au sommaire
Popularisée par de grands noms comme James Cameron et Andy Serkis, la motion-capture est une technologie que l'on connaît bien dans les films, mais moins dans les films d'animation. Elle permet de rendre les mouvements et les réactions des personnages de synthèse plus réalistes.
Dès les années 1910, la rotoscopie permet d'animer des personnages à partir d'acteurs humains. Une technique d'animation numériquenumérique plus récente, appelée motion-capture, s'inscrit également dans cette lignée, sauf qu'elle anime des images de synthèse et non des dessins à la main. « La motion-capture est la nouvelle rotoscopie. Les deux techniques sont différentes, mais la démarche est la même », déclare à Futura Gilles Penso, réalisateur et journaliste pour L'Écran fantastique.
La motion-capture consiste à traquer les mouvements des acteurs dans l'espace, pour ensuite les appliquer sur un modèle virtuel en trois dimensions. Celui-ci peut être un personnage humain ou un animal : pensons aux Na'vi humanoïdeshumanoïdes dans AvatarAvatar (2009) ou au chimpanzéchimpanzé César joué par Andy Serkis dans La Planète des singes : Les Origines (2011). Cette technique est « souvent utilisée dans les films réalistes », fait remarquer Thierry Brionnet, directeur pédagogique Cinéma 3D-FX et Music & Sound Design Isart Digital. Dans le cinéma d'animation, elle peut servir soit à créer un personnage réaliste, soit « pour aider l'animateur avec son animation ».
Comment fonctionne la capture de mouvement ?
Plusieurs dispositifs peuvent être utilisés pour suivre les mouvements. Dès les années 1980, des techniques de motion-capture à visée scientifique sont développées pour analyser les mouvements du corps humain. Elles peuvent s'appuyer sur divers capteurscapteurs, tels des potentiomètres attachés à un exosqueletteexosquelette porté par un être humain.
Mais la méthode la plus connue repose sur des traceurs optiques, typiquement des LEDLED ou des marqueurs réfléchissants, répartis sur une combinaison moulante et très peu seyante... La scène est filmée sous plusieurs angles par au moins deux caméras. Des détecteurs relèvent la position des marqueurs dans le champ de vision de chacune des caméras, c'est-à-dire sur une image en 2D. En combinant toutes ces données, un logiciellogiciel calcule la position de chaque marqueur dans l'espace et détermine sa trajectoire en fonction du temps.
“La motion-capture traque les mouvements du corps”
Au départ, la motion-capture avec traceurs optiques souffrait de certains inconvénients, notamment la résolutionrésolution trop faible des caméras ne permettait pas de distinguer des marqueurs trop proches. Ces derniers peuvent en outre être occultés du champ de vision de la caméra lorsque l'acteur bouge, ce qui oblige les animateurs à combler manuellement les positions manquantes ou bien à augmenter la quantité de caméras pour couvrir tous les angles. La technique de capture de mouvement à l'aide d'un exosquelette est alors avantageuse, puisqu'elle ne perd aucun des capteurs : ceux-ci sont attachés directement à l'acteur et mesurent la position et le déplacement des parties du corps sans l'aide de caméras. Ou encore, il est possible de s'affranchir des capteurs, ce qui a été fait pour animer Arthur et les Minimoys (2006) : « Il n'y avait pas de capteurs, mais une série de caméras qui suivaient les mouvements », révèle Gilles Penso.
Cependant, la motion-capture ne fait que suivre les mouvements du corps. « Il existe plein de subtilités que l'on ne peut pas capter, comme les yeuxyeux, les soulèvements de sourcilssourcils et les rides, indique Gilles Penso. Il y a encore un gros travail de l'animateur et du graphiste pour créer toutes les subtilités ».
La performance capture et les expressions du visage
À cette technologie, il faut aussi ajouter d'autres techniques, comme la performance capture, qui permet de donner plus de réalisme aux expressions du visage, et donc aux émotions du personnage animé. Les marqueurs sont placés directement sur le visage de l'acteur. Ce dernier est filmé de très près par une caméra HD fixée sur la tête. La position des marqueurs est repérée pour différentes expressions et transférée sur le personnage virtuel, dont le visage est ensuite animé en prenant en compte les propriétés mécaniques de la peau, comme l'élasticité.
La technique de la capture de mouvement continue de se développer de nos jours pour pallier des limitations toujours persistantes. Même la performance capture ne parvient pas à capter les émotions dans les yeux : « Quand une personne est en colère, son visage va se transformer, mais l'intensité de son regard va changer aussi, précise Thierry Brionnet. On doit trouver une autre façon de rendre cela ».
Cette technologie a été rendue populaire au cinéma par Andy Serkis en tant que Gollum dans Le Seigneur des anneaux : Les Deux Tours (2002). La technique de performance capture a ensuite fait grand bruit à la sortie d'Avatar (2009) de James Cameron. On le sait un peu moins mais il y a eu en réalité des précédents : la motion-capture a été utilisée pour animer le personnage Jar Jar Binks dans Star Wars, épisode I : La Menace fantôme (1999) et les spectateurs dans les arènesarènes de Gladiator (2000). Dans le cas de Gladiator, les réactions de pas moins de 2.000 figurants ont été filmées en motion-capture, puis répliquées en masse pour constituer un immense public enflammé hautement réaliste.
La motion-capture a fait son entrée dans le cinéma d'animation avec le peu connu Final Fantasy : Les Créatures de l'esprit (2001). Il s'agit pourtant du premier film à rechercher le réalisme des êtres humains en images de synthèse. « Ce film est considéré comme un échec. Il n'a pas beaucoup d'intérêt : autant utiliser de vrais acteurs », estime Gilles Penso. Puis, dans Le Pôle Express (2004), Tom Hanks incarne six personnages différents, d'âges variés, auxquels il prête ses gestes et ses expressions grâce à la performance capture, cette fameuse technique qui a ensuite été perfectionnée par James Cameron pour Avatar.
Face à une technologie capable de créer des humains virtuels ressemblant à s'y méprendre aux vrais, le rôle des acteurs au cinéma est remis en question. Finiront-ils tous en combinaison moulante, donnant leurs gestes et leur visage à des personnages virtuels toujours meilleurs qu'eux : plus beaux, plus jeunes, ou même plus vieux quand le scénario l'exige ?