Qui compose le son des voitures électriques ? Pourquoi devraient-elles impérativement produire du bruit ? Et est-ce que le monde va devenir moins bruyant grâce à l'avènement de ces nouveaux véhicules ? Dans ce nouvel épisode d'INFRA, on part à la rencontre de deux experts en son, qui nous racontent comment ils ont composé la mélodie du nouveau Scenic E-Tech électrique, en compagnie du musicien Jean-Michel Jarre.
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(Note : ce texte est une transcriptiontranscription d'un épisode de podcast et a été annotée pour les personnes sourdes et malentendantes. Pour écouter l'épisode, cliquez sur le lecteur ci-dessous ou retrouvez INFRA sur votre app d'écoute préférée)
Certains se délectent de ses [une Aston Martin vrombit au démarrage], d'autres s'agacent de ses [une voiture thermique fait rugir son moteur]. Mais bientôt, le débat sera peut-être clos. Parce qu'à en croire les dernières tendances, l'avenir de la voiture s'écrit plutôt comme ça : [le son scintillant, dit « Glam », d'une ZOE en marche]. Ou bien comme ça [le son d'une JaguarJaguar I-PACE, évoquant un réacteur d'avion]. Quoi qu'il en soit, les [démarrage de voiture thermique], les [des voitures thermiques passent sur une route] ou encore les [une Ford Escort s'éloigne en pétaradant légèrement], c'est bientôt fini.
Pour profiter de l'expérience complète, écoutez l'épisode de notre podcast INFRA, dont est issu cet article, en cliquant sur Play. Pour une retranscription adaptée aux publics sourds et malentendants, cliquez ici. © Futura
Dans quelques décennies, préparez-vous, nous devrons expliquer à nos descendants pourquoi l'onomatopée de la voiture était vroum vroum [un bruit de moteur accompagne l'onomatopée], de notre temps. Mais avec la fin d'une ère s'ouvre un nouveau monde des possibles. Parce qu'une fois libérés du grondement mécanique des moteurs thermiquesmoteurs thermiques, instrument de charmecharme pour les amateurs de sportives, mais, reconnaissons-le, tout de même assez limité, les constructeurs automobilesautomobiles peuvent désormais se tourner vers tout un orchestre pour donner une voix à leurs créations.
Alors, comment compose-t-on le son de la voiture de demain ? À quelles régulations doit-on se plier ? Comment greffegreffe-t-on des cordes vocalescordes vocales sous un capot ? Et comment s'assure-t-on d'être entendu sans pour autant créer une nouvelle nuisancenuisance sonore ? Pour cet épisode d'INFRA, j'ai eu la chance d'interviewer Laurent Worms et Louis-Ferdinand Pardo, respectivement designer sonore et expert acoustique pour le groupe Renault. Ensemble, on parlera de VSP, de synthèse granulairegranulaire, d'écologieécologie sonore et du musicien Jean-Michel-Jarre. J'en profite pour préciser que cet épisode n'est pas sponsorisé donc je remercie Renault de nous avoir permis d'explorer les coulisses de leur processus de création. Avant de démarrer, pensez à vous abonner, et n'hésitez pas à nous dire ce que vous avez pensé de ce podcast à la fin de l'épisode.
Aux origines de la voiture électrique
Il est difficile de savoir exactement quand est née la première voiture électrique. Mais ce qui est certain, c'est que sa compétition avec les moteurs thermiques est bien plus rapprochée qu'on ne pourrait le penser. Les premières voitures électriques émergentémergent non pas dans les années 2000, avec l'avènement des TeslaTesla [un son de moteur Tesla qui grimpe en régime], ni dans les années 60, avec leurs designs futuristes et leurs familles endimanchées prêtes à conquérir l'espace [un son de vaisseau futuriste, issu de la série Les Jetson], ni même dans les années 1890-1900, en plein âge d'or de l'automobile électrique [un son de voiture électrique ancienne, qui fait résonner une petite cloche]. Non, les tout premiers chariots à batterie prennent la route autour des années 1830, soit moins d'une trentaine d'années après les premières expérimentations avec des véhicules à moteur thermique.
La paternité de la voiture électrique est... disputée, partagée entre l'Écossais Robert Anderson et le Hollandais Sibrandus Stratingh. Sans compter que leurs prototypes s'appuient sur les travaux d'Alessandro VoltaAlessandro Volta, inventeur de la pile, de Michael FaradayMichael Faraday, créateur de la dynamodynamo, de Thomas Davenport, constructeur du premier moteur à courant continucourant continu, d'Ányos Jedlik, le père hongrois du moteur électrique et de la dynamo, en tout cas, selon certaines sources, ou encore de Gaston Planté, concepteur de la batterie au plomb. Autant dire qu'à l'époque, les idées fusent et les étoilesétoiles s'alignent un peu partout dans le monde pour permettre à la motorisation électrique de prendre de la vitessevitesse. [Un grésillement électrique monte en tonalité, suggérant un moteur.]
1890 : l'âge d'or des véhicules électriques !
Et effectivement, pendant un petit siècle, les voitures électriques vont se multiplier sur les routes, principalement en ville, où elles offrent une option moins bruyante, moins nauséabonde, moins capricieuse, et plus sûre aux citadins. À Londres, on voit même apparaître les premiers taxis électriques, produits par la société Bersey Electric Cab, dès 1897. Surnommés les colibriscolibris, à cause de leur bourdonnement caractéristique, ils atteignaient une vitesse de pointe de... [roulement de tambour] 19 km/h. Pas de quoi s'accrocher à son chapeau, mais le service a tout de même connu assez de succès pour qu'une flotte de 75 véhicules soit déployée dans la capitale anglaise.
