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Stocker toujours plus d'informations : ce défi est une des clés de l'informatique. Or, des chercheurs du Laboratoire de photonique et de nanostructures (LPN, CNRS) et de l'université de Cambridge viennent d'inventer une méthode qui ouvre des possibilités de stockage cent fois supérieures à celles actuelles. Leur secret ? Abandonner la classique approche des grains magnétiques et la remplacer par des couches de structures cristallines modifiées.
Recherche sur le stockage : demain, nos données conservées pour l'éternité ? © Ugoxuqu, Pixabay, DP
Le stockage magnétique à ultra-haute densité s'obtient actuellement en utilisant une couche continue des grains ferromagnétiques dont l'état magnétique sert de support à l'information stockée. Il faut environ mille de ces minuscules aimants pour enregistrer une information. L'augmentation de la densité de stockage passe donc par une diminution de la taille de grains. Malheureusement, les limites de cette approche sont presque atteintes. En effet, la taille minimale des bits contenant les grains magnétiques se situe aux alentours de 100 nm. En deçà, les perturbations thermiques sont trop fortes pour que les informations puissent être conservées de manière stable.
Croissance par épitaxie sélective des nanostructures Cu-Ni-Cu-Co. © DR
Un mille-feuille nanoscopique
Une solution est de graver une couche magnétique pour former des « cases » isolées. En collaboration avec des chercheurs de l'université de Cambridge, l'équipe du Laboratoire de photonique et de nanostructures (LPN) a donc cherché une méthode originale, non plus fondée sur un support discret (des cases séparées) mais continu (des couches métalliques très sensibles au magnétisme). L'idée consiste à changer les propriétés magnétiques du matériau utilisé en modifiant chimiquement son état de surface. Sur une base classique semi-conductrice de GaAsGaAs (arséniure de gallium), les chercheurs ont donc déposé une couche mince de nickelnickel (un nanomètrenanomètre d'épaisseur) dans certains endroits prédéfinis par lithographielithographie.
Jusque-là, rien que de très classique. L'originalité arrive avec le dépôt, sur l'ensemble du substratsubstrat, de multicouches de nickel, recouvertes de quelques dizaines de nanomètres de multicouches de cuivrecuivre et de cobaltcobalt. Ce mille-feuille nanoscopique est obtenu par épitaxie par jets moléculaires, une technique de dépôt de matériau qui permet de réaliser des couches très minces avec une excellente qualité de surface. Cette méthode est d'ailleurs utilisée pour fabriquer des diodes laserdiodes laser et des structures quantiques.
Le substrat ainsi préparé présente une structure polycristalline partout où se trouve le nickel de la première couche (celle d'un nanomètre d'épaisseur) et une structure cristalline partout ailleurs. Or, dans les zones polycristallines, la magnétisation est parallèle à la surface, et, dans les zones cristallines, elle lui est perpendiculaire. Cette anisotropieanisotropie magnétique est un excellent moyen de stockage. Les zones « perpendiculaires » sont plus appropriées pour enregistrer de l'information : elles sont plus stables car l'aimantationaimantation perpendiculaire occupe moins de place. Le stockage est cependant possible partout, selon les conditions d'enregistrement.
Autre avantage : la surface de stockage est parfaitement plate et lisse, sans les aspérités que présentaient les surfaces gravées. En outre, cette magnétisation modifiée est tout à fait adéquate pour faire de l'électronique de spinélectronique de spin. Enfin, en termes de stockage de haute densité, même si les expériences n'en sont qu'à leurs balbutiements, cette nouvelle technique ouvre de vraies perspectives : là où aujourd'hui les supports les plus denses acceptent environ 10 gigabits (109) par pouce carré, la méthode du Cambridge-LPN devrait offrir une résolutionrésolution proche du térabit (1012) par pouce carré, soit 100 fois mieux.