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Vers la privatisation totalitaire de l'immatériel
Le businessman : Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter: elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque jamais personne avant moi n'a songé à les posséder.
Le petit prince : Moi, je possède une fleur que j'arrose tous les jours. Je possède trois volcansvolcans que je ramone toutes les semaines. Car je ramone aussi celui qui est éteint. On ne sait jamais. C'est utile à mes volcans, et c'est aussi utile à ma fleur, que je les possède. Mais tu n'est pas utile aux étoiles...
Il y a dans ce texte de Saint-Exupéry un renversement essentiel de vision qui explique peut-être le plus efficacement le rôle des libertés universitaires, la signification de logiciel librelogiciel libre, de ressource libre, d'expression libre.
Ce n'est pas tant la liberté des individus qui est en cause que celle des « mèmes » (au sens de Richard Dawkins (1), celle des idées, des concepts et des objets immatériels qui, pour se développer, s'enrichir et s'épanouir, ont besoin de circuler, de s'associer, de se confronter, de se fertiliser les uns les autres.
Cette écologieécologie des idées est essentielle au développement de la culture, de la connaissance, de la technique, de l'économie. Privée de liberté, elle végète, et c'est sans doute une motivation majeure des libertés universitaires. Il ne s'agit pas tant de privilégier une castecaste d'individus, mais plus simplement d'être « utile aux idées.»
Or justement, et particulièrement sous la pression des « businessmen », les idées et les biens immatériels deviennent de plus en plus des objets de propriété, privés de la liberté d'aller et venir. C'est tout l'objet de l'extension continue des différents outils de la propriété intellectuelle, droit d'auteur et brevet notamment. Essentiellement, et souvent délibérément, à l'insu du public, voire de ses représentants élus, des textes et des pratiques de plus en plus contraignants et restrictifs sont élaborés et mis en oeuvre dans les instances internationales : OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle), OEB (Office Européen des brevets), Commission Européenne (Direction Générale du Marché Intérieur) et bureaux nationaux de la propriété intellectuelle.