Bon, ceci étant dit, malgré ses nombreux avantages, l'électrique perd de la vitesse à partir des années 1910. En dépit de l'invention des batteries rechargeables dès 1859 et des services qui permettent d'échanger ses batteries vides pour des pleines, les conducteurs et conductrices restent frustrés par leur manque d'autonomie et des temps de charge qui feraient enrager n'importe quel utilisateur ou utilisatrice aujourd'hui. Ajoutez à ça le manque de stations de recharge, une vitesse qui ne dépasse pas les 30 km/h, l'amélioration des routes - qui appelle à des trajets plus longs -, la découverte de vastes réserves de pétrolepétrole ou encore la mise en place de la ligne d'assemblage chez Ford, qui permet de casser les prix de vente, et petit à petit, la voiture électrique décline au profit du moteur à combustioncombustion, toujours plus rapide, moins cher et capable de rouler sur des distances bien plus importantes. [Une voiture thermique passe à toute vitesse puis s'éloigne.]
Bilan salé pour le thermique
Mais, mais, mais, re-plot twist, puisqu'aujourd'hui, je ne vous l'apprends pas, la situation s'est complètement retournée. Parce qu'aussi économique soit-il, le moteur thermique possède un coût, qui devient de plus en plus difficile à ignorer. Un coût environnemental. Au niveau mondial, le secteur des transports représente entre 15 % et un quart des émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre, selon les sources. Le Parlement européen tend plutôt vers la seconde estimation au niveau de l'UE, et, surprise, lorsqu'on regarde dans le détail pour l'année 2019, la voiture est à deux doigts de dépasser tous les autres modes de transports combinés. 43,5 % des émissions de gaz à effets de serre liées aux transports sont attribuables aux voitures, loin devant les camions [un camion passe en klaxonnant], les navires, l'aviation [un avion traverse le ciel] ou le rail [un TER fait retentir son avertisseur].
Mais il y a une bonne nouvelle. Eh oui, puisque cette statistique indique qu'une grande partie de la solution se trouve entre nos mains, consommatrices et consommateurs. Si nous décidions toutes et tous, demain, de mettre nos voitures thermiques au rebut, nous pourrions avoir un impact encore plus grand qu'en obligeant tous les poids lourds à passer à l'hydrogènehydrogène ou au gaz de ville, par exemple. (Après, qu'on soit clair, tous les combats valent la peine d'être menés.)
Les alternatives à l'utilisation d'une voiture thermique sont nombreuses : covoiturage, transports en commun, vélo, marche, trottinette, roller ou même, pour les plus courageux et courageuses d'entre vous, gyroplanche. Et bien évidemment, si la voiture reste un élément essentiel de votre quotidien, vous pouvez passer à l'éthanol, à l'hydrogène, ou à l’électrique.
L'électrique : moins de composants, de pollution et... de bruit
Cette dernière, vous l'avez peut-être remarqué, connaît un véritable essor. En France, un quart des voitures vendues l'année dernière se branchaient sur secteur et près de 17 % d'entre elles étaient 100 % électriques. On n'entrera pas dans le détail de comment elles fonctionnent, mais pour faire simple, sous le capot, on fait le propre ! D'après l'Autorité irlandaise de l'énergieénergie durable, une voiture entièrement électrique compterait 90 % de composants mobilesmobiles en moins que son équivalent thermique. Exit la boîte de vitesses, bye bye les pistons, ciao l'embrayage [un bruit de ferraille qu'on balance par-dessus son épaule]. On remplace tout ça par un chargeur embarqué, un convertisseur continu-alternatif, une batterie et son système de gestion, et un moteur électrique. De quoi faciliter les contrôles techniques !
Et justement, ce moteur électrique, vous l'avez sûrement remarqué, est beaucoup plus discret que son pendant à combustion. À tel point que, en ville et à basse vitesse, une voiture électrique peut devenir virtuellement inaudible. C'est une excellente nouvelle pour nos oreilles, puisqu'en 2018, la Commission européenne plaçait les nuisances sonores dans le top des risques de santé pour les citadins. Mais cela génère aussi une nouvelle problématique : comment s'assurer que les piétons qui naviguent à l'oreille puissent continuer d'être alertés de l'arrivée d'une voiture ? Eh bien, pour répondre à cet enjeu, les constructeurs ont développé ce que l'on appelle un AVAS : Acoustic Vehicle Alerting System, le système d'alerte sonore pour véhicules. Autrement dit : un petit boîtier placé sous le capot de la voiture et capable de produire un son informant de son arrivée [un son de moteur électrique], mais aussi de sa vitesse [le son monte en tonalité] et même... de son modèle [sons consécutifs de Volkswagen ID.3, de BMW i4, et de ZOE] !
À la découverte des VSP
On appelle ce son « VSP », pour Vehicle Sound for Pedestrians, « son de véhicule pour piétons ». Avec les AVAS, c'est tout un nouvel universunivers créatif qui s'ouvre aux constructeurs automobiles. Et pour mieux comprendre comment on crée un son de toutes pièces, mais aussi à quelles contraintes, limitations réglementaires et obstacles physiquesphysiques les sound designers doivent s'adapter, j'ai décidé d'approcher l'équipe de Renault, dont la voiture électrique ZOE a été la plus vendue en France entre 2013 et 2018. Le son de cette citadine est reconnaissable entre mille et il est devenu incontournable dans les rues de la métropole française mais aussi dans d'autres pays d'Europe : [un son mêlant ronronnement mécanique et un son aérien ressemblant à de la flûte de pan]. Depuis, la marque a travaillé sur une toute nouvelle identité sonore et j'ai eu la chance de pouvoir discuter avec deux personnes qui ont été essentielles dans son processus de création.
