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Dans le domaine des biotechnologiesbiotechnologies, la biologie de synthèse occupe une place particulière. Elle permet de mieux comprendre le vivant en essayant de le reproduire. Parfois, elle propose des solutions plus écologiques et plus économiques que la chimie de synthèse. Zoom sur ce secteur passionnant.
François Képès est fondateur et directeur de l'Institut de biologie des systèmes et de synthèse (iSSB40) et cofondateur du programme d'épigénomique de Genopole. Biologiste cellulaire, il est ancien élève de l'École normale supérieure et docteur ès sciences. Thomas Landrain est fondateur et président de La Paillasse et fondateur et CEO de PILI. Il est ancien étudiant de l'École normale supérieure et doctorant en biologie de synthèse.
En quoi consiste la biologie de synthèse ?
François Képès : On peut en parler de plusieurs manières et une seule définition ne suffirait pas. Si l'on prend la facette technologique, on peut dire qu'à tout moment dans l'histoire de l'humanité une technologie connaît des formes avancées. Pour le feu, ce fut le fait de pouvoir le produire de façon autonome plutôt que de passer dans une forêt après un incendie naturel pour récupérer des brandons. Ce fut un énorme pas technologique.
Avec les biotechnologies, c'est la même chose. En 2004, s'est produite une petite convergence historique qui a fait que toutes les formes avancées de la biotechnologie, assez diverses, se sont trouvées collectées sous un seul nom : la biologie de synthèse.
Quelles sont les approches favorisées par la biologie de synthèse ?
F. K. : La biologie de synthèse permet de faire des avancées fondamentales et de comprendre mieux le vivant. Souvent, le bon raccourci pour cerner un phénomène est d'essayer de le reproduire. À partir du moment où l'on a tenté d'enlever chaque ingrédient un par un et que l'on sait que chacun est nécessaire, on peut dire : « Voilà mon petit système, il est à la fois minimum et nécessaire pour reproduire tel phénomène vivant ». Ce type d'expérience permet d'apprendre quelque chose sur le vivant qui peut être tout à fait fondamental. Construire pour mieux comprendre est d'ailleurs un des aspects cruciaux de la biologie de synthèse.
La biologie de synthèse, quelle est sa place ? © angellodeco, Shutterstock
Thomas Landrain : La biologie de synthèse permet d'appliquer une approche technologique au vivant, à la biologie. Elle est très utile, car elle améliore considérablement les voies de compréhension et permet de maîtriser des processus biologiques. Par exemple, implémenterimplémenter une nouvelle information ou un nouveau circuit génétiquegénétique se fait de plus en plus facilement.
La biologie de synthèse bouleverse aussi la production : d'un seul coup, l'alternative biologique en ce qui concerne les biomatériaux et la bioproduction devient une alternative économiquement intéressante. Dans les années à venir, on va assister à une énorme vaguevague de remplacement de produits d'origine pétrochimique par des produits d'origine biologique. Cela aura comme conséquence de réduire drastiquement l'impact environnemental de notre société technologique.
Quelle place la biologie de synthèse occupe-t-elle dans les biotechnologies ?
F. K. : Depuis 10 ans, la biologie de synthèse a pris de l'essor. Un nombre grandissant de petites entreprises se réclame très clairement de la biologie de synthèse, mais la question de son potentiel est encore plus importante. Pour y répondre, on ne peut pas seulement se référer à la biologie, on doit aussi se référer à la chimie. La biologie de synthèse propose des solutions plus écologiques et plus économiques dans certains cas que la chimie de synthèse : par exemple, pour certains médicaments, la chimie offre des solutions au plan technique, mais pas du tout au niveau économique et industriel, parce que les rendements sont trop mauvais.
En 2006, Lux Research estimait qu'en 2016 un cinquième de la chimie américaine serait basée sur la biologie de synthèse. On va bientôt pouvoir le vérifier. Même si ce taux n'est pas aussi élevé, la biologie de synthèse occupe une place tout à fait considérable. Par exemple : le propane-1,3-diol ou PDO, un composé à la base de nombreux textiles, vêtements et moquettesmoquettes, était produit de façon classique par l'industrie chimique. DuPont et Tate & Lyle ont mis au point un processus de biomanufacture du PDO à des coûts tout à fait compétitifs. Pourquoi, alors, manufacturer ce produit dans un solvant toxique et coûteux, avec des catalyseurscatalyseurs qui sont des métauxmétaux rares, précieux et très polluants, alors qu'on peut le faire, grâce à un micro-organisme, dans de l'eau, du sel et du sucresucre à 37 °C ?
Évidemment, les choses ne sont pas si simples puisqu'il faut que le processus soit rentable, mais il existe déjà plusieurs cas et leur nombre augmente. De plus en plus d'étapes chimiques seront remplacées par des catalysescatalyses biologiques. Parfois, même, l'ensemble du processus sera totalement biologique.