information biologique" assistée par des moyens techniques puissants. Grâce aux biotechnologies, les sciences et techniques du vivant ont acquis une dimension industrielle : la transformation des biomatériaux et des cellules se réalisant à l'échelle de la planète, de manière compétitive et concurrentielle comme pour toute industrie, conduisant à des produits intéressant l'industrie pharmaceutique, agro-alimentaire, la chimie, l'environnement ou le secteur de l'énergie. Avec la génomique, la transgénie, la bioinformatique, cette évolution atteint un nouveau stade : la biologie devient "impliquante". Elle questionne directement l'homme sujet et objet, ingénieur des gènesgènes. Nous transformons la biosphèrebiosphère et cette transformation nous change de manière irréversible.
Deux exemples permettent d'illustrer cette évolution désormais classique: celui de la recherche pharmaceutique pour la production de nouvelles molécules et celui la mise au point de nouveaux vaccinsvaccins grâce aux biotechnologies et à la bioinformatique.
La recherche pharmaceutique moderne nécessite des moyens importants, non seulement en chimie organique, mais aussi en biologie moléculaire, génétique ou bioinformatique. En plus du savoir-faire des chercheurs, il est indispensable de disposer d'une logistique technique de premier plan. Cette logistique peut être obtenue par la mise en commun de matériels appartenant à plusieurs laboratoires. Par ailleurs, l'échange d'information est une des clés de la réussite. Les laboratoires français pèchent souvent par manque de communication, ce qui réduit les effets de synergiesynergie indispensables à la mise au point de nouvelles molécules. Par exemple, la chimie combinatoire ou les études de récepteurs membranaires ont mis plus longtemps à s'imposer dans la recherche pharmaceutique française que dans les laboratoires américains ou anglais.
Mais grâce à des efforts importants réalisés par les pouvoirs publics et les grandes entreprises privées dans le domaine notamment des biotechnologies, la France dispose aujourd'hui de moyens accrus, non seulement pour rester dans la course, mais aussi pour innover. Il faut savoir que ces recherches sont particulièrement longues et coûteuses. Si on prend l'exemple des nouvelles molécules issues des biotechnologies en Europe au cours des 16 dernières années, on considère que 50 nouveaux produits proviennent des biotechnologies. 350 nouveaux médicaments sont en développement. Le coût de développement d'une nouvelle molécule est de 3 milliards de F.
Le nombre d'entreprises européennes de biotechnologies était 716 en 1996. Elles sont aujourd'hui de 1100. La concurrence est donc sévère, particulièrement celle de l'Angleterre qui compte plus d'entreprises innovantes dans ces domaines que la France. La science vaccinale, quant à elle, est également transformée par l'essor des biotechnologies et des infotechnologies. Il s'agit principalement pour les premières du génie génétique, de la génomique ou de l'immunotechnologie et pour les secondes, de la bioinformatique, des réseaux de communication multimédia interactifsinteractifs et des bases de donnéesbases de données informatisées. La vaccinationvaccination nécessite en effet une approche complexe pour maîtriser le développement et la fabrication des vaccins, les stratégies vaccinales, le suivi des vaccinations, la vaccinovigilance, le stockage dans des bases de données des informations nécessaires aux chercheurs, formateurs, médecins, épidémiologistes, autorités sanitaires ou voyageurs.
La première phase de l'évolution des vaccins s'est effectuée grâce aux techniques classiques de la chimie et de la biochimie. Bactéries tuées, virus atténuésatténués en ont constitué les premières étapes, suivis par les vaccins "splittés", reconstitués, en sous-unitéssous-unités, associés à des adjuvantsadjuvants, et plus récemment par des vaccins de synthèse préparés à partir de peptidespeptides immunogènes ou de protéinesprotéines obtenues par génie génétique. La bioinformatique associée aux biotechnologies joue désormais un rôle important en permettant par exemple de comparer dans des bibliothèques de gènes les séquences les mieux adaptées à la synthèse et à l'expression de plusieurs antigènesantigènes différents par une souche vaccinalesouche vaccinale vivante. Ces vaccins vivants recombinants multivalents représentent une voie d'avenir. Autre approche, celle des vaccins à ADNADN. Les structures antigéniques codées par les séquences d'ADN correspondantes provoquent une réponse immunitaireréponse immunitaire spécifique. L'innovation concerne également les modes d'administration par voie non invasive, par la muqueusemuqueuse nasale ou par voie orale. Ces recherches et développements nécessitent une approche pluridisciplinaire faisant appel à la génétique moléculaire, à la chimie des peptides et des acides nucléiquesacides nucléiques, à l'immunologie, à la biologie cellulairebiologie cellulaire et bien entendu à l'informatique.
Les informations générées par les recherches et développements en vaccinologie, les essais cliniquesessais cliniques ou les suivis épidémiologiques, nécessitent d'avoir recours à une informatique adaptée, tant pour les relations entre chercheurs que pour la mise à disposition des résultats scientifiques, techniques ou cliniques. Le réseau InternetInternet, les bases de données avec moteurs de recherche, les cédéroms reliés à des sites Web offrent aujourd'hui une palette de moyens combinés, essentiels au développement de l'ensemble du secteur vaccinal et de ses relations avec le domaine pharmaceutique. L'essor d'Internet et du multimédia s'est fait en quelques années, nécessitant une formation adaptée pour les chercheurs, les étudiants, les médecins ou le personnel hospitalier. La quantité de données disponibles rend nécessaire la mise en œuvre d'une méthodologie de recherche pertinente liée à des modes de communication efficaces.