[LOUIS-FERDINAND PARDO :] : « Bonjour, je suis Louis-Ferdinand Pardo et je suis expert acoustique pour le groupe Renault. Je travaille sur tous les sons qui font la vie à bord du véhicule, qui sont à l'adresse du conducteur, des passagers, mais aussi des personnes à l'extérieur du véhicule pour les prévenir et pour les sauvegarder. »
[LAURENT WORMS :] « Bonjour, je m'appelle Laurent Worms, je suis designer sonore dans l'équipe Experience Design de Renault Group et mon rôle consiste à travailler avec les équipes sur des nouvelles expériences sonores à bord de nos cockpits du futur. »
Partir d'une feuille blanche
Ces nouvelles expériences, elles ne ressemblent à rien de ce qu'on a entendu auparavant. Vous l'avez probablement remarqué avec les sons qu'on a joués juste avant : le VSP n'a pas vocation à imiter un moteur thermique, mais à créer une toute nouvelle identité sonore qui redéfinit notre rapport à la mobilité. C'est en quelque sorte un nouveau médium dont les codes n'ont pas encore été cristallisés.
[LAURENT :] « C'est un exercice extrêmement intéressant. Pourquoi ? Parce qu'on a déjà un champ des possibles qui reste quand même très large. Dans ce champ des possibles, nous on va partir d'une feuille blanche, on a cette chance-là. On a des véhicules aujourd'hui qui sont électriques, silencieux : on a une nouvelle définition à donner à cette expérience sonore extérieure. Pour travailler ces sons, nous, on part toujours de la marque ; des valeurs, de la marque, de son identité, de ses ambitions, de son ADNADN et de ce qu'elle va souhaiter véhiculer par le son. Alors pourquoi ? Parce qu'on considère, notamment avec Louis-Ferdinand, que la dimension sonore, c'est un nouvel outil d'exploration du registre émotionnel et on veut utiliser cet outil pour véhiculer, bien sûr, l'alerte, mais aussi avoir un design sonore qui soit en phase avec les éléments de design extérieur-intérieur de la marque. »
Quelques exemples ?
[LAURENT :] « Pour Renault, ce qui nous a inspirés, c'est la mobilité bienveillante. C'est un de nos piliers de marque. [Son léger et apaisant de Megane E-Tech.] Pour Dacia, ça va être plus la robustesse, la solidité, également l'outdoor. Donc ce qu'on appelle l'outdoor, c'est l'extérieur. On voit beaucoup de Dacia qui sont illustrées avec des environnements extérieurs, donc il faut que le son soit en phase avec ces éléments. Il ne faut pas que ça dénote avec la nature. Pour Alpine, on va être plus sur la performance, sur la légende aussi, sur la passion, sur tous ces champs sémantiques qui sont passionnants à transformer par le son. »
Ces deux derniers ne sont pas encore sortis, mais je vous invite à garder les yeuxyeux et les oreilles ouverts lorsqu'ils commenceront à évoluer dans nos rues.
Un AVAS né par nécessité
Alors, comment part-on de mots-clés, de valeurs, de design visuel pour arriver à un son qui épouse parfaitement l'identité d'une voiture ? Eh bien, avant même de se lancer dans le travail de création, il est important de prendre en compte certaines limitations. Parce que, qui dit « feuille blanche », ne dit pas non plus qu'on peut faire tout et n'importe quoi ! Les premières réglementations concernant l'AVAS ont débuté leur genèse autour de 2010, et elles répondaient alors à deux constats. Tout d'abord, un peu partout dans le monde, des personnes non-voyantes ont commencé à s'inquiéter de l'avènement de ces véhicules silencieux que sont les électriques et les hybrideshybrides. Une étude de 2009 démontre en effet que les accidentsaccidents avec ces dernières, beaucoup plus discrètes que les voitures thermiques, sont plus fréquents, en particulier à basse vitesse ou lorsqu'un véhicule recule. (Et ce, pas seulement pour les piétons ayant des troubles de la vue.) Le premier objectif est donc de créer un avertisseur audible, y compris au sein du boucan de la ville.
Une pub canadienne vante de manière humoristique le silence du nouveau modèle électrique de Volkswagen. © YouTube, Volkswagen
Deuxième constat : excités par la perspective de donner une nouvelle voix à leurs voitures, certains constructeurs se sont lancés dans des expérimentations... un peu trop originales. Des sonorités étranges et exubérantes comme les décrit Louis-Ferdinand, voire, carrément, une voix, avec un véhicule qui s'exclamait apparemment [illustré avec force coups de Klaxon dans cet épisode] : « Attention, j'arrive ! ». Du côté de la sécurité comme de l'écologie sonore, il y avait donc du pain sur la planche.
