De nouvelles synergies émergent qui font évoluer la filière textile vers une filière matière qu'on pourrait nommer « texturgie », car on y crée de nouvelles matières sensibles en combinant textures textiles et technologie. Les « supra-textiles » sont adaptatifs, à performances physico-chimiques et dynamiques, bio-inspirés et bioactifs, biocompatibles, recyclables, communicants, etc.

RétinA explore le potentiel image d’un textile « augmenté », surface souple, organique et communicante. © Sultra&Barthélémy, tous droits réservés
RétinA explore le potentiel image d’un textile « augmenté », surface souple, organique et communicante. © Sultra&Barthélémy, tous droits réservés

Le textile bio-inspiré et durable

Après avoir développé de nouveaux textiles comme matériaux de substitution à des fins de développement durable, l'industrie textile vise le challenge d'une véritable ingénierie bio-inspirée permettant d'accéder à de nouveaux matériaux textiles fonctionnalisés et durables. L'ingénieur-designer est au cœur de ce dispositif, car toute technologie est appliquée dans un contexte social auquel il faut accorder autant d'attention qu'aux questions techniques.

Avec la démarche d'éco-conception, la recyclabilité des matières devient la norme : récupération d'une nouvelle granulation avec les fibres polymères, recyclage chimique et génération de nouvelles matières (viscose et monomères purs) avec les mélanges de fibres polyester et coton. La biodégradabilité des fibres est aussi une propriété essentielle s'il s'agit de produits jetables.

Gaston Bachelard : « Nous comprenons la Nature en lui résistant. »

Le textile ultra-personnalisé

Dans le domaine de la santé, on ne compte plus les fonctionnalités des textiles intelligents : diagnostic, délivrance de médicaments, suivi de signes vitaux, détection d’infections, implants... Des savoir-faire traditionnels comme la broderie, la rubanerie ou la dentelle interviennent dans la fabrication de ces textiles instrumentés. Mais il reste encore à lever des verrous technologiques (miniaturisation, énergie, assemblage spécifique, durabilité...).

En permettant la conception de formes extraordinaires, la fabrication additive révolutionne l'industrie du textile. Son atout est d'être ultra-personnalisable, ce qui est une réelle opportunité pour le marché du prêt-à-porter. Elle réunit aussi les deux bouts de la filière textile, depuis la chimie des polymères jusqu'à la conception finale du vêtement. L'impression 3D du textile se fait par micro-tissage de fibres avec une technique électro-chimique appelée « electrospinning ». L'impression 3D en PLA, polymère produit à partir d'amidon de maïs, pourrait remplacer les techniques de flocage polluantes (utilisant de l'encre et/ou de la colle).

La matière textile communicante

Les textiles composites peuvent incorporer un réseau de microcanaux de fibres, à l'image des veines qui quadrillent le corps humain, pour détecter un dommage potentiel de structure et la renforcer (autoréparable). Avec les progrès de la miniaturisation, on envisage d'incorporer des flux d'informations dans un textile, voire d'y disséminer des nanoréseaux de capteurs sans fil enfouis dans une matière communicante. La connectique devient donc une matière à part entière, ce qui est un réel enjeu pour les « textiliens ». Aujourd'hui, le textile, matière souple et complexe, apparaît comme une solution évidente pour rendre réels des services dématérialisés (re-matérialisation). C'est le début d'une nouvelle façon de penser la matière, une matière « augmentée ».