au sommaire
L'avènement des imprimantes 3D accessibles au grand public engendre une sorte de fantasme sur l'avenir très proche : l'impression 3Dimpression 3D sera-t-elle la nouvelle (et exclusive) façon de créer des objets ? Cette vision est-elle entièrement fausse, hâtive, ou incomplète ?
Imprimante 3D : un fantasme prématuré et absurde
« Il y a une sorte de pensée magique chez les geeksgeeks aujourd'hui autour de l'impression 3D », s'énerve Christopher Mims pour la Technology Review. Alors que les imprimantes 3D deviennent accessibles aux amateurs - la Thing-o-Matic de MarkerBot ne coûte que 1.100 dollars - et que Pirate Bay estime que les « physibles » (les plans d'objets qu'on peut réaliser via des machines 3D et qui s'échangent dès à présent sur The Pirate Bay) sont la nouvelle frontière du piratage, des penseurs comme Tim Maly pensent que nous approchons de la fin de « l'expédition ». C'est-à-dire qu'il sera bientôt plus coûteux d'expédier une pièce depuis la Chine ou de n'importe quel endroit où elle est fabriquée, que de la fabriquer soi-même. Bref, nous devrions commencer à prendre pour réel les fantasmes que décrit l'écrivain de science-fiction Cory Doctorow dans son roman Makers ou dans sa nouvelle Printcrime, explique Mims : un monde dans lequel n'importe quel objet peut rapidement être synthétisé, fabriqué.
« Ce n'est pas seulement prématuré, c'est absurde », rétorque Christopher Mims. « L'impression 3D, comme la réalité virtuelleréalité virtuelle avant elle, est une de ces technologies qui suggère une tendance à l'adoption longue et élevée du fait des progrès rapides des systèmes dont nous disposons dès à présent. » Pour autant, cela n'a pas été le cas de la réalité virtuelle et il est probable que ce ne soit pas le cas de l'impression 3D, estime l'éditorialiste.
La stéréolithographie et les progrès de l'impression 3D
Pourtant, Christopher Mims ne porteporte pas un regard hautain sur l'impression 3D. Il la connaît bien et n'est pas en reste de projets étonnants. Il évoque ainsi les progrès du prototypage rapide utilisé par des designers industriels comme ceux de DesignWorks qui utilisent des scanners 3D et des imprimantes 3D industrielles (comme celles d'Objet) pour apporter 3 dimensions à des objets issus du monde du jeu, des films ou des dessins animés, comme de créer des poupées de personnages de la série Doctor Who d'une manière plus rapide que ne le permettait la sculpture qu'on utilisait jusqu'alors.
La stéréolithographiestéréolithographie qui est à la base de l'impression 3D et qui permet de déposer des couches de matières pour construire un objet, permet de mêler dans un même objet différents types de matières. Certains envisagent ainsi de l'utiliser pour construire des moteurs de fuséefusée hybrideshybrides (solides et liquides) permettant d'obtenir à la fois de fortes poussées dans l'atmosphèreatmosphère et des poussées en absence d'atmosphère. D'autres, comme n3D Biosciences, utilisent cette technique pour construire de nouveaux types de cellules, permettant de les doter de propriété qu'elles n'avaient pas auparavant comme le magnétisme, explique encore Mims. D'autres enfin ont utilisé la technique de l'impression 3D à grande échelle pour construire par exemple un moteur d’avion, dont les pièces ont été réalisées par l'entreprise spécialisée Stratasys. Bien sûr, si les pièces du moteur tournent vraiment, celui-ci ne fonctionne pas réellement : il demeure un prototype grandeur nature. Visiblement, Stratasys, spécialisée dans les impressions 3D grands formats permet d'envisager d'autres types d'applications que celles que permet le prototypage rapide traditionnel, explique encore Christopher Mims.
Pour autant, même si le spécialiste connaît bien les promesses de cette technologie, il se veut réaliste. « De là à ce que l'impression 3D - cette technologie qui promet de reproduire tous les produits que nous utilisons - devienne mature à une échelle de temps raisonnable, c'est s'engager dans un déni complet de la complexité de la fabrication moderne, voire dans une méconnaissance des défis du travail de la matière. »
Et Christopher Mims de détailler les progrès qu'il y a encore à accomplir, à voir dans la page suivante.
Par Hubert Guillaud