Des compositions réglementées
[LOUIS-FERDINAND :] « Forte de ces deux constats, la réglementation a lancé un chantier pour justement cadrer le fait qu'on rajoute du son aux véhicules à basse vitesse et donner à peu près le canevas du son qu'il faut rajouter. Il y a effectivement deux grandes réglementations dans le monde : une réglementation qui vient des Nations Unies, qui est très mondiale finalement, et qui va s'appliquer à l'Europe - qui utilise beaucoup ces réglementations des Nations Unies - et évidemment à beaucoup de pays dans le monde, le Japon, etc. Et on a la réglementation américaine qui est le deuxième pôle réglementaire, je dirais, en typologie. Mais les deux ont à peu près la même... la même approche. Les deux critères qui sont principalement retenus, c'est un son minimum qui est demandé aux véhicules en basse vitesse, donc de 0 à 20 km/h. Ça pousse à 30 km/h aux États-Unis. On demande un seuil minimum à 10 km/h de 50 dBA et un seuil minimum à 20 km/h de 56 dBA [lire « décibeldécibel A »].
Petite note, le décibel A, c'est le nom qu'on donne à une façon particulière de mesurer le volumevolume sonore. Pour faire très simple, on pondère la mesure avec la norme CEI 61672-1, qui prend en compte la sensibilité moyenne des personnes ayant une audition jugée normale, pour un bruit joué à faible volume. L'idée, en gros, c'est de s'assurer que la voiture soit audible, même dans un environnement bruyant.
[LOUIS-FERDINAND :] « Les exigences réglementaires imposent un son qui est compris entre 160 et 5 000 HzHz. Et à l'intérieur de ça, on demande deux fréquences suffisamment « alertantes ». Alors ce qu'on traduit finalement en deux fréquences, c'est deux tiers d'octave, qui est une façon de mesurer le son où on divise en tiers d'octave - l'octave allant d'une fréquence à son double. [Une ambiance de ville bruyante] Et ces deux tiers d'octave doivent être situés dans ce domaine là avec, dans l'idéal, une fréquence haute pour pouvoir tourner autour du bruit de fond de la ville. Et, quand on a des problèmes auditifs, toujours avoir une basse fréquence qu'on sait entendre. Obligatoirement une fréquence qui soit en dessous de 1 600 Hz. »
Ça, c'est donc le premier critère, qui va vous permettre de savoir qu'une voiture est dans les parages. Mais il manque encore une information sonore cruciale, qui va jouer sur votre prise de décision au moment de traverser.
[LOUIS-FERDINAND :] « Le deuxième comportement qui est demandé, c'est que le son évolue avec la vitesse. Alors il peut évoluer en niveau - il va évoluer en niveau évidemment, comme une voiture normale : quand on monte la vitesse, le niveau sonore évolue. Et, il va évoluer en fréquence. Puisque, comme un moteur thermique, la fréquence évolue, le régime moteur évolue. Quand le régime moteur évolue, eh bien, on a une montée de la tonalité du son. Et ces deux éléments-là vont constituer, finalement, la base pour un constructeur pour créer un son. »
Depuis 2019, d'après la régulation numéro 138 des Nations Unies portant le titre d'« accord concernant l'adoption de règlements techniques harmonisés de l'ONU applicables aux véhicules à roues et aux équipements et pièces susceptibles d'être montés ou utilisés sur les véhicules à roues et les conditions de reconnaissance réciproque des homologations délivrées conformément à ces règlements », [profonde inspiration] depuis juillet 2019 donc, tous les véhicules hybrides et électriques neufs vendus en Europe doivent être équipés d'un AVAS capable de signaler leur présence à vitesse réduite.
Premières esquisses créatives
Bien, on a donc notre point de départpoint de départ - la marque -, nos contraintes - le volume, les deux fréquences obligatoires et l'évolution avec la vitesse -, prochaine étape : on crée des moodboards pour délimiter plus clairement l'univers que l'on souhaite invoquer avec le son.
[LAURENT :] « Ce qu'on appelle des moodboards, c'est des tableaux de tendances qui représentent des images. Donc ça peut être du design intérieur ou du design extérieur. Alors, sur les sons AVAS, on n'a pas aujourd'hui un son par véhicule, on a un son pour une gamme de véhicule d'une marque. Donc, ce son, il doit pouvoir adresser des véhicules petits ou grands, ce qui est parfois un problème puisque on le sait, si on prend l'exemple de la nature, un petit oiseauoiseau [un chantchant de rouge-gorge], il n'a pas la même voix qu'un oiseau plus grand [un croassement de corbeau]. Donc il faut qu'on puisse adresser ces véhicules avec une même voix qui fasse sens. Et pour travailler cela, donc, on utilise des planches de tendances - couleurscouleurs, matièresmatières, design intérieur, design extérieur - et on va aussi aller chercher des imaginaires qui vont refléter ce qu'on souhaite évoquer par le son. Ça donne un cahier des charges assez large au designer sonore, mais assez contraint aussi finalement. Et, ensuite, ce qu'on va essayer d'effectuer, c'est utiliser ces mots-clés qu'on appelle des descripteurs et les traduire en sons. »
Rond, petit, pointu, flou, rouge ou encore brillant, la tendance humaine à sur-privilégier le sens de la vue nous a fourni un vocabulaire presque illimité pour décrire les images, au détriment d'autres sens comme le goût ou l'audition. À moins que vous n'ayez un point de référence familier auquel le comparer, vous risquez d'être vite frustré·e si vous tentez de décrire un son que vous venez d'imaginer [un son étrange, difficile à décrire, à la fois métallique, nasal, grave et scintillant]. Heureusement, il existe des outils pour fournir aux designers sonores comme aux néophytes un langage commun.
