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Monde de la matière et monde digital, où nous conduit leur évolution commune ? Aujourd'hui, les matériaux sont complexes (hybrideshybrides, fonctionnels, intelligents), prédéterminés par une combinaison d'informations numériquesnumériques, tandis que les humains, les objets et les données interagissent entre eux dans le même espace-temps.
Gyroïde. © Parcly Taxel, wikimedia commons, License ArtFree
Comment appréhender la matière dans ce monde de plus en plus virtuel où le matériel et le digital s'enchevêtrent ?
Les néo-matériaux réfléchissent nos capacités
La matière réfléchit nos performances, et surtout les concrétise. On y retrouve la sensibilité subtile, avec des capteurscapteurs, la mémoire illimitée, les contrôles et les calculs. Les nouveaux matériaux frappent par leur multiplicité et la diversité de leurs applications. Ils deviennent capables de comportement, portent en eux-mêmes leur ordonnancement, la logique de leur structure, ce qui permet des propriétés souvent modulables. Cette variabilité est tributaire de l'information. Avec les matériaux actuels, on va vers un rapprochement entre l'intellection et le réel, notamment avec les métamatériauxmétamatériaux qui ouvrent de nouvelles perspectives. Ils devraient se prêter à la fabrication de matériaux structurés reconfigurables, capables de modifier leur fonction en changeant leur forme, adaptatifs et réactifs à leur environnement.
La technique de fabrication additive : la forme programmée
Le numérique est largement impliqué dans l'anatomieanatomie des surfaces. Le dessin 2D (à plat) ne permet pas d'avoir la perception et la représentation de la réalisation finale, tandis que les nouvelles techniques numériques de fabrication lient directement le design et le processus de représentation avec la fabrication elle-même. L'impression 3D permet de réaliser des formes qu'il était absolument impossible d'obtenir auparavant, comme la gyroïde.
Dans l'architecture contemporaine, on voit émerger une nouvelle matérialité ou tactilité digitale qui entraîne une rupture importante dans la polarité entre profondeur et surface. D'où la tentation d'un dépassement de toute référence à la logique structurelle, en allant vers l'abolition de la bipolarité spatiale traditionnelle (intérieur/extérieur, haut/bas, etc.).
La matérialisation de l’information, l’interprétation de la mémoire
L'information numérique est attachée à une représentation physique qui peut être un trou dans une carte perforée, l'orientation du spinspin d'un électronélectron, l'état d'un neuroneneurone ou une configuration ADNADN... Pour réaliser les composants électroniques les plus complexes, on dénombre aujourd'hui plus de 1.500 étapes élémentaires (dépôt d'une couche, gravuregravure, nettoyage, planarisation). La tendance est à la réalisation de structures tridimensionnelles (3D) embarquant plusieurs composants électroniques de façon native, c'est-à-dire qu'au sein d'une seule puce on retrouve des fonctions de calcul, de détection et de stockage.
Les organisations sont aujourd'hui enchevêtrées dans leurs systèmes d'information. Les workflows encodent les procédures, les processus et les règles de fonctionnement. En utilisant des tableurstableurs et des bases de donnéesbases de données pour la transmission de notre mémoire, nous passons d'une forme narrative, linéaire, à des formes profondément relationnelles. Il nous faut donc prêter attention à ce que les technologies numériques effacent dans le processus d'arbitrage de la mémorisation, mais aussi aux mutations de mémoire qu'elles permettent.
Le concept de matière communicante
Aujourd'hui, l'informatique tend à devenir ubiquitaire, invasive dans chaque objet qui sera bientôt capable d'entrer en relation de façon intelligente avec son environnement. Avec les progrès de la miniaturisation, on envisage de disséminer des nano-réseaux de capteurs sans fil enfouis directement dans une matière, en concevant des algorithmes de dissémination fondés sur les réseaux de neurones multicouches. C'est une vision futuriste que d'imaginer que la matière soit communicante au niveau cellulaire/moléculaire (Kubler, Centre de Recherche en Automatique de Nancy, 2012). La matière devient un vecteur mobilemobile d'informations, doté des capacités d'une base de données. Après les bases de données orientées objet, parlera-t-on bientôt de bases de données orientées « matière » ?
Découvrir le livre de l'auteur
« Quel nouveau regard portons-nous sur la matière dans un monde où l'humain, le digital et le matériel se rejoignent ? Forte d'une expérience dans le numérique et les matériaux, je veux éveiller la curiosité des personnes en prise avec la matière tangible, qu'il s'agisse du textile ou d'autres matériaux. Le monde des technologies numériques semble nous éloigner des perceptions matérielles. Alors, peut-on vraiment encore s'approprier le réel et parler de communication humaine ? » Christine BrowaeysChristine Browaeys, PUG, 2019.
Cet ouvrage met en perspective l'évolution des matériaux et du numérique, source de nouvelles réalités hybrides. Il repose la question de la matérialité qui permet de comprendre comment se construit notre relation au monde.