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    La réalité virtuelleréalité virtuelle a tout pour devenir le média de demain. Petit à petit, elle redéfinit nos catégories mentales, notre identité, nos sociétés, notre économie. Pourtant, il se pourrait bien déjà que de nouvelles technologies annoncent son chantchant du cygne.

    La réalité virtuelle tient à un principe unique : le monde réel n'est pas assez souple pour se plier à notre volonté. C'est pourquoi il est nécessaire d'en créer un double, derrière l'écran. Quelle que soit la puissance des interfaces (les casques de réalité virtuelle, les télécommandes WiiWii, les gants haptiqueshaptiques, voire les connexions directes cerveaucerveau-machines), rien ne peut vraiment s'immiscer entre notre réalité et son double.

    Est-il possible de passer du virtuel au réel ? Ici, masques réalisés avec une imprimante 3D. © S zillayali, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0

    Est-il possible de passer du virtuel au réel ? Ici, masques réalisés avec une imprimante 3D. © S zillayali, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Certes, différentes passerellespasserelles existent déjà, dans les deux sens. La réalité augmentéeréalité augmentée propose d'enrichir notre environnement quotidien par des données numériquesnumériques. La réalité duale, au contraire, utilise des capteurscapteurs pour transmettre des données du monde réel vers l'espace numérique. La notion de monde miroir est une autre de ces passerelles. Dans ce cas, le monde virtuel est une copie, peut-être en temps réel, d'un lieu existant. Pour certains, l'avenir se situe d'ailleurs dans ces mondes miroirs, et ils envisagent une fusion future entre Google EarthGoogle Earth et Second LifeSecond Life. Cependant, malgré toutes ces connexions, les deux univers restent séparés, et le réel semble toujours aussi résistant au changement. Que se passerait-il si le vrai monde se révélait, à son tour, aussi fluide que son reflet virtuel ?

    C'est le désir de réaliser cette souplesse qui guide bon nombre de chercheurs en nanotechnologienanotechnologie. Cette nouvelle discipline est, en quelque sorte, une sœur jumelle de la réalité virtuelle, comme l'explique Mark Pesce, le gourou de la réalité virtuelle, dans Magic Mirror : « Toutes deux transforment le monde en code (que ce soit par la simulation ou par l'actualisation dans la structure même de la matière) et toutes deux proposent un univers idéalisé au hacker ».

    Aujourd'hui, la nanotechnologie se limite essentiellement à la création de nouveaux matériaux, mais les pionniers du domaine, notamment Eric Drexler (voir sa biographie), l'auteur des Engins de création, avaient en tête une vision autrement plus radicale : la fabrication moléculaire devait permettre de créer (ou détruire) n'importe quel type d'objet matériel.

    Ce projet reste pour l'instant utopique, et on ne sait même pas s'il sera réalisable un jour. Mais, tout comme l'uploading du cerveau peut être considéré comme un archétypearchétype nous permettant de penser l'identité numérique, les rêveries de la nanotechnologie moléculaire apparaissent comme l'horizon lointain des recherches d'aujourd'hui.

    Impression 3D

    Ainsi, il existe déjà une méthode pour passer du virtuel au réel. Ce sont les imprimantes 3D qui se montrent capables de créer divers objets, à partir d'un modèle réalisé grâce à un logiciellogiciel 3D. L'opération se fait en superposant les unes sur les autres des couches du matériel de constructionconstruction, en général un plastiqueplastique (mais certains ont utilisé du fromage ou du chocolat !).

    Ces imprimantes jusqu'ici très onéreuses, pourraient bien vite arriver entre les mains du grand public. À l'université de Cornell, une équipe a mis au point le FabATHome, avec les spécifications en open sourceopen source d'une imprimante 3D à bricoler soi-même (mais on peut s'aider en achetant des kits) pour environ 2.400 dollars.