[LAURENT :] « On n'a pas de moodboards de sons. Par contre, on travaille souvent avec l'Ircam, qui est l'Institut de recherche et de coordination acoustique/musique, qui travaille avec un lexique sonore. Et ce lexique sonore permet à des gens non-initiés de s'approprier un vocabulaire pour traduire en sons ce qu'ils souhaitent véhiculer comme émotion. Alors pourquoi ? Parce qu'on travaille avec le design, avec les ingénieurs, mais aussi avec le produit, donc des gens qui n'ont pas forcément une sensibilité aux sons - et c'est très bien -, le marketing, qui ont cette vision d'ensemble de ce que doit évoquer le véhicule et qui vont nous aider à définir ce cahier des charges. Donc on n'est pas seuls, en fait, on travaille vraiment avec des équipes pluridisciplinaires et c'est ça qui est assez intéressant, je trouve. Et ce lexique va nous permettre de cadrer les choses. Alors, il est constitué de mots-clés qui vont définir des propriétés générales du son. Donc ça peut être, par exemple, si le son est plutôt naturel, s'il est plutôt synthétique [une voix féminine produit un la, puis se fond en une voix synthétique], est ce qu'on va utiliser des sons de la nature [un chant de merle] ? Est ce qu'on va utiliser des instruments de l'orchestre [un la au violon] ou est ce qu'on va utiliser des synthétiseurs [un la au violon synthétique] ? Ça peut être si le son va être plutôt lisse ou rugueux, s'il va être mat, s'il va être brillant, et ça va encore plus affiner le cahier des charges. Alors, on ne reste pas non plus strict, dans le sens où le designer sonore, une fois qu'il reçoit ce cahier des charges, lui ne va pas pouvoir tout prendre en compte. Il va prendre en compte seulement une partie des mots, que lui va décliner en sons. »
Renault et Jean-Michel Jarre
Pour la création du VSP et de la séquence d'accueil de son nouveau Scenic E-Tech electric, Renault a décidé de pousser la démarche créative encore plus loin, en s’associant à l’artiste Jean-Michel Jarre, compositeur, musicien, mais aussi véritable mordu de technologies sonores. Avec lui, l'objectif a encore une fois été d'incarner la mobilité bienveillante, à travers un son qui alerte tout en rassurant les piétons.
[LAURENT :] « Ç'a été une rencontre exceptionnelle. Je pense que pour Louis-Ferdinand aussi. C'est un homme qui a une humilité extrême, qui est passionné, qui est un ingénieur du soningénieur du son aussi, en plus d'être un musicien, qui est très à l'écoute, très empathique. On a vraiment fait un travail d'équipe avec lui. Lui savait qu'on allait sortir son œuvre sonore sur un petit haut-parleur, donc c'était très contraint. Ça va être écouté par des millions de personnes. Il faut qu'on soit sûrs que la qualité sonore soit au rendez-vous. Ce qui était intéressant dans ce projet, c'est qu'on allait croiser les valeurs de la marque Renault, dont par exemple la mobilité bienveillante, avec l'univers de Jean-Michel Jarre, qui est constitué de sonorités très organiques, très modernes. Ce travail a été passionnant. On a travaillé sur son dernier album, qui s'appelle Oxymore, qui est sorti l'an dernier. Sur cet album, on a des matières sonores très riches, très variées, très organiques, et on est allés chercher les matières sonores qui se prêtaient bien à un son bienveillant au quotidien, un son moderne, un son exclusif et qui reflète bien sûr l'univers « Jean-Michel Jarre ». [Un extrait d'Oxymore, présentant des sons de cordes graves, des scintillements aux sonorités digitales, une mélodie décousue et onirique.] »
Découvrez les coulisses de la création du son « Jean-Michel Jarre ». Le son de la voiture est à découvrir à 10:57. © YouTube, Renault Group
[LOUIS-FERDINAND :] « Ce nouveau son « Jean-Michel Jarre », il est vraiment dans la filiation de l'esprit qu'il y a eu avec la ZOE. C'est-à-dire que, effectivement, il est très différent de tout ce qui se fait dans l'industrie automobile aujourd'hui, des autres constructeurs, qui ont une tendance à être proche de la motorisation, qu'elle soit thermique ou électrique. Avec Jean-Michel Jarre, on a un son qui se voulait différent, à la fois dans son comportement et dans les matières sonores qu'il utilisait. Et cette différence-là, elle va être remarquable, vraiment comme a été ZOE à l'époque. »
Réflexions musicales
Une fois qu'on a l'idée et les matières, on passe à la recherche des sons qui serviront à la composition finale. Dès lors, Renault travaille en étroite collaboration avec l'Ircam, que vous aurez peut-être déjà vu si vous vous êtes rendus au Centre Pompidou, à Paris. [Des touristes discutent sur une place où clapote une fontaine.] Face à la fontaine Igor Stravinsky se trouve un bâtiment de brique, de verre et d'acieracier, qui cache derrière ses mursmurs des trésors sonores, des studios d'enregistrement, une salle de spectacle et une chambre anéchoïquechambre anéchoïque, similaire à celles dont je vous parlais dans le dernier épisode d'INFRA sur le silence. C'est là-bas que Laurent Worms s'est formé avant de rejoindre Renault. Le partenariat du groupe automobile et de l'institut, démarré en 1994, fête déjà ses 30 ans, et du coup, un lien solidesolide s'est noué entre les équipes. Un lien essentiel pour que l'alchimie des mots et des sons opère.
[LAURENT :] « On a travaillé avec Andrea Cera de l'Ircam, qui a pris notre cahier des charges. Et lui, son rôle, c'est de traduire les descripteurs, donc les mots-clés, les moodboards qu'on lui a donnés, en son. Comment est-ce qu'il travaille ? Il a plusieurs leviers à sa disposition. Le premier, c'est le matériaumatériau sonore. Il va aller chercher des matières sonores qui répondent à ce cahier des charges. Pour donner quelques exemples, sur la mobilité bienveillante, là on a travaillé avec Jean-Michel Jarre, donc on est allés chercher des matières sonores issues de son dernier album [le même extrait d'Oxymore joue en arrière-plan]. Pour Dacia, on va plutôt chercher des composantes sonores proches de la nature, qui évoquent la robustesse, la solidité, [un roulement de timbales] donc des percussions par exemple, des sons de percussions facilement compréhensibles. On ne va pas aller sur des sons trop synthétiques, trop travaillés. On va aller sur quelque chose de plus pragmatique, de plus fédérateur, de plus simple. Sur Alpine, on va aller par contre sur des sons qui évoquent la puissance et aussi l'univers électrique [un mélange de moteur à réaction, de moteur de formule Eformule E et de moteur d'Alpine thermique]. Donc c'est passionnant parce qu'on a cette rencontre des deux mondes. Comment est ce qu'on va évoquer la puissance, la légende Alpine et la passion tout en ayant des sons séduisants ? Le deuxième aspect qu'on va utiliser, c'est plus l'harmonie, quelle note on va jouer. Alors ce qui est passionnant avec l'AVAS, c'est que les sons se mélangent au cours du temps en fonction de la vitesse. Donc on n'a pas un son statique. C'est pas comme une musique qu'on va écouter, on a un son qui est vivant, qui ne doit pas lasser au quotidien. Donc en fonction des sollicitations du conducteur, entre zéro et 25 km/h, en fonction de l'appui pédale, en fonction de l'accélération, on va avoir un son qui va évoluer dans le temps. Donc on va mettre en scène différents matériaux sonores qui vont s'ajouter les uns aux autres pendant cette phase d'accélération ou cette phase de vitesse stabilisée. Et on doit faire en sorte que tous ces sons s'imbriquent bien et soient cohérents. Donc, en termes d'harmonie, pour vous donner quelques exemples, sur Jean-Michel Jarre, on a utilisé un accord de [Do majeur septième], [neuvième] aussi et [treizième]. Donc, c'est-à-dire qu'on va ajouter, pour les non musiciens, des notes qui viennent ajouter des petites dissonances, qui permettent d'alerter et qui permettent aussi de donner au son toute sa complexité, toute son identité, toute sa signature sonore spécifique à Jean-Michel Jarre et à Renault. »
En route pour la composition !
On a tous les ingrédients. Il est temps pour l'alchimiste Andrea Cera d'allumer le feufeu et de prendre son creuset pour combiner tout cela de manière harmonieuse.
[LAURENT :] « Si on parle purement technique, on va utiliser des logiciels qui permettent de capter des sons de la nature. Donc par exemple, pour Dacia, on va enregistrer des sons d'animaux, des sons d'insectesinsectes, des sons d'environnement naturel [des oiseaux chantent dans une forêt]. On va ensuite chercher des parties, des matières sonores qui vont être intéressantes. On va les transformer [clics de souris et bruits de clavierclavier d'ordinateurordinateur]. Donc par exemple, on va les raccourcir, on va les rendre plus longues, on va utiliser ce qu'on appelle de la synthèse granulaire [les sons d'oiseaux se transforment en une nouvelle matière sonore, moins clairement définie]. Donc, la synthèse granulaire, c'est qu'on va lire une partie du son en boucle. [Les sons deviennent complètement nouveaux : ils gardent une signature naturelle, mais on ne pourrait pas dire qu'il s'agissait initialement de chants d'oiseaux.] Donc ça va donner un son qui va être complètement différent, mais qui aura dans son ADN une partie naturelle, et ça nous permet d'avoir des sons nouveaux mais qui évoquent la nature. Donc c'est passionnant. On a plusieurs moteurs de synthèse à notre disposition, on a des outils vraiment de pointe aujourd'hui. L'Ircam a ces outils aussi, qui sont d'une dextérité phénoménale et qui nous permettent d'avoir accès à des sons vraiment très modernes, très nouveaux et qui, on espère, vont durer dans le temps. »
[Le son du Scenic E-Tech électrique se révèle pour la première fois : on croirait à un cœur de voix féminines et d'instruments aux sonorités douces produisant une harmonie éthérée, apaisante, et presque cathartiquecathartique.]
Petit bonus : le son sera décliné en trois versions. Par exemple, la Mégane E-Tech de 2022 dispose d'un son neutre [un son évoquant une harmonie de moteurs électriques], d'une déclinaisondéclinaison dite « Pure » [un son plus aérien, donnant l'impression que l'on souffle dans des tubes de verre] et d'un mode « Expressive » qui laisse transparaître dans toute sa gloire la personnalité de la voiture [un son mêlant l'aspect électrique - dominant - et aérien, avec une identité plus franche et remarquable].
Des cordes vocales sous le capot
Victoire ! On a enfin notre son. Mais le travail n'est pas encore tout à fait fini. Vous vous demandez peut-être comment l'AVAS est intégré dans le véhicule, d'où vient le son et comment il se calque sur votre vitesse. Lors de l'enregistrement de cet épisode, Louis-Ferdinand Pardo nous a fait une surprise en sortant de son sac un petit objet en plastiqueplastique noir qu'il a posé sur la table. Le fameux AVAS. À défaut de pouvoir vous le montrer directement, je le laisse vous le présenter et vous expliquer comment il marche.