    L’impression 3D est en train de révolutionner la façon dont nous concevons, développons et construisons les choses. Le futur de l’industrie sera donc certainement imprimé en 3D. Voici en vidéo un aperçu des plus folles impressions déjà accomplies. © National Geographic, Vice Motherboard, Oak Ridge National Laboratory, Solar Sinter, OpenElectronicsOrg, The Verge

    Les imprimantes 3D apparaissent comme la première esquisse de l'usine moléculaire de Drexler. Mais les artefacts ainsi élaborés ont beau trouver leur origine dans le numérique, ils restent des objets bien solides, classiques. Serait-il possible d'aller encore plus loin, d'imaginer une réalité virtuelle existant dans notre monde, mais possédant la même volatilitévolatilité que derrière un écran ? À l'université Carnegie Mellon, on travaille, en collaboration avec IntelIntel, sur le concept de réalité synthétique, nommée également « matière programmable ».

    Au centre de ce projet, de petits éléments de la taille d'un grain de sablesable, les catomes, munis de capteurs, de capacités de calcul et d'aimantsaimants capables d'attirer d'autres catomes. Les catomes n'existent pas encore ; plus exactement, ils n'existent pas à la taille prévue (1 mm), mais il existe déjà des prototypes beaucoup plus gros (voir ces vidéos).

    Les deux premiers catomes fonctionnels réalisés par l'équipe de Seth Goldstein forment l'ébauche d'un Claytronics. ©<em style="text-align: center;">Carnegie Mellon University, Claytronics</em>

    Les deux premiers catomes fonctionnels réalisés par l'équipe de Seth Goldstein forment l'ébauche d'un Claytronics. © Carnegie Mellon University, Claytronics

    Avec plusieurs millions de ces catomes, il deviendrait possible de créer des répliques d'objets, voire de personnes, qui se matérialiseraient en quelques secondes. Une véritable pâte à modeler électronique, d'où l'autre nom de cette réalité synthétiqueréalité synthétique : la « claytronique » (de clay, « argileargile » en anglais). Par exemple, lors d'une discussion avec un partenaire situé à distance, on pourrait créer un avataravatar solide avec lequel converser, directement chez soi, comme le montre cette vidéo promotionnelle du concept.

    Pour Seth Goldstein, un des chercheurs impliqués dans ce projet, « vous ne pourrez plus savoir, en vous asseyant près de moi, si je suis vraiment près de vous où si je suis ailleurs, tandis que je suis recréé en claytronique. Les particules seront suffisamment petites pour générer des cheveux et suffisamment robustes pour se déplacer dynamiquement en 3D ».

    Le <em>Low Res Man</em>, de Thomas Broomé. © DR

    Le Low Res Man, de Thomas Broomé. © DR

    Cela ressemble à de la science-fiction, mais pourtant, la claytronique, comme on l'appelle, devrait être plus facile à réaliser que la fabrication moléculaire nanotechnologique, car se situant malgré tout bien au-dessus du niveau nanométrique. À terme, on peut imaginer la création de holodecks, pour la plus grande joie des fans de Star Trek. Dans cette série TV (connue pour inspirer les geeksgeeks de tout âge et toute nationalité), le holodeck est une espèceespèce de salle de jeu capable de matérialiser n'importe quel environnement, apparemment sans nécessiter aucune interface particulière.

    Si les techniques de l'impression 3Dimpression 3D, de la claytronique, voire de la nanotechnologie se répandent, ce sera la fin de la réalité virtuelle au sens propre du terme. Et les mondes virtuels, doubles de notre univers de l'autre côté de l'écran, auront de moins en moins de raisons de se maintenir de façon autonome. Souhaitons que la puissance de l'imaginaire que véhicule la réalité virtuelle ne disparaîtra pas tout entière avec elle. Et parions que ces nouvelles technologies sauront créer un imaginaire tout aussi riche et fécond et pas seulement être des technologies au service de notre réalité.