[LOUIS-FERDINAND :] « Alors, pour décrire le bruit dans la voiture, j'ai ramené une petite boîte que je vais vous décrire. C'est l'AVAS. Donc, c'est une boîte cubique qui fait, voilà, douze centimètres de côté. Et dessus, on a deux petites choses. Je vais utiliser ces petites choses, en fait, pour faire le lien avec la façon dont on va pouvoir jouer le son. La première petite chose, c'est une grille. Parce qu'on a un haut-parleur dedans, un petit haut-parleur, et il faut bien qu'on puisse sortir le son. Et de l'autre côté, j'ai un connecteur. Alors, j'ai le connecteur parce qu'il faut alimenter évidemment, mais il faut aussi envoyer des messages pour contrôler le son. Et à l'intérieur, j'ai bien, comme tout équipement audio, un petit amplificateur et un petit synthétiseur. [Un synthétiseur aux sonorités des années 80 joue les premières notes de Funkytown, par Lipps Inc.] Et ce petit synthétiseur, c'est lui qui va faire le son et qui va permettre, en prenant les éléments qui viennent du véhicule - la vitesse notamment, principalement, c'est le critère qu'on utilise en premier, puisqu'on disait que le son, il évolue de 0 à 20, 30 km/h. On va donc alimenter le synthétiseur avec la vitesse, presque comme des notes en fait. Finalement, quand je monte mon clavier, eh bien, ma tonalité augmente. Mais la matière aussi va évoluer en fonction de la vitesse. Et ce synthétiseur, finalement, il est relativement simple dans son approche. C'est une constitution de petits fichiers sons qui bouclent. Voilà, ils tournent et ils jouent constamment avec la vitesse du véhicule. Donc ils vont évoluer, ces fichiers son vont évoluer avec la vitesse, en niveau ou en vitesse de lecture, donc finalement en hauteur tonale. Et c'est la constitution de tous ces fichiers sons qui bouclent, qui vont construire le son qui sera joué dans cette boîte. »
Contrairement à de la musique, à une sonnerie ou à une alarme indiquant que votre portière est restée ouverte, le VSP a donc cette particularité d'être un son vivant. Il n'existe pas de fichier ZOE.mp3, par exemple ; pour l'entendre, il vous faudra rouler. Ce n'est pas une composition fixe, mais une matière sonore organique qui accompagne le mouvementmouvement de la voiture, et chaque trajet, chaque partitionpartition que vous écrivez en vous déplaçant, est différente. [Un VSP de ZOE monte en tonalité à mesure que l'on accélère puis devient plus grave à la décélération.]
Il ne reste plus qu'à lui trouver un espace où s'exprimer.
[LOUIS-FERDINAND :] « Une fois qu'on a mis le son dans la boîte, qu'on a connecté au véhicule pour qu'il puisse le piloter, finalement ce son, la boîte, il faut aussi la mettre dans la voiture. Donc usuellement, on met la boîte là où on veut l'entendre, donc plutôt devant. Aujourd'hui, plutôt dans le compartiment moteur. On va essayer d'implanterimplanter la boîte, donc qui est déjà un challenge parce que un compartiment moteur, c'est relativement dense. Si vous avez déjà ouvert un capot de voiture [clonk !], vous pouvez voir que dedans il n'y a pas beaucoup de place, c'est très, très optimisé. Donc il faut arriver à le mettre et comme c'est un haut-parleur, il faut aussi quand même arriver à le mettre à un endroit où on l'entende. Il ne s'agit pas de mettre un objet devant le haut-parleur, donc il faut quand même que le haut-parleur puisse s'exprimer et il faut l'accrocher, etc. Enfin, voilà. Donc, la boîte contient différentes façons de l'accrocher, parce qu'effectivement, cette boîte, elle va être montée sur tout type de voiture. Finalement, on a vu qu'il y avait plusieurs sons, mais tous ces sons vont être dans une boîte comme celle-ci. »
Dernières vérifications
Dernière étape : la voiture est envoyée à l'UTAC, l'Union Technique de l'Automobile, du motocycle et du Cycle, à Linas-Montlhéry, pour obtenir son homologation. Elle y sera placée en chambre anéchoïque et soumise à une série de tests pour s'assurer... que tout roule !
[LOUIS-FERDINAND :] « Il faut pouvoir respecter la réglementation. Donc évidemment, alerter. La réglementation donne le niveau minimum d'audibilité qui est nécessaire pour que le véhicule soit sécurisé, sécurisant. Et il faut pouvoir l'entendre devant, il faut pouvoir l'entendre derrière si je suis en marche arrière [VSP de marche arrière], et il ne faut pas trop l'entendre dans la cabine. »
Un exemple de VSP en marche arrière, avec une Tesla Model 3s. © Crazypostman, YouTube
Ça en fait, des choses à prendre en compte. Et comme l'AVAS est une technologie encore relativement récente, il faut s'attendre à ce qu'elle continue à gagner en complexité.
[LAURENT :] « Idéalement, ce qu'on souhaiterait pour le futur AVAS Renault, c'est de pouvoir focaliser le son vers le piéton détecté, vers le cycliste détecté et d'avoir aussi un son qui s'adapte au contexte en fonction du bruit ambiant, en fonction des conditions météométéo, de façon à alerter d'une manière optimale. »
Vers un monde moins bruyant grâce à l'électrique ?
Ce qui nous mène à la grande question : le monde de demain sera-t-il plus silencieux grâce aux voitures électriques ?
[LOUIS-FERDINAND :] « Les véhicules électriques, ils restent comme les véhicules thermiques, mais sans le moteur thermique. Donc les pneuspneus restent la principale source du véhicule électrique. On pouvait avoir 50 % de pneus sur un thermique et puis 50 % de moteur - dans la ville, j'entends. Et quand on est sur un véhicule électrique, on se retrouve à 90 % de pneus et 10 % de moteur. Donc évidemment, on entend toujours ce son-là. Maintenant, ce son-là, c'est presque le bruit de fond, je veux dire. Donc le paysage sonore, il peut évoluer puisque l'AVAS, sa légitimité, c'est de sortir du bruit de fond. Si on réduit le bruit de fond - puisqu'on a réduit les pneus, on a amélioré les routes, on a fait en sorte que, déjà, on ait une base un petit peu mieux -, eh bien, effectivement, quelque part, le son d'AVAS aussi va évoluer. Il va évoluer parce que ça sera moins nécessaire de le mettre à ce niveau-là. Donc il va descendre aussi, il va être un peu plus discret, tout en étant aussi « alertant ». »
[LAURENT :] « On a une vraie responsabilité, en tant que groupe Renault, à travailler sur l'écologie sonore. C'est un sujet qui nous tient à cœur. Effectivement, on a la chance d'avoir des véhicules qui sont moins bruyants aujourd'hui, à l'extérieur. Par contre, se pose la question de savoir si tous ces sons qu'on vient ajouter aux véhicules vont engendrer une symphonie ou pas, dans les villes de demain. Donc c'est une réflexion qu'on est en train de travailler et qui nous interpelle beaucoup puisqu'on va être acteurs de ce changement. On a été pionniers avec ZOE, avec le premier son AVAS, et on souhaite être en phase avec ce que deviendra l'écologie sonore demain de nos villes. »
Mettre en son le monde de demain
Créer un AVAS, c'est à la fois un travail de titantitan et de fourmifourmi, une œuvre collective développée au fil de multiples discussions, itérations et expérimentations, qui habillera les rues demain. Laurent, Louis-Ferdinand et le reste de l'équipe ont travaillé pendant 1 an sur l'AVAS du Scenic E-Tech électrique avant de pouvoir enfin l'entendre rouler.
[LOUIS-FERDINAND :] « On savait évidemment à peu près dans quel terrain de jeu on était. On savait qu'on pouvait reproduire la pièce, on savait qu'on pouvait faire des simulations qui nous permettaient d'à peu près aborder la restitution. En tout cas, être sûr que la restitution ne soit pas très éloignée de ce qu'on avait prévu. Mais évidemment, quand on le met la première fois dans la voiture et qu'on le joue, c'est là qu'il prend sa dimension, c'est là qu'on a des choses qu'on n'imaginait pas et qu'on découvre, parce qu'on a un objet statique, au départ, qu'on écoute et ensuite on le passe sur un objet qui bouge, qui a lui même un environnement sonore - enfin, en tout cas, une ambiance sonore qu'il crée lui-même, par les pneus, par le moteur électrique, etc. Et donc, une fois que l'objet est lancé... Eh bien... [Avec émotion] On a quand même une surprise et une certaine émotion puisque c'est la première fois qu'on l'entend comme ça. »
J'espère que cet épisode d'INFRA vous aura plu et aura su rendre hommage aux artisans, artistes et ingénieurs qui travaillent dans les coulisses pour créer les sons du futur. Si vous voulez en apprendre plus, je vous invite à visiter le site et la page YouTube de Renault où articles et vidéos vous permettront d'explorer un peu plus les coulisses de ce processus de création. Pour soutenir le podcast, parlez-en autour de vous, partagez-le sur les réseaux sociauxréseaux sociaux, et si ce n'est pas déjà fait, abonnez-vous et laissez-nous une note et un commentaire. Ça peut sembler peu de choses, mais ça fait une grosse différence pour nous. Si vous connaissez une personne sourde ou malentendante à qui ce podcast pourrait plaire, n'hésitez pas à le lui recommander. Des transcriptions détaillées sont fournies en description pour que tout le monde puisse en profiter. On se retrouve, je l'espère, très bientôt, et d'ici là, écoutez le monde autrement.
Fun fact bonus !
Un dernier fun fact pour vous qui avez écouté cet épisode jusqu'au bout et pour remercier de leur soutien indéfectible celles et ceux qui suivent le podcast depuis ses débuts. Figurez-vous que Renault n'est pas la seule marque automobile à s'être tournée vers un musicien célèbre pour inspirer la création son AVAS. Volkswagen s'est par exemple tourné vers Leslie Mándoki, un musicien hongrois au look absolument génial, pour designer l'AVAS de son modèle ID.3. [Un son électrique agrémenté de sifflements aux évocations extraterrestres.] Quant à la BMW i4, elle doit ses sonorités à Hans Zimmer, le compositeur des bandes originales iconiques du Roi LionLion, de Pirates des Caraïbes, de Gladiator, d'Inception, d'Interstellar, de Dune et j'en passe. [Un son de motorisation électrique doublé d'un son de motomoto, évoquant une puissance presque animale.] La preuve que l'art peut venir de partout, pour peu qu'on laisse la passion prendre le volant.
Un aperçu de l'AVAS composé par Hans Zimmer pour la BMW i4. © Motoring File, YouTube